Texte de la QUESTION :
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Mme Michèle Delaunay interroge Mme la ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés, sur la situation préoccupante causée par la mise en place au TGI de Bordeaux de Cassiopée, le nouveau logiciel de gestion des procédures pénales. Les magistrats et agents du TGI soulèvent unanimement le manque de fonctionnalité du système, qui requiert 30 % de temps de travail en plus. Cassiopée comporte de graves lacunes en terme de fiabilité et de sécurité des données et introduit des erreurs de droit et des mentions contradictoires, voire ineptes, alourdissant l'enregistrement des dossiers, et éventuellement susceptibles d'entraîner la nullité d'une procédure. On notera par exemple la notion de « peine de mort avec exécution provisoire ». Après plus d'un an, le bilan à Bordeaux est très préoccupant : 20 000 procédures restent à enregistrer, alors que le retard n'était que de 1 000 avant la mise en oeuvre de Cassiopée. Les agents du TGI estiment que la chaîne pénale a ainsi pris deux ans de retard. Pourtant l'arrêt total du programme est impensable, au regard des sommes déjà investies : la conception du logiciel par Atos Origin a coûté à l'État 35 millions d'euros, auxquels il faut ajouter les 14 millions d'euros des lois de finances pour 2009 et pour 2010 assignés à la mise en oeuvre du programme. L'État a ainsi dépensé 49 millions d'euros pour un système qui n'a fait qu'aggraver les difficultés de gestion de nos juridictions. Elle l'interroge donc sur les critères qui ont présidé au choix de Cassiopée et sur les moyens qu'elle compte mettre en oeuvre pour éviter la faillite généralisée de la chaîne pénale.
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Texte de la REPONSE :
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APPLICATION DU LOGICIEL CASSIOPÉE DANS LE TGI DE BORDEAUX Mme la présidente. La parole est à Mme Michèle
Delaunay, pour exposer sa question, n° 1034, relative à l'application du
logiciel Cassiopée dans le TGI de Bordeaux. Mme Michèle
Delaunay. Monsieur le secrétaire d'État à la justice, ma question
concerne la situation très préoccupante causée par la mise en place, au TGI de
Bordeaux, de Cassiopée, nouveau logiciel de gestion des procédures
pénales. Les magistrats et agents du TGI soulèvent unanimement le manque de
fonctionnalité du système, qui requiert 30 % de temps de travail supplémentaire.
Cassiopée comporte de graves lacunes en termes de fiabilité et de sécurité des
données, et introduit des erreurs de droit et des mentions contradictoires,
voire ineptes, alourdissant l'enregistrement des dossiers et éventuellement
susceptibles d'entraîner la nullité d'une procédure. On notera, par exemple, la
notion de " peine de mort avec exécution provisoire " ! Après plus d'un an,
le bilan à Bordeaux est très préoccupant. L'implantation de Cassiopée a entraîné
un retard de 20 000 dossiers dans l'enregistrement des procédures. Si quelques
vacataires ont bien été engagés pour résorber ce retard, cette aide ponctuelle
sera insuffisante. Pourtant, l'arrêt total du programme est impensable, au
regard des sommes déjà investies. La conception du logiciel par Atos Origin,
société présidée par Thierry Breton, a coûté à l'État 35 millions d'euros,
auxquels il faut ajouter les 14 millions d'euros des lois de finances 2009 et
2010 assignés à la mise en oeuvre du programme. L'État a ainsi dépensé 49
millions d'euros pour un système qui n'a fait qu'aggraver les difficultés de
gestion de nos juridictions... Je souhaite donc que vous m'indiquiez quels
critères ont présidé aux choix de Cassiopée et surtout quels moyens vous comptez
mettre en oeuvre pour éviter la faillite généralisée de la chaîne
pénale. Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marie
Bockel, secrétaire d'État à la justice. M. Jean-Marie
Bockel, secrétaire d'État à la justice. Madame la députée, tout
d'abord il n'y a pas de risque de faillite généralisée. Chaque semaine - et je
l'ai vu récemment à Chambéry - je me rends compte sur le terrain que, passé le
cap difficile que vous avez rappelé à juste titre, le logiciel Cassiopée
représente un plus, comme le reconnaissent les magistrats et les personnels qui
en sont partie prenante. Plus d'une centaine de tribunaux de grande instance
sont aujourd'hui dotés du système Cassiopée. Le projet a été lancé en 2001, sous
l'autorité de Mme Lebranchu, afin de remplacer une informatique obsolète,
remontant en partie au début des années 1980. Ce projet est porteur d'enjeux
qui ne sont pas contestés, tels que la mise à jour automatisée des fichiers de
police, le perfectionnement des outils de pilotage et la mise en place du bureau
d'ordre qui renforcera l'efficacité de l'action publique, la fin des saisies
multiples, la limitation des sources d'erreur, l'alimentation d'un infocentre
national. Comme j'ai pu le constater dans plusieurs juridictions, certains
problèmes sont attribués, à tort, à des dysfonctionnements du système. Beaucoup
sont la conséquence de la reprise des données des anciennes applications qui
constitue une phase, certes contraignante mais provisoire, pour les services. On
l'a vu dans d'autres domaines où des systèmes centraux ont été mis en
place. D'autres interrogations sont liées à la logique de chaîne de Cassiopée
qui couvre l'ensemble du processus pénal, ce qui est son objectif, de la
poursuite jusqu'à l'exécution des peines. Des difficultés techniques sont
survenues à l'occasion de la montée en charge du déploiement. Une opération de
renouvellement des serveurs est intervenue depuis. Un plan d'action préventif a
d'ailleurs été engagé et nous sommes en train de réaliser les investissements
nécessaires. Le marché de réalisation étant arrivé à son terme, un nouvel
appel d'offres a abouti à l'attribution, en début d'année, du marché de
maintenance à la société GFI, basée à Lille. Les moyens financiers assignés à la
mise en oeuvre du programme au titre des lois de finances 2009 et 2010
permettront d'achever le déploiement dans des délais raisonnables, quand ce
n'est pas déjà fait - et quand c'est fait, je peux vous assurer que cela
fonctionne bien - début 2011 en province et fin 2011 en région
parisienne. Comme vous l'avez déploré, l'implantation de Cassiopée au TGI de
Bordeaux a suscité certaines difficultés en raison de son caractère
expérimental. J'attache donc une grande importance à ce que cette juridiction
bénéficie de moyens d'accompagnement et de soutien spécifiques. C'est ainsi
qu'à la suite d'une évaluation par nos services, un contrat d'objectifs a été
passé par la cour d'appel, en vue de résorber le stock des procédures dans un
délai de six mois. L'implantation a également mis en exergue certains besoins en
termes d'organisation et d'effectifs, ce qui nous a permis de localiser, au
titre des emplois 2010, deux postes de fonctionnaires supplémentaires pour
permettre une mise en oeuvre harmonieuse du dispositif, avec une aide
méthodologique proposée par nos services. J'ai pu me rendre compte à quel
point Cassiopée constituait un progrès et une opportunité stratégique pour nos
juridictions, non seulement pour les magistrats et les fonctionnaires, mais
également pour les avocats et les auxiliaires de justice. Et je vous assure que,
quand ce logiciel fonctionne, il fonctionne très bien. Nous faisons tout notre
possible pour mettre fin aux dysfonctionnements et rattraper les retards bien
réels que vous avez eu raison de souligner. Mme la
présidente. La parole est à Mme Michèle Delaunay. Mme
Michèle Delaunay. Monsieur le secrétaire d'État, c'est tellement un
progrès que la plupart des magistrats et des fonctionnaires utilisent en
parallèle, pour des raisons de sécurité, l'ancien système, INSTRU, et le
nouveau, Cassiopée. Vous m'avez parlé du renouvellement des serveurs de
production. Certes, il a permis de diminuer la fréquence des coupures Internet,
mais le temps de connexion reste particulièrement long. Comment peut-on être
opérationnel quand un changement de page peut prendre jusqu'à vingt minutes
? Je veux bien croire que la situation s'améliorera dans un horizon
quelconque, mais plus la juridiction est importante, plus les difficultés sont
grandes. Je redoute, pour Bordeaux bien sûr, mais également pour les grandes
juridictions qui vont " bénéficier " de Cassiopée, de très graves difficultés
qui viendront alourdir le travail des magistrats.
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