FICHE QUESTION
12ème législature
Question N° : 96406  de  M.   Saint-Léger Francis ( Union pour un Mouvement Populaire - Lozère ) QE
Ministère interrogé :  affaires étrangères
Ministère attributaire :  affaires étrangères
Question publiée au JO le :  06/06/2006  page :  5751
Réponse publiée au JO le :  30/01/2007  page :  1019
Rubrique :  sang et organes humains
Tête d'analyse :  organes humains
Analyse :  trafic. lutte et prévention. coopération internationale
Texte de la QUESTION : M. Francis Saint-Léger appelle l'attention de M. le ministre des affaires étrangères sur le trafic d'organes. Il désire connaître les mesures prises par la France pour lutter contre ce trafic d'organes au plan international.
Texte de la REPONSE : Les progrès rapides de la médecine et de la technologie ont converti les transplantations d'organes, et les greffes de reins en particulier, en interventions médicales de routine pratiquées par les hôpitaux du monde entier. La plupart des programmes de transplantation d'organes atteignent à 70 % des taux de survie de cinq ans, ce qui engendre une augmentation rapide de la demande de dons d'organes. La recherche médicale a démontré qu'une greffe de rein augmente les chances de survie des patients. L'obtention d'organes à partir de donneurs décédés, mais surtout de donneurs vivants, est strictement réglementée en Europe. Rien qu'en Europe occidentale, 120 000 patients sont régulièrement en dialyse, et près de 40 000 patients attendent une greffe de rein. Le nombre de malades en attente d'une greffe augmente plus vite que le nombre de greffons disponibles. En raison de la pénurie chronique d'organes, de 15 à 20 % des patients inscrits sur les listes d'attente décèdent avant de pouvoir être greffés. Le délai pour obtenir une greffe est d'environ trois ans actuellement. Il devrait atteindre dix ans dans un proche avenir. Les organisations criminelles ont repéré ce créneau lucratif généré par le décalage entre l'offre et la demande d'organes et accentuent la pression sur des personnes en situation d'extrême pauvreté pour les inciter à vendre leurs organes. A l'échelle de la planète, le trafic d'organes n'est pas un problème nouveau. Dans les années 80, des experts ont commencé à remarquer la pratique du « tourisme de transplantation » : selon le Conseil de l'Europe, de riches receveurs asiatiques se rendaient en Inde ou dans d'autres régions du Sud-Est asiatique pour obtenir des organes de donneurs pauvres. Depuis, d'autres destinations auraient vu le jour, telles que le Brésil ou les Philippines. Plus proche de nous, la pauvreté a poussé des jeunes gens de certaines régions d'Europe orientale à vendre un de leurs reins pour 2 500 ou 3 000 USD alors que les receveurs versaient jusqu'à 100 000 USD pour la greffe. Toutefois, si les estimations actuelles suggèrent que le commerce illicite d'organes se maintient à un niveau relativement modeste en Europe, ce problème ne perd rien de sa gravité, car il est très probable qu'avec les nouveaux progrès de la médecine, le décalage entre l'offre et la demande d'organes continuera à se creuser. Face à cette triste perspective, la France oeuvre pour enrayer ces phénomènes. Elle est très active dans le domaine de la lutte contre le trafic d'organes et, plus globalement, dans la lutte contre tous les types d'atteintes à la dignité humaine. L'action du ministère des affaires étrangères dans ce domaine est double : elle vise à faciliter l'adoption par notre pays des textes internationaux utiles pour lutter contre ce fléau. Sur la scène internationale, elle participe au rayonnement des valeurs associées à la défense de la dignité humaine et encourage ses interlocuteurs à adopter les outils juridiques et opérationnels nécessaires à une lutte efficace. Ces dernières années, la France a signé et ratifié la Convention des Nations unies contre la criminalité transnationale organisée et son protocole additionnel visant à prévenir, supprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants, ainsi que le protocole facultatif à la Convention sur les droits de l'enfant concernant la vente d'enfants, la prostitution des enfants et la pornographie impliquant des enfants. Le trafic d'organes est en effet étroitement lié à la traite des personnes. La France s'est également étroitement associée aux travaux du Conseil de l'Europe sur cette question. Ils ont permis d'aboutir à la finalisation de la Convention du Conseil de l'Europe de lutte contre le trafic des êtres humains. L'objet de cette convention est de prévenir et de combattre la traite des êtres humains sous toutes ses formes, à savoir nationales ou transnationales, qu'elles soient liées ou non à la criminalité organisée. Instrument pratique de coopération internationale, ce texte est destiné à protéger les droits des victimes et assurer le respect des droits de l'homme. Il vise à établir un équilibre entre les aspects liés à la protection des droits de l'homme et ceux relatifs aux poursuites pénales. Il devrait prolonger les réalisations des Nations unies dans ce domaine, dans un contexte européen. La Convention du Conseil de l'Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains a été adoptée par le comité des ministres du 3 mai 2005. Elle a été ouverte à la signature des États membres lors du sommet des chefs d'État et de gouvernement qui s'est tenu à Varsovie les 16 et 17 mai dernier 2005. L'adhésion de la France à ce nouvel instrument constitue l'étape suivante de ce processus. La France a également signé la Convention sur les droits de l'homme et la biomédecine du Conseil de l'Europe et conduit une réflexion sur l'adoption de son protocole additionnel relatif à la transplantation d'organes et aux tissus d'origine humaine. Au niveau national, la législation française a été renforcée par tout un ensemble de textes rapprochant le corpus juridique interne des principes régissant les conventions destinées à lutter contre le trafic d'organes. La loi bioéthique n° 2004-800 du 6 août 2004 a notamment permis d'introduire dans le code de la santé publique les principes de non-publicité et de gratuité des dons d'organes ainsi que l'obligation du consentement préalable du donneur recueilli dans des conditions strictement encadrées. Les infractions à ces normes font courir à leurs auteurs des sanctions lourdes. L'article 511-2 du code pénal prévoit notamment que « le fait d'obtenir d'une personne l'un de ses organes contre un paiement, quelle qu'en soit la forme, est puni de sept ans d'emprisonnement et de 100 000 euros d'amende ». Il est intéressant de noter que les mêmes peines sont applicables dans le cas où l'organe obtenu provient de l'étranger, ce qui vise clairement les réseaux criminels transnationaux qui pourraient chercher à organiser un trafic d'organes vers notre territoire. Sur le plan opérationnel, l'office central pour la répression de la traite des êtres humains (OCRTEH) et l'office central de lutte contre les atteintes à l'environnement et à la santé publique (OCLAESP) centralisent tous les renseignements pouvant faciliter la recherche et la répression de ces trafics sur l'ensemble du territoire en contact étroit avec les services de police, de gendarmerie et en coopération avec les canaux d'échanges que sont Interpol et Europol. Enfin, à l'étranger, la majeure partie de nos postes diplomatiques dispose d'un attaché de sécurité intérieure, voire parfois d'un attaché douanier. Ceux-ci veillent, au travers d'actions de coopération institutionnelle et technique, à la standardisation des méthodes de lutte contre la traite des êtres humains et les trafics d'organes. Leur action vise également à faciliter le déroulement d'enquêtes judiciaires sur les trafics pouvant lier le pays de résidence et la France. Enfin, en plus de ses actions ciblées sur les pays à risque dans le domaine de la traite des êtres humains, la France mène une politique particulièrement active dans le sud-est de l'Europe, notamment en Europe orientale. Le ministère des affaires étrangères a ainsi conduit, ces deux dernières années, une dizaine de missions interministérielles dans les États de la région. Centrées sur le thème de la criminalité organisée, elles ont permis de mieux cerner les caractéristiques des réseaux criminels qui opèrent dans le trafic des êtres humains et des trafics d'organes dans cette région. En outre, un pôle régional de lutte contre la criminalité organisée originaire du sud-est de l'Europe a été mis sur pied au sein de notre ambassade en Croatie, à l'automne 2004. La traite des êtres humains et le trafic d'organes figurent en bonne place parmi les cinq priorités qui lui ont été initialement assignées.
UMP 12 REP_PUB Languedoc-Roussillon O