Texte de la QUESTION :
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M. Louis Guédon appelle l'attention de Mme la ministre de l'écologie et du développement durable sur les interrogations exprimées par les chasseurs de gibiers d'eau face au calendrier prévisionnel de chasse présenté. Ceux-ci s'étonnent notamment que les dispositions contenues dans l'accord African Eurasian Waterbird Agreement (AEWA) ne soient pas prises en compte pour l'élaboration de ce calendrier. Il est en effet précisé, selon leurs propos, la nécessité de prendre en compte l'état de conservation des populations concernées afin, lorsqu'elles ne sont pas menacées par un prélèvement cynégétique, d'autoriser leur chasse. Cette disposition semble en contradiction avec la jurisprudence de 1994 qui continue à faire l'objet d'une application rigoureuse et qui, elle, impose un régime de protection absolue, sans tenir compte des effectifs constatés des populations concernés. ll lui demande donc les raisons pour lesquelles, malgré la ratification de l'AEWA, celui-ci ne semble pas être pris en compte dans l'élaboration du calendrier cynégétique pour les oiseaux d'eau migrateurs.
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Texte de la REPONSE :
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La ministre de l'écologie et du développement durable a pris connaissance, avec intérêt, des questions relatives à l'accord international sur la conservation des oiseaux d'eau migrateurs d'Afrique-Eurasie (accord AEWA). Cet accord publié en 2003, traduit effectivement une approche renouvelée de la conservation des espèces migratrices, à une échelle pertinente dépassant largement le cadre national et communautaire. Il résulte de longues discussions et se trouve d'abord destiné, comme son titre l'indique, à « maintenir ou rétablir les espèces d'oiseaux migrateurs dans un état de conservation favorable ». Les aspects relatifs à la chasse et les espèces chassables ne représentent qu'une très faible part dans le texte de cet accord, traité international élaboré sous l'égide du programme des Nations-Unies pour l'environnement. L'accord AEWA impose diverses contraintes qui, pour l'essentiel sont identiques à celles de la directive n° 79/409 du Conseil de l'Union européenne du 2 avril 1979 sur la conservation des oiseaux sauvages dite directive « Oiseaux ». Pour quelques espèces les dispositions qu'il contient pourraient éventuellement permettre de justifier un allongement des périodes de chasse. Toutefois, une analyse attentive reste à conduire pour l'ensemble des contraintes et pour toutes les espèces. Le point 2.1.2. a de l'annexe 3 de l'accord AEWA est rédigé ainsi : la réglementation des Parties signataires de l'accord « interdira les prélèvements des oiseaux appartenant aux populations concernées durant les phases de la reproduction et de l'élevage des jeunes et pendant leur retour vers les lieux de reproduction dans la mesure où ledit prélèvement a un effet défavorable sur l'état de conservation de la population concernée ». Il ne s'agit donc pas de considérer qu'un état de conservation favorable autorise la chasse sans restriction ou seulement dans des périodes de temps qui seraient plus larges qu'actuellement, il faut démontrer que les prélèvements par la chasse dans ces périodes n'ont pas d'effet défavorable sur l'état de conservation. Sur le fond, l'accord AEWA prévoit très explicitement, dans son article XI, que les signataires peuvent prendre des mesures plus strictes de protection des oiseaux. C'est en particulier ce que fait la directive « Oiseaux » déjà en vigueur. Elle n'est donc pas contradictoire avec l'accord AEWA. C'est d'ailleurs ce qui explique que l'Union européenne ait adhéré à l'accord. Prendre des décisions fondées sur AEWAen désaccord avec la directive, qui s'impose à la France, sera donc immédiatement sanctionné par le juge. Par ailleurs, sauf décision contraire du juge, l'accord AEWA, comme la plupart des accords internationaux, ne possède pas d'effet direct en droit interne, à la différence des règlements et directives européennes. Il est donc extrêmement probable que toute initiative visant à allonger la période de chasse de telle ou telle espèce sur la seule base de l'accord AEWAdonnerait lieu à de nouveaux contentieux. La France faisait l'objet de recours contentieux communautaires sur les dates de chasse depuis 1995. L'arrêté fixant les dates d'ouverture de la chasse aux oiseaux migrateurs du 24 mars 2006 a conduit la commission à classer ce contentieux et a ainsi écarté les risques pour les chasseurs français d'un arrêt de la cour de Luxembourg. Cet arrêté est en particulier fondé sur des travaux scientifiques nouveaux de l'ONCFS. Seuls de tels travaux peuvent apporter les éléments indispensables pour faire évoluer la jurisprudence administrative. L'utilisation d'arguments fondés sur l'accord AEWA au profit des attentes des chasseurs exigerait, en préalable, la production du même type d'études. Ces deux éléments, classement par la commission du contentieux sur les dates de chasse et fourniture, à l'appui de l'arrêté, d'études scientifiques sérieuses ont été déterminants dans la décision rendue par l'arrêt en date du 13 juillet 2006 de valider l'arrêté du 24 mars 2006 ; lequel avait fait l'objet d'un recours contentieux. La voie est clairement tracée pour faire évoluer les dates de chasse : respect du droit international d'une part et notamment du droit communautaire et études scientifiques sérieuses. La valorisation par les chasseurs des perspectives que semble offrir l'accord AEWA n'est possible que dans ce cadre.
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