FICHE QUESTION
12ème législature
Question N° : 99045  de  M.   Gaubert Jean ( Socialiste - Côtes-d'Armor ) QE
Ministère interrogé :  justice
Ministère attributaire :  justice
Question publiée au JO le :  04/07/2006  page :  6964
Réponse publiée au JO le :  19/09/2006  page :  9895
Rubrique :  justice
Tête d'analyse :  juridictions administratives
Analyse :  fonctionnement. arrêt de la Cour européenne des droits de l'homme
Texte de la QUESTION : M. Jean Gaubert souhaite attirer l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice, sur deux récents arrêts rendus par la Cour européenne des droits de l'homme, l'un en avril 2006, l'autre en juin 2006, condamnant la France pour la présence du commissaire du Gouvernement lors du délibéré au sein des juridictions administratives, qui, selon la Cour de Strasbourg, viole l'article 6  1 de la Convention, notamment sur la question du caractère équitable du tribunal. Il lui demande d'indiquer à la représentation nationale quelles conséquences le Gouvernement entend tirer de ces condamnations et quelles mesures il compte prendre.
Texte de la REPONSE : Les arrêts de la Cour européenne des droits de l'homme mentionnés par l'honorable parlementaire et, en particulier, l'arrêt Martinie rendu en grande chambre le 12 avril 2006, ont précisé la portée de la jurisprudence de cette haute juridiction issue d'un arrêt du 7 juin 2001 Kress. Ce dernier avait jugé pertinent au regard de l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales un grief tiré de la « participation » du commissaire du gouvernement au délibéré, au motif que lui était ainsi offerte « fût-ce en apparence » une occasion supplémentaire d'appuyer ses conclusions à l'abri de la contradiction, alors que le justiciable « doit avoir la garantie que le commissaire du gouvernement ne puisse pas, par sa présence, exercer une certaine influence sur l'issue du délibéré ». La Cour a ainsi entendu condamner la présence même du commissaire du gouvernement au délibéré sans s'arrêter à la distinction faite dans la pratique juridictionnelle française, illustrée par la loi du 24 mai 1872 sur le Conseil d'État, confirmée et précisée par le décret n° 2005-1586 du 19 décembre 2005, entre la possibilité pour le commissaire du gouvernement d'assister au délibéré et la prohibition d'y prendre part. La Cour européenne, comme dans l'arrêt Kress, a fondé sa conviction sur la « théorie des apparences ». Le décret n° 2006-964 du 1er août 2006, pris en Conseil d'État après avis du Conseil supérieur des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, a entendu tirer les conséquences de la position adoptée par la Cour européenne, tout en évitant d'affecter le rôle imparti au commissaire du gouvernement, spécialement devant le Conseil d'État statuant au contentieux. En effet, un intérêt tout particulier s'attache au Conseil d'État à ce que les commissaires du gouvernement puissent continuer d'acquérir par leur assistance au délibéré la connaissance intime de la jurisprudence qui leur permet d'en être les meilleurs porte-parole. Pour les commissaires, cette assistance constitue un élément fondamental de la compréhension de la formation de la jurisprudence et, par suite, de la préservation de leur rôle de garant de l'unité et de la cohérence de celle-ci. Dans la mesure où les arrêts Kress et Maritinie reposent sur l'impression subjective que certains justiciables sont susceptibles d'éprouver, il apparaît suffisant, au regard de la jurisprudence européenne de prévoir la possibilité, pour un justiciable qui ressentirait un sentiment de défiance à la perspective de voir le commissaire du gouvernement assister au délibéré, de l'exprimer par une demande avant que ne s'ouvre ce dernier. Pour assurer l'effectivité de la garantie ainsi donnée, le décret du 1er août 2006 précise que la demande pourra être formée à tout moment de la procédure avant le délibéré et que les avis d'audience reproduiront les dispositions pertinentes du code de justice administrative relatives à l'étendue des droits des intéressés. En revanche, devant les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, conformément à l'avis émis par le Conseil supérieur le 5 juillet 2006, il a été jugé préférable de conférer un caractère absolu à la règle d'après laquelle la décision juridictionnelle est, dans tous les cas, délibérée hors la présence du commissaire du gouvernement. En effet, la portée moindre des délibérés en tribunal ou en cour rend moins nécessaire qu'au Conseil d'État le maintien de l'assistance du commissaire au délibéré dès lors qu'aucune partie n'y a fait obstacle.
SOC 12 REP_PUB Bretagne O