FICHE QUESTION
13ème législature
Question N° : 1090  de  M.   Lagarde Jean-Christophe ( Nouveau Centre - Seine-Saint-Denis ) QOSD
Ministère interrogé :  Culture et communication
Ministère attributaire :  Culture et communication
Question publiée au JO le :  01/06/2010  page :  5927
Réponse publiée au JO le :  09/06/2010  page :  4062
Rubrique :  urbanisme
Tête d'analyse :  rénovation urbaine
Analyse :  cité de l'Étoile. perspectives. Bobigny
Texte de la QUESTION : M. Jean-Christophe Lagarde attire l'attention de M. le ministre de la culture et de la communication en ce qui concerne la cité de l'Étoile à Bobigny. La cité de l'Étoile à Bobigny, propriété de la SA d'HLM Emmaüs, est intégrée dans le programme de renouvellement urbain, signé en 2007, entre l'ANRU et la ville de Bobigny. Cette cité, de 408 logements, a été construite d'après les plans des architectes Candilis, Josic et Woods dans le cadre des programmes « Million ». Il comprendra donc l'attente des résidents qui demeurent actuellement dans des appartements exigus, vétustes, insalubres et sans confort. Le projet de rénovation urbaine prévoit la démolition reconstruction de 280 logements et la transformation de 128 logements en 196 logements étudiants. L'instance de classement, déposée à la demande de la direction de l'architecture et du patrimoine, a conduit à la constitution d'une commission d'expertise chargée de déterminer quels éléments de cet ensemble architectural doivent être conservés. L'instance ne concernant que la partie ouest de cet ensemble, il lui demande s'il ne pense pas qu'il conviendrait d'autoriser dès maintenant la poursuite du processus ANRU, à savoir la démolition-reconstruction sur les 208 autres logements ? En effet, ne serait-il pas concevable de satisfaire à la fois les aspirations des locataires et le souhait très légitime de préservation d'une partie significative de ce patrimoine urbain ? Les 128 logements devant être réhabilités semblent pouvoir permettre à la commission d'exprimer des préconisations susceptibles de préserver le caractère architectural et historique de l'oeuvre de Candilis, Josic et Woods et il ne fait aucun doute qu'elles puissent ensuite être intégrées dans la réhabilitation projetée.
Texte de la REPONSE :

CITÉ DE L'ÉTOILE À BOBIGNY

M. le président. La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde, pour exposer sa question, n° 1090, relative à la cité de l'Étoile à Bobigny.
M. Jean-Christophe Lagarde. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État chargé de l'emploi, mes chers collègues, sous l'égide de Jean-Louis Borloo, le Gouvernement s'est engagé dans un programme de rénovation urbaine de logements sociaux, programme d'une ampleur inégalée, exemplaire à plus d'un titre et qu'aucun autre gouvernement avant lui n'avait eu l'audace de lancer.
Ce volontarisme a suscité enthousiasme et détermination chez tous les acteurs locaux. En effet, le patrimoine immobilier, souvent issu des programmes des années cinquante - notamment les logements Million -, a vieilli et est devenu indigne d'un pays comme le nôtre : nous ne pouvions accepter plus longtemps que des locataires vivent dans des conditions d'hygiène et d'insalubrité insupportables, nous ne pouvions tolérer de les confiner dans des ensembles immobiliers dangereux, exigus et délabrés.
Le plan de rénovation urbaine a permis de monter des opérations de démolition d'ensembles urbains anciens et de construction de bâtiments neufs aux normes et aux dimensions d'aujourd'hui, en y réintroduisant une vraie mixité sociale. Pour des milliers d'habitants, il a représenté l'immense espoir de vivre mieux.
C'est notamment le cas, dans ma circonscription, à Bobigny, pour la Cité de l'Étoile. Je suis convaincu que le Gouvernement ne souhaite pas anéantir l'espoir inouï qu'ont conçu tant de locataires, au nom de l'intérêt patrimonial de ces ensembles urbains. Si cette cité, oeuvre de trois architectes de renom - Candilis, Josic et Woods - et réalisée dans le cadre des logements Million, était novatrice en 1956, si elle est symbolique de la démarche architecturale de son temps, faut-il pour autant remettre en question tout le chantier que la SA d'HLM Emmaüs s'apprêtait à y engager, et condamner les habitants à subir le ghetto ? Vous l'aurez compris, je m'interroge sur la compatibilité de la démarche de l'ANRU avec la légitime conservation de traces de notre histoire urbaine.
Pouvez-vous me dire si la municipalité communiste de Bobigny était informée de cette démarche de conservation du patrimoine quand elle a élaboré son projet de rénovation urbaine ? Si elle ne l'était pas, elle se retrouve dans une situation impossible. Le ministre envisage-t-il de réunir autour d'une table les représentants de l'ANRU et de la direction de l'architecture ? Envisage-t-il de les conduire à conjuguer leurs intérêts en apparence contradictoires ?
Il y va des conditions de vie de plusieurs milliers de locataires à Bobigny comme dans d'autres grands ensembles urbains. Vous le savez, l'ANRU impose des calendriers d'exécution très contraints, mais il me semble que, à la cité de l'Étoile notamment, on doit pouvoir trouver les moyens d'une réponse rapide et adaptée, conciliant la préservation du patrimoine architectural - par exemple en conservant, après réhabilitation lourde, un élément immobilier phare - et la rénovation urbaine du reste des bâtiments, soit 280 logements. Il faudrait également permettre l'ouverture de nouvelles voies qui faciliteront la vie du quartier et le désenclaveront.
Comme aux Courtilières à Pantin, on pourrait dès octobre, après avis de la commission d'experts, autoriser la réalisation des travaux d'intérieur dans le bâtiment qui doit être transformé en résidence étudiante, et permettre, en même temps, la démolition des immeubles où les locataires vivent dans des conditions insupportables.
Naturellement, il convient que l'État apporte sa garantie pour une restauration de qualité des immeubles qui seront conservés. C'est urgent, car cette cité de Bobigny, chef-lieu de la Seine-Saint-Denis, est gravement confrontée au mal-vivre des banlieues, devenues des ghettos, où la violence, la délinquance et l'échec scolaire et social ont chassé l'espérance suscitée jadis par les trois architectes.
Dans la cité de l'Étoile, 85 % des ménages ont des revenus inférieurs à 60 % des plafonds PLUS. La cité de l'Étoile a besoin de retrouver le chemin de l'espérance, et Bobigny a besoin, pour y parvenir, de l'État et de son outil, l'ANRU. Tout cela doit pouvoir se faire sans que le calendrier initial ne soit trop perturbé et en respectant les volontés de la DRAC.
M. le ministre peut-il me rassurer sur la poursuite de l'opération de renouvellement urbain de la cité de l'Étoile ? De façon plus générale, peut-il m'indiquer si un protocole sera envisagé pour éviter que, à l'avenir, un vent de panique n'agite les cités HLM dont les locataires, à mille lieues d'un quelconque intérêt architectural, crient légitimement à la trahison quand on leur annonce que leur cité sera figée, qu'ils devront y demeurer dans des conditions d'hygiène, d'exiguïté, d'insalubrité d'un autre âge, et qu'ils seront, de surcroît, privés purement et simplement des bienfaits tant espérés de l'ANRU ?
M. le président. La parole est à M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État chargé de l'emploi.
M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État chargé de l'emploi. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, la cité de l'Étoile, composée de 727 logements, a été construite pour Emmaüs, entre 1958 et 1962, par des architectes prestigieux. Elle présente une valeur patrimoniale très importante, par le témoignage qu'elle constitue au titre du logement social en France et du mouvement engagé par l'abbé Pierre. Elle a fait l'objet, après avis de la commission régionale du patrimoine et des sites d'Île-de-France en date du 16 décembre 2008, d'une labellisation " Patrimoine du XXe siècle ". La mairie était bien informée que la DRAC souhaitait conserver ce patrimoine lorsqu'elle a engagé son programme de rénovation urbaine.
La cité fait aujourd'hui l'objet d'un projet de rénovation urbaine, à la suite d'une convention signée par la ville de Bobigny avec l'ANRU en décembre 2007. Les actions projetées concernent la démolition et la reconstruction de 280 logements. Toutefois, afin de prolonger les réflexions architecturales, notamment dans l'intérêt de la cité, l'architecte des bâtiments de France a émis un avis défavorable au permis de démolir et le ministre de la culture et de la communication a instruit une instance de classement. Il ne s'agit pas de sanctuariser la cité, de figer la situation, mais de permettre d'améliorer le projet de requalification urbaine et architecturale proposé, dans l'intérêt de tous. À cet effet, dès la notification de l'instance de classement, il a été décidé, conjointement avec l'ANRU, de mener dans les plus brefs délais une mission qui prenne en compte l'ensemble des impératifs requis - et vous avez, à cet égard, rappelé l'attente des habitants. Il ne s'agit pas d'indiquer ce qui doit être conservé et démoli, mais de proposer des préconisations urbaines, architecturales et techniques, afin d'explorer les évolutions du projet de rénovation urbaine.
La mission intégrera une agence d'architecture associée à un bureau d'études et à un historien de l'architecture, et son suivi sera assuré conjointement par l'ANRU et par le ministère de la culture.
Les conclusions, attendues au plus tard en septembre 2010, devront permettre de proposer aux habitants, à la ville de Bobigny et à Emmaüs Habitat les améliorations nécessaires à l'actuel projet de rénovation urbaine, avec la signature d'un avenant à la convention d'ici à la fin de l'année, dans l'intérêt des habitants du quartier et de ses futurs occupants.
M. le président. La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde.
M. Jean-Christophe Lagarde. Je vous remercie de votre réponse, monsieur le secrétaire d'État, car elle nous apporte trois éléments d'information importants.
Ainsi, ces difficultés étaient connues dès l'origine de la conception du projet de rénovation urbaine. Or, il y a quelques semaines, on a expliqué aux habitants qu'il s'agissait d'une nouveauté qui allait bloquer le chantier.
D'autre part, vous fixez à septembre le délai pour que les experts de la commission puissent dire comment poursuivre le chantier. Si je comprends parfaitement l'intérêt de la conservation du patrimoine, la vie des gens qui l'occupent me paraît devoir être prise en compte en priorité - et elle semble l'être dans votre réponse.
Enfin, le chantier va pouvoir se poursuivre. J'imagine que, si les préconisations de cette commission sont reprises par la DRAC, les bâtiments bénéficieront, comme la cité de la Muette - ancien camp de Drancy -, d'une intervention de l'État qui favorisera une réhabilitation de meilleure qualité. Votre réponse a contribué à rétablir la vérité et à redonner espoir à des gens qui étaient assommés par une nouvelle prétendument inattendue.

NC 13 REP_PUB Ile-de-France O