CONDITIONS DE TRAVAIL
DES APPRENTIS BOULANGERS
M. le président. La
parole est à M. Frédéric Reiss, pour exposer sa question, n° 98,
relative aux conditions de travail des apprentis boulangers.
M. Frédéric Reiss.
Madame la ministre déléguée à la parité, ma question porte sur les conditions de
travail des apprentis boulangers définies dans les articles R. 117 bis-1, R. 117 bis-2 et
R. 117 bis-3 du code du travail. Elle s'adresse
à M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité.
Avant de la formuler plus précisément, permettez-moi de faire quelques
réflexions.
L'apprentissage,
bien compris et bien mené, est une voie d'excellence pour des élèves plus
attirés par le travail manuel que par le travail intellectuel. Pour arriver à
former des artisans de qualité dont notre société a besoin, il ne s'agit pas de
revenir au système d'il y a vingt ou trente ans, où les jeunes entraient dans la
vie active à quatorze ans, mais tout simplement d'être plus proche des réalités
du terrain. Il est étonnant de constater que, dans nos sociétés dites modernes,
nos jeunes sont confrontés de plus en plus tôt, souvent dès l'âge de onze ou
douze ans, aux phénomènes de délinquance, de racket, de drogue, de pédophilie et
autres violences ou traumatismes. C'est malheureusement la dure réalité dans nos
villes, nos villages ou nos quartiers, dans des familles où, parfois, tous les
repères ont disparu.
Aujourd'hui, quand un jeune de
quatorze ans s'intéresse au monde du travail, on le regarde souvent comme un
extraterrestre, lui donnant l'impression que le travail est sur une autre
planète, donc intouchable.
Le
Gouvernement veut redonner ses lettres de noblesse au travail pour libérer les
énergies, selon l'expression utilisée par le Premier ministre. Une des solutions
pour y parvenir passe par le développement de l'apprentissage et de la formation
professionnelle après le collège, mais aussi par la mise en place d'un
dispositif de formation par alternance dès l'âge de quatorze ans pour les
élèves motivés. Ce sera peut-être l'une des clés pour combattre l'ennui à
l'école, dont on parle tant en ce moment, et l'occasion d'ouvrir le débat qui
s'impose avec le ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la
recherche.
A l'heure actuelle,
l'entrée en apprentissage se situe après la classe de troisième. Si un élève
fait une scolarité normale, il n'a pas nécessairement seize ans à ce moment-là.
C'est ainsi qu'à la rentrée 2002, un garçon de ma circonscription, né le
24 décembre 1987, donc âgé de quinze ans, qui n'avait pas le niveau
pour entrer au lycée en cycle long, a choisi, par goût et avec l'accord de ses
parents, d'entrer en apprentissage dans la boulangerie à sa sortie de troisième.
L'apprenti, ses parents et son maître d'apprentissage souhaitent qu'il puisse
participer à la fabrication du pain, mais lorsqu'il arrive à la boulangerie à
six heures du matin, le pain est déjà cuit, ce qui n'est pas très motivant
pour ce jeune.
En effet, les
conditions définies dans les articles R. 117 bis-1, R. 117 bis-2 et
R. 117 bis-3 interdisent à un apprenti de moins
de seize ans de commencer à travailler entre quatre heures et six heures du
matin, c'est-à-dire au moment où s'élabore précisément la fabrication du
pain.
Dans l'immédiat, il me
semble urgent, pour les apprentis boulangers mais aussi pour ceux qui ont choisi
d'autres métiers de la bouche, non de toucher au code du travail, mais de mettre
en place un système dérogatoire qui consisterait en un « droit à la formation »
après la scolarité obligatoire après la troisième. Les inspecteurs du travail
pourraient donc autoriser la formation avant six heures du matin, dans le
cas de la boulangerie par exemple. Ce ne serait pas alors considéré comme un
travail.
Quelles modalités
peuvent être mises en oeuvre, madame la ministre, pour permettre à ce jeune
apprenti - mais aussi à beaucoup d'autres - de devenir boulanger,
métier artisanal emblématique, synonyme de vie dans nos villes et nos villages
?
M. le président. La
parole est à Mme la ministre déléguée à la parité et à l'égalité
professionnelle.
Mme Nicole Ameline, ministre déléguée à la parité et à l'égalité
professionnelle. Monsieur le député, permettez-moi d'abord de saluer
l'intérêt que vous portez au travail, à l'apprentissage et en particulier à
l'insertion professionnelle des jeunes de notre pays.
Il est vrai que l'âge d'entrée en
apprentissage est, en principe, de seize ans, mais il peut être ramené à
quinze ans lorsque le jeune a terminé sa scolarité de premier cycle du
secondaire.
Dans le cas très
particulier des apprentis âgés de quinze ans, aucune dérogation permettant de
travailler avant six heures n'est prévue tant par la législation nationale
que par la directive européenne avec laquelle nous devons naturellement être en
conformité. Cette obligation est en effet expressément prévue par
l'article 9 de la directive du 22 juin 1994 relative à la
protection des jeunes au travail, qui indique que les Etats membres prennent les
mesures nécessaires pour interdire le travail des enfants entre
vingt heures et six heures.
J'ajoute que cette interdiction se
justifie pour des raisons de santé et de sécurité au travail des jeunes de moins
de seize ans. Sa remise en cause semble très difficile et n'apparaît pas
nécessairement très justifiée en l'état actuel de notre droit ; en tout cas,
elle n'est pas envisageable.
Je
confirme néanmoins toute l'attention que le Gouvernement porte à votre analyse
et, en particulier, à la revalorisation du travail et des carrières
professionnelles ainsi qu'à l'apprentissage. Enfin, je rends encore une fois
hommage à l'action personnelle que vous menez dans ce domaine particulier.