FICHE QUESTION
12ème législature
Question N° : 961  de  Mme   Génisson Catherine ( Socialiste - Pas-de-Calais ) QG
Ministère interrogé :  justice
Ministère attributaire :  justice
Question publiée au JO le :  03/12/2003  page : 
Réponse publiée au JO le :  03/12/2003  page :  11509
Rubrique :  avortement
Tête d'analyse :  IVG
Analyse :  remise en cause
DEBAT :

INTERRUPTION INVOLONTAIRE DE GROSSESSE

    M. le président. La parole est à Mme Catherine Génisson, pour le groupe socialiste.
    Mme Catherine Génisson. Monsieur le Premier ministre, lors de l'examen du projet de loi sur l'adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité, le Gouvernement, avec l'accord argumenté de M. le garde des sceaux et soutenu par l'UMP, a accepté un amendement qui crée un délit d'interruption involontaire de grossesse et, de fait, pose de façon implicite la question du statut juridique du foetus. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Richard Mallié. N'importe quoi. C'est faux !
    Mme Catherine Génisson. Cet amendement est injustifiable, même si la situation des femmes ayant perdu prématurément et de façon accidentelle un enfant à naître mérite notre attention, comme le prévoit déjà l'article 223-10 du code pénal.
    Cet amendement insulte la loi Veil, compromet le droit des femmes à accéder à l'interruption volontaire de grossesse et remet en cause la décision prise par le législateur, à la demande des citoyens, de ne pas donner de statut juridique à l'enfant à naître. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. Richard Mallié. C'est faux !
    M. Lucien Degauchy. Démago !
    Mme Catherine Génisson. Cet amendement est également une stupidité juridique, car il fragilise la responsabilité médicale et déstabilise la pratique de l'interruption thérapeutique de grossesse. En effet, gynécologues et obstétriciens craignent à juste titre de se retrouver dans l'impossibilité de réaliser certains actes de médecine foetale, dans la crainte de poursuites, au cas où des soins au foetus se termineraient mal. Les femmes, les associations féminines, les associations féministes, les hommes et les femmes de progrès s'insurgent.
    M. Richard Mallié. Parce que vous les avez désinformés !
    Mme Catherine Génisson. Monsieur le Premier ministre, prenez-vous l'engagement solennel de retirer définitivement cet amendement qui est un non-sens politique ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. Richard Mallié. Elle dit n'importe quoi !
    M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.
    M. Dominique Perben, garde des sceaux, ministre de la justice. Madame la députée, malgré le ton un peu polémique de votre question (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste), je vous remercie de me l'avoir posée. (« Ah ! » sur les mêmes bancs.)
    En effet, cette affaire est suffisamment importante pour mériter des explications et que nous en parlions à l'Assemblée nationale à l'occasion des questions d'actualité.
    Première observation : il est évident que le droit d'initiative parlementaire et le droit d'amendement doivent être respectés. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Jean-Claude Lefort. Merci ! Si on a le droit, c'est bien !
    M. le garde des sceaux. Et il est normal que le Gouvernement prenne en compte les initiatives des parlementaires...
    Mme Martine David. Ah oui ?
    M. le garde des sceaux. ... et la possibilité qu'ils ont d'amender les projets de loi. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    Mais il est une seconde observation, essentielle, que je veux adresser à vous, madame, à tous vos collègues et à ceux qui nous écoutent : en lui-même, ce texte ne remet absolument pas en cause le droit des femmes à recourir à l'interruption volontaire de grossesse.
    Plusieurs députés du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains. Si !
    M. le garde des sceaux. Il faut que les choses soient claires. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Vous le savez très bien. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) D'ailleurs, s'il y avait le moindre doute, il a été levé au moment du débat, puisque j'ai moi-même suggéré un sous-amendement qui le précise explicitement. C'est parce que ce sous-amendement a été voté que j'ai accepté l'amendement principal. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    Cela dit, il est vrai que certaines personnes - dont vous êtes l'illustration, madame -, certains groupes, certaines personnalités se sont interrogés après le vote de cet amendement.
    M. François Lamy. On ne s'interroge pas ! On n'est pas d'accord !
    M. le garde des sceaux. Il s'agit, je veux le rappeler - et je vous remercie d'ailleurs de l'avoir souligné, madame -, de prendre en compte la douleur d'une femme dont la grossesse est interrompue malgré sa volonté. C'est une réalité. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) C'est une réalité humaine à laquelle nous sommes, les uns et les autres, je le sais, tout à fait sensibles. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Christian Bataille. Baratin !
    M. le garde des sceaux. Pourrait-on parler de ce sujet sans esprit polémique ? Je crois que cela en vaut la peine ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    Il faut prendre la douleur en compte. Il faut le faire dans la compréhension générale. C'est la raison pour laquelle j'ai pris l'initiative de demander à certains de mes collaborateurs de rencontrer toutes celles et tous ceux qui veulent s'exprimer sur cette question, quel que soit leur point de vue. Je sais que le rapporteur du Sénat pour le texte relatif à la criminalité organisée veut le faire aussi. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) A l'issue de ce débat, qui doit se dérouler dans la dignité, il appartiendra au Sénat (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) lorsqu'il examinera le texte qui lui sera transmis par l'Assemblée nationale...
    M. François Hollande. Il fallait le faire avant de déposer l'amendement !
    M. Henri Emmanuelli. Il faut le faire à l'Assemblée !
    M. le garde des sceaux. Mais l'Assemblée a voté, monsieur Emmanuelli, vous devriez le savoir. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. le président. Monsieur Emmanuelli, je vous en prie !
    M. Henri Emmanuelli. C'est lui qui m'interpelle !
    M. le garde des sceaux. Il n'y avait que trois députés socialistes en séance ! Vous le savez très bien ! (Vives protestations sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Richard Mallié. Où étiez-vous, monsieur Emmanuelli ? Taisez-vous !
    M. le garde des sceaux. C'est donc à la suite de ce travail d'éclaircissement, de réflexion, qu'il appartiendra au Sénat de se prononcer... (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    Mme Martine David. C'est du baratin !
    M. le garde des sceaux. ... et au ministre que je suis de faire valoir à nouveau son point de vue... (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Christian Bataille. Hypocrite !
    Mme Martine David. Tout cela n'est pas bon !

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