Rubrique :
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travail
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Tête d'analyse :
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durée du travail
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Analyse :
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système des heures d'équivalence. pertinence
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Texte de la QUESTION :
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En réponse à une question préjudicielle du Conseil d'État, le juge communautaire a décidé que la directive communautaire sur le temps de travail s'oppose à un système d'équivalence lorsque le respect de l'intégralité des prescriptions minimales de la directive n'est pas assuré. Or, le système français des équivalences est contraire au droit communautaire : en effet, ce dernier exige que les heures de présence soient intégralement comptées comme temps de travail et que le respect des seuils communautaires soit assuré - notamment la durée maximale hebdomadaire du travail (CJCE 1er décembre 2005, M. Dellas, CGT et autres). En application de cette décision, le Conseil d'État annule le décret concernant les équivalences dans le secteur social et médicosocial (CE, 28 avril 2006, n° 242727). Sur le plan du temps de travail, l'annulation du décret n'est prononcée « qu'en tant qu'il ne fixe pas les limites dans lesquelles doit être mis en oeuvre le régime des équivalences qu'il définit pour garantir le respect des seuils et plafonds communautaires ». Le Conseil d'État considère qu'un nouveau décret pourrait définir un régime d'équivalence compatible avec le droit communautaire. Et le Conseil d'État « enjoint au Premier ministre de prendre, dans un délai de trois mois [...,] le décret [...] nécessaire ». M. Alain Bocquet attire l'attention de M. le ministre délégué à l'emploi, au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes sur le fait que notre législation sur les heures d'équivalence ne serait compatible avec le droit communautaire que si les conditions suivantes étaient intégralement respectées : la totalité des heures de présence sur le lieu de travail du salarié doit être regardée comme étant du « temps de travail », sans référence au critère français d'effectivité du travail ; en effet pour le juge communautaire, la notion de « temps de travail » constitue une notion de droit social communautaire qui doit bénéficier d'une application uniforme dans l'ensemble des États membres ; le Conseil d'État ayant « oublié » de mentionner cette donnée déterminante ; la durée maximale hebdomadaire du travail de 48 heures doit être respectée ; pour le juge communautaire, la durée maximale de travail hebdomadaire est en effet une règle du droit social communautaire revêtant une importance particulière dont doit bénéficier chaque travailleur en tant que prescription minimale destinée à assurer la protection de sa santé ; les autres seuils et plafonds communautaires prévus par la directive doivent être intégralement respectés à savoir pour les travailleurs de nuit, une durée maximale de travail quotidien de 8 heures en moyenne sur une période déterminée (mentionnée par le Conseil d'État), une période de repos minimum de 11 heures consécutives entre 2 journées de travail (donnée omise par le Conseil d'État) et enfin une durée maximale de travail quotidienne de 10 heures, le Conseil d'État ne l'appliquant pas dans sa décision en se référant au régime d'équivalence : « un temps de [...] 12 heures en chambre de veille est décompté comme 4 heures 30 de travail effectif, soit une durée inférieure aux dix heures maximum ». Il lui demande en conséquence, d'une part, s'il entend supprimer les équivalences réglementaires contraires à la décision du juge communautaire et, d'autre part, s'il peut inciter les organisations d'employeurs des différentes professions concernées à négocier des accords collectifs supprimant conventionnellement les équivalences contraires à la décision du juge communautaire.
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Texte de la REPONSE :
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L'attention du Gouvernement a été appelée sur la portée de l'arrêt « M. Dellas et autres » du 28 avril 2006 dans lequel le Conseil d'État se prononce sur la question de la conformité du régime d'équivalence fixé par le décret n° 2001-1384 du 31 décembre 2001 dans le secteur médico-social (codifié, depuis, dans le code de l'action sociale et des familles) avec la directive communautaire 93/104/CE du Conseil, du 23 novembre 1993, concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail, modifiée par la directive 2000/34/CE du 22 juin 2000 et codifiée par la directive 2003/88/CE du 4 novembre 2003. Cet arrêt fait suite à une décision rendue le 1er décembre 2005 par la Cour de justice des Communautés européennes, saisie de deux questions préjudicielles du Conseil d'État du 3 décembre 2003. Dans cet arrêt, la CJCE a conclu que « la directive 93/104/CE du Conseil, du 23 novembre 1993, concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail, doit être interprétée en ce sens qu'elle s'oppose à la réglementation d'un État membre qui, s'agissant des services de garde que les travailleurs de certains établissements sociaux et médico-sociaux accomplissent selon le régime de la présence physique sur le lieu même de travail, prévoit, pour les besoins du décompte du temps de travail effectif, un système d'équivalence tel que celui en cause au principal, lorsque le respect de l'intégralité des prescriptions minimales édictées par cette directive en vue de protéger de manière efficace la sécurité et la santé des travailleurs n'est pas assuré ». Tirant les conclusions de cette décision, le Conseil d'État a considéré dans son arrêt « M. Dellas et autres » du 28 avril 2006 que le régime d'équivalence institué par le décret n° 2001-1384 ne dérogeait pas, dans son économie générale, à la directive 93/104/CE et ne pouvait faire l'objet d'une censure totale sur le fondement de l'arrêt rendu par la CJCE. Il a ainsi prononcé une annulation partielle du décret (et non totale) en tant que ce dernier ne disposait pas que le temps de pause et les durées maximales fixées par la directive, calculés heure pour heure, devaient être respectés. Le Conseil d'État a donc enjoint au Premier ministre de compléter le code de l'action sociale et des familles afin que soit garanti le respect des plafonds fixés par la directive 2003/88/CE. Pour faire suite à cette injonction, le Gouvernement a préparé un projet de décret qui fait actuellement l'objet d'un examen par la section sociale du Conseil d'État. S'agissant du principe même des régimes d'équivalence, dans la mesure où la jurisprudence communautaire et le Conseil d'Ftat ne remettent pas en cause les équivalences, mais tendent seulement à limiter leur usage dans certains secteurs du fait de l'obligation de respecter les durées maximales communautaires, le Gouvernement n'envisage ni de supprimer les équivalences réglementaires ni d'inciter les organisations d'employeurs à supprimer les équivalences fixées conventionnellement.
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