Texte de la REPONSE :
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NUISANCES SONORES DES INFRASTRUCTURES ROUTIÈRES M. le président. La parole est à M. François
de Rugy, pour exposer sa question, n° 101, relative aux nuisances sonores des
infrastructures routières. M. François de Rugy. Je profite
de l'occasion qui m'est donnée en ce début d'année pour vous adresser mes
meilleurs voeux, monsieur le président, madame la ministre de la santé, de la
jeunesse et des sports, madame la secrétaire d'État chargée de l'écologie, ainsi
qu'à tous les personnels de l'Assemblée, qui travaillent à nos côtés. Je
formulerai le voeu plus précis, madame la secrétaire d'État, que les promesses
du Grenelle de l'environnement ne restent pas des voeux pieux, car nos craintes
en la matière sont souvent justifiées. Je voudrais vous interroger sur le
problème du bruit généré par le trafic routier, problème qui concerne
malheureusement une très grande majorité des Français, surtout en ville, bien
sûr, mais aussi, et de plus en plus, à la campagne. Ainsi ma commune
d'Orvault est littéralement cernée par les grandes infrastructures routières :
le périphérique de Nantes, la route nationale 171, plus connue sous le nom de
voie express Nantes-Rennes, et la route nationale 165, également appelée route
de Vannes. Toutes ces routes faisant partie du réseau routier national, dont
l'État est le responsable unique, je me permets de vous interpeller sur ce
point. Les Orvaltais, notamment ceux du quartier du Bois Raguenet ou de la
Conraie, mais aussi de nombreux Nantais du quartier du Bout des Landes,
souffrent particulièrement de ce bruit continu. J'insiste sur ce point : il ne
s'arrête jamais. Il faut préciser que dans ces quartiers, comme c'est très
souvent le cas, toutes les habitations préexistaient à l'établissement de ces
grandes infrastructures routières ou à leur mise à deux fois deux voies. C'est
pourquoi je trouve particulièrement scandaleux que des dispositifs anti-bruit
n'aient pas été construits dès l'origine. On pourrait même regretter qu'on n'ait
pas fait le choix dès le départ d'enterrer ces deux fois deux voies dans les
secteurs les plus densément habités, comme on l'a fait pour le réseau
ferroviaire dans notre ville de Nantes, où la voie de chemin de fer traverse la
ville en souterrain. Il est bien dommage qu'il n'en ait pas été de même pour la
route. Pour le bruit routier, le seuil de gêne est aujourd'hui fixé à 65
décibels. Bizarrement, ce seuil est calculé sur la base de la moyenne des
niveaux atteints, non pas même sur l'ensemble de la journée, mais pendant
vingt-quatre heures, c'est-à-dire pendant le jour et la nuit ! Ainsi les pics
supérieurs à 70 décibels atteints au quartier du Bois Raguenet ne sont pas pris
en compte puisqu'ils sont compensés par les faibles niveaux de la nuit. À
cela s'ajoute qu'il est très difficile d'obtenir des services de l'équipement
notamment qu'ils effectuent des mesures de bruit, et d'en obtenir les résultats
lorsque celles-ci sont effectuées. Cela me paraît en contradiction avec les
conclusions du Grenelle de l'environnement, notamment avec le discours du
Président de la République lui-même, qui en appelait à un droit à la
transparence totale des informations environnementales et de l'expertise. Le
site du Bois-Raguenet a certes bénéficié récemment de l'installation de nouveaux
murs anti-bruit. Mais à notre grande surprise, ils sont à peine plus haut que
les anciens ; et surtout, ils sont trop courts pour être efficaces. Quant aux
autres sites frappés par les nuisances générées par ces infrastructures
routières, ils ont été purement et simplement oubliés. On a opposé à la
réalisation complète de ces murs anti-bruit l'argument classique de leur coût.
Mais ne doit-on pas plus légitimement s'inquiéter du coût de la fatigue
et des pathologies générés par le bruit ? Ce n'est pas votre collègue en charge
de la santé, ici présente, qui me contredira. Une étude de l'INSEE a montré il y
a quelques années que 54 % des Français se déclaraient gênés par le bruit, et
que 59 % des patients en consultation pour états anxiodépressifs plaçaient le
bruit au premier rang des nuisances. Pour tous ceux qu'elle frappe, la pollution
sonore est une vraie souffrance, qui les contraint souvent à déménager. En être
réduit à cette extrémité est douloureux en soi, mais ça l'est d'autant plus pour
ceux qui avaient acquis leur logement avant l'installation de ces
infrastructures, ce qui a dévalorisé leur bien. Ma conviction est donc que la
législation devrait changer pour mieux protéger nos concitoyens contre le bruit
routier. Je me permets à cet égard trois suggestions. Premièrement, les
seuils de gêne ne devraient plus être fixés à partir d'une moyenne, mais tenir
compte des pics, dont il faut savoir que la durée peut excéder plusieurs
heures. Il faut ensuite obliger l'État, les départements et tous les
concessionnaires autoroutiers à installer des protections phoniques avant même
tout nouvel aménagement routier. J'entends ici souvent revendiquer la
réalisation de nouvelles routes, mais on devrait d'abord se préoccuper de ceux
qui souffrent des nuisances générées par les routes existantes. Quant à
l'habituel problème de financement, il pourrait être résolu par la taxe sur les
poids lourds, dont le principe a été décidé dans le cadre du Grenelle de
l'environnement, et qui a pour finalité de prendre en compte les coûts externes
au trafic routier. Êtes-vous prête, madame la secrétaire d'État, à aller dans
ce sens ? M. le président. La parole est à Mme la secrétaire
d'État chargée de l'écologie. Mme Nathalie
Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État chargée de l'écologie.
Monsieur de Rugy, le bruit constitue en effet une grave nuisance, qui n'est
pas dommageable seulement du point de vue du confort, comme on l'a trop
longtemps cru, mais également sur le plan de la santé, des études ou des
expériences locales l'ont d'ores et déjà démontré. En tant qu'élue d'une
circonscription située au bout des pistes d'Orly et traversée par trois
autoroutes, je mesure d'autant mieux les difficultés auxquelles vous êtes
confronté. La réglementation en vigueur pour les infrastructures nouvelles,
si elle peut toujours être améliorée, est d'ores et déjà assez solide. En effet,
un arrêté du 5 mai 1995 relatif au bruit des infrastructures routières, pris en
application de la loi du 31 décembre 1992, indique les niveaux maximaux
admissibles pour la contribution sonore d'une infrastructure nouvelle. Je suis à
ce propos un peu surprise quand vous dites que la réglementation ne distingue
pas entre la nuit et le jour : le décret prévoit normalement 60 décibels en
journée et 50 décibels la nuit pour des logements en zones d'ambiance sonore
préexistante modérée, et pour les autres logements 65 décibels en journée, et 60
la nuit. S'il est vrai que ces seuils ne tiennent pas compte des pics de bruit,
notamment de ce qu'on appelle l'émergence, c'est-à-dire l'irruption d'un bruit
particulier, par exemple celui d'une moto roulant dans la nuit, qui sont les
plus anxiogènes, ils distinguent bien période diurne et période nocturne. Le
décret du 9 janvier 1995 relatif à la limitation du bruit des aménagements et
infrastructures de transports terrestres précise en outre que le respect de ces
seuils doit être assuré par un traitement direct de l'infrastructure et de ses
abords immédiats, par le biais, par exemple, de revêtements moins bruyants, ou
de murs ou de merlons de terre anti-bruits. Lorsque ces dispositifs ne
suffisent pas, et seulement dans ce cas, le respect de tout ou partie de ces
obligations est assuré par un traitement sur le bâti, par une isolation de
façade par exemple, qui tient compte de l'usage effectif des pièces exposées au
bruit. Voilà pour les infrastructures nouvelles. Pour les infrastructures
existantes, l'État applique sur son réseau une politique de lutte contre les
points noirs du bruit qui prévoit une action de rattrapage systématique. En
revanche, un rattrapage immédiat est à ce jour incompatible avec les
possibilités du budget de l'État ou des collectivités, qui, ainsi que vous le
savez, cofinancent ce type de travaux. La réalisation de cartes de bruit et
les futurs plans de prévention du bruit dans l'environnement prévus par le
décret du 24 mars 2006 doivent permettre aux différents maîtres d'ouvrage
d'infrastructures routières d'établir un programme de lutte contre le bruit et
d'indiquer aux riverains un calendrier des travaux. Il convient à ce propos de
noter que le public doit obligatoirement être consulté lors de l'élaboration de
ces plans. Permettez-moi de répondre aux voeux que vous avez formulés à
propos du Grenelle de l'environnement, et d'abord en vous adressant mes voeux à
mon tour ! Les suites du Grenelle de l'environnement nous mobilisent en ce
moment, Jean-Louis Borloo et moi-même, à 200 %. Pour reprendre les mots du
Président de la République, qui les a répétés tout dernièrement, à l'occasion de
sa visite en Camargue, les décisions du Grenelle seront intégralement et
scrupuleusement respectées. Or le Grenelle a évoqué la question du bruit,
dans le cadre, qui n'est pas anodin, de l'atelier " Santé-environnement ". Il a
été décidé d'accroître sensiblement les moyens financiers consacrés à la lutte
contre le bruit des infrastructures de transports terrestres. Nous sommes en
train de décliner dans des comités opérationnels cette orientation, qui sera
bien évidemment une des priorités du futur programme d'investissement. L'option
de retenir une partie de l'éco-redevance sur les poids lourds n'est pas
actuellement privilégiée, celle-ci ayant a priori pour finalité le
développement des alternatives au transport routier - transport ferroviaire,
fluvial ou maritime - même si on peut encore en discuter. M. le
président. La parole est à M. François de Rugy. M. François
de Rugy. Je vous remercie pour votre réponse, madame la ministre, qui
me donne l'occasion de rebondir sur un point. Il est vrai qu'on parle beaucoup
de la pollution sonore générée par les aéroports, notamment en ville, et c'est
bien légitime, étant donné la souffrance des riverains. Mais il faut quand même
savoir que ceux qui souffrent des nuisances sonores générées par les routes sont
en bien plus grand nombre, et qu'il s'agit, je le répète, d'un bruit
continu. Je me réjouis de votre réponse concernant les infrastructures
nouvelles, mais il serait néanmoins préférable qu'on en installe de moins en
moins : notre pays est déjà très largement couvert par les infrastructures
routières et autoroutières, et la question est maintenant de remédier aux
problèmes qu'elles génèrent. Comme pour l'isolation thermique des bâtiments,
l'enjeu est autant, sinon plus, l'existant que les nouvelles
constructions. Je souhaite donc qu'on se montre beaucoup plus offensif en la
matière. C'est là un point de désaccord avec vous : à mes yeux, l'argument de
l'incapacité de l'État à financer ces mesures n'est pas recevable. il faut
comparer le coût de ces protections anti-bruit, qui s'élève en général à
quelques centaines de milliers d'euros, au pire quelques millions, aux dizaines
ou centaines de millions d'euros que coûte la construction d'infrastructures
nouvelles, qui vont à leur tour générer des nuisances. Voilà pourquoi je
continuerai à me battre sur ce sujet, dans ma circonscription et au-delà,
notamment pour que vous donniez instruction à vos services de faire en sorte que
les cartes de bruit indiquent, de la façon la plus transparente, les mesures de
bruit faites préalablement à l'établissement des plans de protection des
habitants contre le bruit routier.
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