Texte de la QUESTION :
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M. Jean-Frédéric Poisson alerte Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur les conflits dont les enfants peuvent faire l'objet à l'occasion des divorces. Il semble en effet que près de deux millions d'enfants ne voient que très peu l'un de leurs parents, et que plus de 20 000 ne le voient pas du tout, pour cause d'irrespect de l'obligation de présentation par leur parent assurant leur garde. Il s'agit d'un véritable enjeu pour notre société. Alors qu'une solution judiciaire se fait jour par l'intermédiaire de la notion d' « aliénation parentale », il souhaiterait connaître l'intention du Gouvernement en vue d'accompagner cette réponse d'une véritable politique publique familiale et humaine en prenant en compte l'intérêt de l'enfant et de l'unité familiale.
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Texte de la REPONSE :
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La garde des sceaux, ministre de la justice, indique à l'honorable parlementaire qu'elle estime que le respect des décisions de justice accordant un droit de visite et d'hébergement au parent chez qui l'enfant ne réside pas habituellement est fondamental dans l'intérêt de ce dernier. La notion de « syndrome d'aliénation parentale », que l'honorable parlementaire évoque, fait l'objet de nombreuses polémiques. Il ne fait pas partie de la classification internationale des maladies (DSM IV, CIM +). En outre, cette notion ne laisse aucune place à la nuance, caricaturant le « bon » et le « mauvais » parent. Elle n'intègre nullement les attitudes du parent prétendument rejeté qui pourraient contribuer à l'éloignement de l'enfant, au moins l'alimenter (par exemple une faible affection, un manque d'empathie...). Toutefois, il est indéniable que le contact entre l'enfant et celui des parents avec lequel il ne vit pas ne doit pas être rompu de manière unilatérale. Les traumatismes provoqués par cette rupture peuvent être importants pour l'enfant. La cour européenne des droits de l'homme a, dans un arrêt récent du 18 janvier 2007 visant l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme garantissant le droit au respect de sa vie privée et familiale, condamné la République tchèque pour n'avoir pas fait preuve de la diligence qui s'imposait pour permettre à un père de bénéficier de contacts avec son enfant. Il convient d'observer que la mise en oeuvre des décisions de justice fixant l'exercice des droits de visite et d'hébergement ne permet pas le recours à la force publique dans les conditions du droit commun des procédures civiles d'exécution. Le parent victime lésé dans ses droits peut, en revanche, déposer une plainte auprès des forces de l'ordre, celles-ci étant tenues de la recevoir selon l'article 15-3 du code de procédure pénale, pour dénoncer ces faits constitutifs du délit de non-représentation d'enfant (art. 227-5 du code pénal). Si la plainte est déposée le jour-même où les faits de non-représentation sont commis, les forces de police et de gendarmerie disposent des pouvoirs liés à l'enquête de flagrance. Cependant, en ce domaine très particulier qu'est le droit de la famille, l'engagement direct de poursuites n'apparaît pas toujours comme la solution la plus adaptée au règlement de ces difficultés. En effet, l'intérêt de l'enfant commande d'essayer de rétablir les relations entre les parents. C'est pourquoi, le recours à des alternatives aux poursuites, telles que la médiation pénale ou le classement sous condition de régularisation (art. 41-1 du code de procédure pénale), est privilégié par le ministère public, notamment dans les cas où le parent mis en cause ne conteste pas le principe de la remise de l'enfant mais ses modalités. Si la médiation ou les autres alternatives échouent, l'exercice de poursuites pénales reste une mesure de contrainte afin que la personne qui serait privée indûment de son droit puisse trouver un moyen de faire respecter les décisions judiciaires. En tout état de cause, l'exercice des poursuites est envisagé pour les situations dans lesquelles l'un des parents manifeste de manière délibérée et répétée un refus de respecter les décisions judiciaires. En 2006, 1 385 condamnations étaient prononcées des chefs de non-représentation d'enfant et soustraction d'enfant par ascendant. En 2003, ce chiffre était de 957. Il convient de rappeler que l'article 373-2 du code civil, introduit par la loi n° 2002-305 du 4 mars 2002 relative à l'autorité parentale, impose à chacun des titulaires de l'autorité parentale de respecter les liens de l'enfant avec l'autre parent. Or, l'aptitude de chacun des parents à respecter les droits de l'autre constitue désormais l'un des critères sur lesquels se fonde le juge pour prendre les décisions relatives à l'exercice de l'autorité parentale à l'égard de l'enfant (art. 373-2-11-3° du code civil). Le non-respect des modalités d'un droit de visite et d'hébergement judiciairement fixé est donc d'ores et déjà pris en considération par le juge aux affaires familiales lorsqu'à l'initiative de l'autre parent, il est appelé à statuer de nouveau sur les conditions d'exercice de l'autorité parentale. Saisi par simple requête du parent dont le droit de visite ou d'hébergement est entravé (art. 373-2-13 du code civil), le juge peut transférer la résidence de l'enfant à son domicile, voire lui confier l'exercice exclusif de l'autorité parentale. Le juge peut aussi, si l'intérêt de l'enfant le commande, lorsque le lien entre l'enfant et le parent avec lequel il ne vit pas a été altéré par l'attitude de l'autre parent, prévoir que les rencontres se feront dans un espace de rencontre pour que les liens puissent se renouer progressivement dans le respect de la personne de l'enfant. Au regard de tous ces éléments, la modification du dispositif en vigueur en matière de sanction de la non-représentation d'enfants, et de ses conséquences en termes de modalités d'exercice de l'autorité parentale, n'est pas envisagée.
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