Texte de la REPONSE :
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AVENIR DE L'USINE UGINE ET ALZ DU GROUPE ARCELOR À GONESSE M. le
président. La parole est à M. Jean-Pierre Blazy, pour exposer sa
question, n° 932, relative à l'avenir de l'usine Ugine et Alz du groupe Arcelor
à Gonesse. M. Jean-Pierre
Blazy. Permettez-moi, monsieur le ministre, de vous féliciter à mon
tour de votre promotion ministérielle, tout en regrettant que le ministre
délégué à l'industrie ne soit pas là pour répondre à ma question. En effet, le
groupe Arcelor, dont il est va être question, n'est pas une PME, comme chacun
sait ! Je souhaitais effectivement attirer l'attention
du ministre délégué à l'industrie - mais je ne doute pas que vous vous ferez mon
interprète - sur la question des délocalisations, et notamment sur le cas de
l'usine Ugine et ALZ France services de Gonesse, du groupe Arcelor. Il y a
quatre ans - c'est très court - j'inaugurais ce nouvel établissement flambant
neuf avec Francis Mer, alors PDG du groupe. Or voilà qu'a été décidé, dans le
cadre d'un programme de réduction des coûts, l'arrêt définitif de l'activité du
site de Gonesse en 2006 - c'est-à-dire seulement quatre ans après son
inauguration ! - au profit du site d'Isbergues, dans le Nord. Cette nouvelle
devrait vous satisfaire, monsieur le président, et je serais d'ailleurs le
premier à me réjouir que le département du Nord, qui connaît tant de difficultés
puisse bénéficier d'une relocalisation, si celle-ci était réelle. Or, comme vous
allez le voir, elle n'est peut-être qu'apparente. Ceci
dit, 135 emplois seront supprimés à Gonesse. Et la validité des arguments
avancés par Ugine est contestable : un projet alternatif crédible, intégrant les
orientations générales du groupe Arcelor, a été mis au point avec l'appui d'un
cabinet missionné par le conseil général d'Île-de-France, lequel s'est engagé
dans l'action en faveur de l'emploi dans la région francilienne. Arcelor est
coutumier du fait : il a déjà supprimé près de 900 emplois dans le Gard, et
s'apprête à faire disparaître 420 emplois directs sur le site d'Isbergues. C'est
pourquoi j'ai parlé de profit seulement apparent pour le Nord. En effet, de nombreux indices augurent d'un désengagement
d'Arcelor hors du territoire français. Le départ pour Isbergues ne serait que le
prélude à une concentration de la production d'inox d'Arcelor sur les sites
belges de Genk et de Charleroi. À long terme, il s'agirait même d'un processus
de désengagement d'Europe du groupe Arcelor, puisque celui-ci met en avant la
directive européenne sur les émissions de CO2. D'ailleurs, le PDG Guy Dolllé a
dit, dans une interview à La Libre Belgique, au mois
de septembre, que les dirigeants du groupe craignent de ne pas pouvoir obtenir
le permis d'émission pour produire l'acier en quantité souhaitée dans les années
à venir, ce qui est un formidable encouragement à la délocalisation. Il a ajouté
que le jour où ils seront forcés de délocaliser une partie de sa production, on
les taxera de capitalistes insensés qui ne respectent rien. Je souhaite donc savoir, monsieur le ministre, ce que le
Gouvernement compte faire pour empêcher ce désastreux processus annoncé de
désengagement du territoire national, voire européen, par le groupe Arcelor et
sa filiale Ugine. On connaissait jusque-là le dumping social, on risque de
connaître le dumping environnemental. S'agissant de Gonesse, comment favoriser
une véritable réindustrialisation du site d'Ugine, qui doit disparaître dans
moins de deux ans, malgré l'action qui a été menée, à la fois par les élus de la
ville, par des représentants du personnel et des syndicats ? M. le président. La
parole est à M. le ministre des petites et moyennes entreprises, du commerce, de
l'artisanat, des professions libérales et de la consommation. M. Christian Jacob,
ministre des petites et moyennes entreprises, du
commerce, de l'artisanat, des professions libérales et de la consommation.
Monsieur le député, je tiens tout d'abord à vous présenter les excuses de
mon collègue Patrick Devedjian, qui ne peut être présent. Il m'a chargé de vous
donner lecture de sa réponse. La restructuration dont
vous faites état est la conséquence d'un plan - que vous avez évoqué - de
rationalisation globale de l'activité inox d'Arcelor, qui a été rendu possible
par le rapprochement, en 2001, sous une majorité dont vous faisiez partie, des
aciéristes européens Usinor, Aceralia et Arbed. Arcelor
est organisé selon quatre secteurs principaux d'activité, dont les aciers
inoxydables à travers l'entreprise Ugine et Alz Services. Arcelor estime que
cette activité souffre d'une structure industrielle historiquement éparpillée,
d'où des outils de production économiquement peu compétitifs par rapport à la
concurrence, et d'une multiplicité des lignes de produits dont la taille n'est
parfois pas suffisamment importante pour être rentable. Pour pallier la dispersion de ses capacités de production
de demi-produits et le sous-dimensionnement de ses aciéries, le groupe entend
concentrer une partie de la production sur le site de Carlam, à Charleroi, en
Belgique, en y installant un four moderne de grande capacité en amont du
laminoir à chaud dédié aux aciers inoxydables. Le choix de cette localisation à
l'extérieur de la France ne relève pas d'un arbitrage entre des coûts du travail
ou des fiscalités différentes, comme on le constate parfois dans des cas de
délocalisations, mais de l'optimisation de l'outil industriel des trois sociétés
qui ont été fusionnées. Cet investissement conduira à la fermeture des aciéries
de Laudun, dans le Gard, et d'Isbergues, dans le Pas-de-Calais. Les activités
industrielles et commerciales d'Ugine et d'Alz Services qui étaient concentrées
jusqu'à présent à Gonesse seront progressivement transférées à Isbergues, sur
une période courant jusqu'en 2006. Le Gouvernement est
particulièrement attentif à ce qu'Arcelor soit transparent sur ses intentions,
afin de permettre aux territoires d'anticiper au plus tôt et au mieux les
restructurations. Sur chacun des sites touchés, les ministres concernés restent
mobilisés pour que l'accompagnement individuel de chaque salarié soit réel et
que chacun d'entre eux se voie proposer des solutions adéquates. Au plan général, Arcelor reste un groupe très européen par
ses effectifs, et, en particulier, très français. Notre pays accueille 35 % des
effectifs mondiaux du groupe et abrite un outil industriel lourd qui a nécessité
d'importants investissements. Il n'est pas dans l'intention d'Arcelor de se
désengager de l'Europe, qui constitue son coeur de marché et concentre les trois
quarts de son chiffre d'affaires. La mise en place d'un
marché européen des permis d'émission de CO2, si elle constitue effectivement
une source d'inquiétude pour tous les industriels européens intensifs en
énergie, n'est plus de nature à fonder le désengagement d'Arcelor d'un marché
essentiel pour son activité. D'abord, parce que le dispositif européen de permis
d'émission de CO2 est mis en oeuvre sur la base d'un plan national d'allocation
gratuite de quotas qui tient compte des besoins des différents secteurs et en
particulier de l'acier ; ensuite, parce que les impératifs du réchauffement
climatique amèneront tôt ou tard l'ensemble des pays émetteurs de gaz à effet de
serre à aller vers des systèmes de ce type. S'il n'est
pas question pour Arcelor de remettre en cause sa base industrielle historique
en Europe et en France, il n'en reste pas moins qu'il est important, dans un
marché qui reste très cyclique, malgré la période favorable que les
sidérurgistes vivent actuellement, et extrêmement concurrentiel, ainsi que l'a
montré l'émergence récente d'un nouveau numéro un mondial de l'acier, que le
groupe puisse procéder à la modernisation de sa capacité industrielle afin de
renforcer son assise. Dans ce contexte, le Gouvernement
reste très attentif à ce que la stratégie d'Arcelor préserve globalement les
intérêts européens et, en particulier, les intérêts français. M. le président. La
parole est à M. Jean-Pierre Blazy. M. Jean-Pierre Blazy. Monsieur le ministre, votre
réponse confirme ce que j'ai dit. S'agissant des salariés de l'usine de Gonesse,
c'est maintenant le plan social et donc, pour eux, la nécessité de rechercher un
nouvel emploi. Ils n'iront certainement pas, pour la majeure partie d'entre eux,
dans le Nord. Et c'est pour les élus la nécessité de réindustrialiser le site,
qui est tout neuf ! J'appelle votre attention sur le gâchis que constitue la
fermeture, au bout de quatre ans, de ce site qui avait été inauguré par Francis
Mer, alors PDG d'Ugine. Il venait d'être construit ! Il y avait donc tout de
même des choix industriels raisonnés qui avaient été faits. Et, au bout de
quatre ans, on décide de fermer. C'est un grand gâchis. De plus, je tiens à vous faire observer que le groupe
Arcelor est tout de même le numéro un européen et qu'il se porte bien. Il a
d'ailleurs des ambitions au-delà de l'Europe. C'est peut-être légitime de
vouloir, au cours de 2005, prendre le contrôle du brésilien Acesita, mais cela
ne doit pas s'inscrire dans une logique purement financière, au détriment de
l'Europe et, en particulier, de la France. Or, on est parti dans cette voie, et
c'est un désengagement du territoire français, voire du territoire européen, qui
semble se confirmer.
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