DEBAT :
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PLAFONNEMENT DES SALAIRES DES DIRIGEANTS M. le président. La parole est à M. François
de Rugy, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine. M.
François de Rugy. Monsieur le Premier ministre, le Président de la
République a déclaré à la télévision, après le sommet social du 18 février, que
la priorité devait désormais aller à la justice sociale. Il y a cependant un
sujet qu'il a totalement évacué : celui des écarts de salaire et de revenu.
Pourtant, depuis dix ans, en France, le patrimoine des 10 % des foyers les plus
aisés a augmenté dix fois plus que celui des 10 % des foyers les moins aisés.
Plus concrètement encore, concernant les salaires, la presse s'est récemment
fait l'écho des rémunérations des dirigeants, dans le secteur des banques par
exemple : plus de 3 millions d'euros pour le patron de la BNP, plus de 1,5
million pour celui du Crédit Agricole, ou encore 850 000 euros pour celui de la
Société Générale. Il est vrai que votre gouvernement ne donne pas l'exemple,
monsieur le Premier ministre : on se souvient que, quelques mois après son
installation à l'Élysée, Nicolas Sarkozy a demandé, et obtenu, que son salaire
soit triplé. (" Démago ! " sur les bancs du groupe UMP.) Tout
récemment encore, un ancien ministre, devenu président de l'Autorité des marchés
financiers, a également demandé à ce que son salaire soit augmenté. Avant lui, -
comble de l'indécence ! - c'était le dirigeant de la structure qui a remplacé
l'ANPE qui avait fait de même. Au moment même où les Français voient se
multiplier les chômages partiels et les licenciements, qui entraînent
inévitablement des pertes importantes de revenus, que comptez-vous faire sur ce
front ? Aux États-Unis, le Président Obama a déclaré que les salaires des
dirigeants des organismes publics, para-publics ou de toute entreprise ayant
bénéficié d'une aide publique devraient désormais être plafonnés à 500 000
dollars, soit 380 000 euros. Monsieur le Premier ministre, pour rétablir un
minimum d'équité salariale dans notre pays, envisagez-vous de prendre la même
mesure ? (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et
SRC.) M. le président. La parole est à Mme Christine
Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi. Mme
Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de
l'emploi. Monsieur de Rugy, sur la question de la rémunération des
dirigeants, la position du Gouvernement, sous l'autorité de François Fillon, est
très simple : la rémunération est la contrepartie de la performance. (Rires
et vives exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR. - Applaudissements
sur quelques bancs du groupe UMP.) Quand la performance est bonne, il n'y a
pas de honte à ce que la rémunération le soit aussi ;... M. Frédéric
Cuvillier. Et Pérol ? Mme Christine Lagarde,
ministre de l'économie. ...si la performance n'est pas bonne, il est
alors parfaitement injuste qu'il y ait une bonne rémunération.
(Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP. - " Et Pérol ?" sur les
bancs du groupe SRC.) Qu'a fait le Gouvernement ? Tout d'abord, il a
proposé, et vous l'avez voté, le principe selon lequel il ne doit pas y avoir
d'indemnités de départ quand les critères de performance n'ont pas été
respectés. C'est inscrit dans la loi. Deuxièmement, chaque fois que le
concours de l'État a été sollicité, qu'il s'agisse des banques ou du secteur
automobile - et ce sera la même chose dans tous les autres secteurs -, nous
demandons en contrepartie des engagements de la part des dirigeants, et qu'ils
renoncent à la part variable ou au bonus qu'ils reçoivent. Nous sommes même
allés plus loin puisque nous avons demandé au MEDEF et à l'association des
banques de mener un certain nombre de travaux pour établir des principes
éthiques. Ces principes ont été transcrits dans un code de bonne conduite, qui a
été adopté par le MEDEF. Nous avons enjoint à toutes les sociétés du CAC 40 et à
toutes les autres sociétés cotées d'inscrire dans leurs délibérations de conseil
d'administration et dans leurs statuts les principes prévus par ce code éthique
: pas d'indemnités de départ en cas de mauvaise performance, plafonnement des
indemnités de départ, comité des rémunérations. M. Frédéric
Cuvillier. Et la déontologie, où est-elle ? Mme Christine
Lagarde, ministre de l'économie. J'ajoute que nous avons demandé
aux banques de procéder de même, et pas seulement pour leurs dirigeants, mais
également pour les traders, c'est-à-dire pour les opérateurs de marché. En
effet, ceux-ci sont bien souvent rémunérés grassement au moment de la
réalisation de l'opération avant, bien sûr, que celle-ci ne soit dénouée. Nous
avons donc demandé à leur égard la même chose : des règles éthiques, étendues à
l'ensemble du secteur bancaire. Vous le voyez, qu'il s'agisse de la loi que
nous proposons ou des prescriptions que nous formulons, nous suivons un principe
: pas de rémunération qui serait excessive dès lors qu'il n'y a pas de
performance. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP. -
Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.) M. André
Chassaigne. C'est un baratin indécent !
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