Texte de la REPONSE :
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POLITIQUE DU TOURISME EN CORSE
M. le président. La parole est à M. Paul Giacobbi, pour exposer sa question, n° 957.
M. Paul Giacobbi. Monsieur le ministre délégué au tourisme, le tourisme en Corse est en train de s'effondrer. Par rapport à 2003, la saison 2004 enregistre une baisse de fréquentation d'environ 7 % mais, en réalité, la baisse de l'activité touristique, c'est-à-dire des recettes qu'elle engendre, est en moyenne de 30 %. Les raisons en sont multiples. Depuis des décennies, l'investissement dans le secteur touristique est notoirement insuffisant en Corse. La formation aux métiers du tourisme y reste embryonnaire. L'organisation professionnelle est pratiquement inexistante et les interventions des pouvoirs publics, essentiellement au niveau régional, sont importantes, mais malheureusement brouillonnes.
Dès lors, la Corse n'était aucunement préparée à l'émergence brutale, cette année, d'une nouvelle concurrence sur le marché touristique mondial, qu'il s'agisse des destinations lointaines de l'ancienne Yougoslavie, plus précisément de la Croatie, ou des pays de l'Est.
On peut bien sûr tenter de minimiser le phénomène, biaiser sur les chiffres ou les présenter sous un jour favorable. De même que l'on prétend que la violence diminue en Corse ou que le racisme n'y existe pas, il est de bon ton de raconter que, dans le domaine touristique, la situation n'est pas si mauvaise. Mais les insulaires et les habitués de la Corse ont tous constaté, dans les hôtels, aux terrasses de café, dans les restaurants ou dans les boutiques, une désaffection sans précédent, tandis que les professionnels, eux, constatent la diminution, pour ne pas dire l'effondrement de leurs recettes et attendent avec angoisse leurs échéances. Il faut avoir vu les hauts lieux touristiques désertés, les restaurateurs d'habitude surchargés attendant le client sur le pas de leur porte, leur salle aux trois quarts vide, pour comprendre que la réalité n'a rien à voir avec un discours officiel local qui confine parfois à l'aveuglement.
Comme si cela ne suffisait pas, la gestion calamiteuse, au mois de septembre, alors que l'arrière-saison ne s'annonçait pas si mal, du conflit des marins de la SNCM s'est trouvée envenimée par l'intervention intempestive du ministre des finances de l'époque, qui y voyait sans doute une occasion de manifester son obsession communautariste, puisqu'il s'agissait pour lui d'affirmer que l'embauche devait ou pouvait se fonder sur un critère ethnique. Le résultat, c'est que l'on a transformé un conflit ultraminoritaire, qui concernait une cinquantaine de marins sur deux mille, en un blocage de plusieurs semaines des ports de la Corse.
Aujourd'hui, les autorités régionales n'ont entrepris, à notre connaissance, aucune analyse approfondie et n'ont mis en place aucun plan de redressement à moyen terme. Surtout, elles laissent dans l'immédiat les professionnels sans réponse, lorsque ceux-ci les interrogent sur la survie de leurs entreprises.
De surcroît - et c'est un problème sur lequel je veux insister - , dans le climat délétère de la Corse, on peut craindre qu'une partie des entreprises en difficulté ne soient purement et simplement reprises par des investisseurs douteux, voire violents.
L'État ne peut pas rester indifférent à cette crise qui, à l'évidence, n'a rien de conjoncturel et va probablement s'aggraver dans les prochaines années. Monsieur le ministre, ma question est double. Que comptez-vous faire pour sauver les entreprises touristiques insulaires menacées et les empêcher de tomber dans de mauvaises mains ? Quelle place la Corse a-t-elle dans votre politique de redressement du tourisme français au plan national ?
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué au tourisme.
M. Léon Bertrand, ministre délégué au tourisme. Monsieur le député, le tourisme constitue bien évidemment un des moteurs de l'économie insulaire et son développement revêt un intérêt stratégique majeur pour la Corse, compte tenu de la richesse qu'il crée et de son effet d'entraînement sur l'ensemble des secteurs. Mais, vous l'avez rappelé à juste titre, la situation préoccupante des pôles touristiques de l'île n'est pas conforme aux prévisions que la Corse est en droit d'espérer.
Le constat dont vous faites état ne date pas d'hier. Avant la loi du 22 janvier 2002, qui a transféré la pleine compétence en matière de tourisme à la collectivité territoriale de Corse, aucun gouvernement n'avait su ni proposer ni impulser une véritable dynamique de l'économie touristique.
C'est pourquoi Camille de Rocca Serra, président de l'assemblée de Corse, et Ange Santini, président du conseil exécutif, ont souhaité réagir en mettant en place un véritable plan de travail avec le ministère du tourisme et l'ensemble de la profession.
En me rendant fin juin en Corse, j'ai souhaité répondre favorablement à l'ambition de la collectivité territoriale et j'ai insisté sur la nécessité de faire jouer des synergies entre la politique touristique de l'Agence de tourisme de la Corse et les initiatives de mon département ministériel. Ainsi, Maison de la France apportera toute son aide, notamment sur les marchés étrangers, en matière de promotion globale de la destination Corse. Quant à l'Agence française d'ingénierie touristique, elle accompagnera 1'ATC pour structurer l'offre touristique, diversifier les filières, valoriser les potentialités existantes et exploiter toutes les opportunités.
Vous le voyez, monsieur le député, même si le tourisme ne relève pas de la compétence de l'État, puisqu'il s'agit d'une compétence transférée depuis la loi de 2002, le Gouvernement tient à être attentif à ce qui se passe en Corse. Les actions qu'il mène de façon concertée, avec Maison de la France et l'AFIT nous permettront certainement de répondre à vos préoccupations.
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