Texte de la QUESTION :
|
Mme Danielle Bousquet attire l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés, sur le fonctionnement des juridictions du travail. En effet, alors que le procès prud'homal doit permettre aux salariés de défendre leurs droits, notamment au regard de créances alimentaires nécessaires au quotidien, l'accès au juge ne leur est plus assuré qu'aux termes de longs mois, voire de longues années d'attente. Selon les témoignages, un cadre attend au minimum deux ans pour que son affaire soit entendue à Nanterre et un travailleur de la Seine-Saint-Denis attend entre trente et trente-six mois pour plaider son dossier devant le juge départiteur. Il est courant que s'écoulent au moins dix à douze mois entre l'audience de conciliation et l'audience de jugement, et il est nécessaire de patienter des mois après les plaidoiries pour obtenir le prononcé de la décision puis l'envoi du jugement. Un salarié qui demande la requalification de son contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée a peu de chance d'obtenir gain de cause avant le terme du contrat alors que le code du travail prévoit que le conseil doit avoir statué dans le délai d'un mois à compter de sa saisine, mais que très peu de conseils sont en mesure de respecter la loi et le salarié peut attendre jusqu'à douze mois. De même, les conseils des prud'hommes ne sont que trop rarement en mesure de trancher les contestations portant sur les licenciements économiques dans le délai de sept mois voulu par le législateur. Devant la cour d'appel, les délais sont souvent de deux années pour qu'une affaire soit entendue, qui plus est devant un juge unique et non en audience collégiale. Cette lenteur a un effet pervers évident sur les perspectives de négociation, les employeurs n'ayant aucune motivation à régler vite des conflits qui s'éternisent et leur donnent du temps, certains faisant d'ailleurs l'objet d'un redressement judiciaire ou d'une faillite, avant qu'une décision de justice n'intervienne. Les salariés confrontés aux situations de précarités les plus lourdes se trouvent contraints de transiger bien en deçà de leurs droits. La convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme garantit pourtant que « toute personne à droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable par un tribunal indépendant et impartial.», la Cour européenne rappelant que les conflit du travail « portant sur des points qui sont d'une importance capitale pour la situation professionnelle d'une personne doivent être résolus avec une célérité particulière ». Elle lui demande donc d'indiquer à la représentation nationale quelles mesures le Gouvernement entend prendre pour donner aux juridictions du travail les moyens humains, matériels et financiers pour fonctionner.
|
Texte de la REPONSE :
|
Après un fort afflux d'affaires en 2009 (228 901), le nombre d'affaires dont les conseils de prud'hommes ont été saisis baisse sensiblement en 2010 (217 128). Ces affaires sont constituées de 172 044 affaires au fond (- 2,6 %) et de 45084 référés (- 13,7 %). Par ailleurs, les conseils de prud'hommes ont enregistré en 2010 une forte augmentation (+ 6,9 %) du nombre d'affaires terminées, lesquelles sont passées de 192 411 en 2009 à 205 626 en 2010. La durée moyenne des affaires terminées en 2010 s'est établie à 11,1 mois. Elle inclut celle des affaires au fond (13,7 mois) et celle des référés (2 mois). Elle est en hausse par rapport à 2009. Il convient d'ajouter que 25 % des affaires terminées en 2010 l'ont été en moins de 2,5 mois, 50 % l'ont été en moins de 9 mois et 25 % l'ont été en plus de 15,8 mois. L'âge moyen du stock n'a que très faiblement augmenté en 2010, s'établissant à 11,7 mois. Cette durée moyenne reste en deçà du niveau des cinq dernières années. En ce qui concerne les conseils de prud'hommes de Nanterre et de Bobigny, s'il est établi que la durée moyenne des affaires terminées en 2010 y est plus importante que la moyenne nationale, soit respectivement 21,4 mois et 22,9 mois, il reste que l'âge moyen de leur stock d'affaires s'est réduit puisqu'il est passé à Nanterre de 18,3 mois en 2009 à 13,6 mois en 2010, et à Bobigny, de 19,5 mois en 2009 à 19 mois en 2010, malgré un volume annuel d'affaires nouvelles conséquent (environ 5 300 pour Nanterre et 6 000 pour Bobigny). En toute hypothèse ces juridictions font actuellement l'objet d'une attention particulière de la chancellerie, très sensible à la durée de traitement des contentieux. À cet égard, il faut noter que cette durée moyenne des affaires terminées n'est pas uniquement liée aux moyens mis à disposition des greffes des conseils de prud'hommes concernés ; les délais de jugements sont parfois allongés par la pratique des renvois successifs souhaités par les parties et/ou leurs avocats, tout comme par le recours fréquent au juge départiteur dans ce type de contentieux aux enjeux économiques importants. Ainsi, en 2010, le taux de départition est de 28,9 % à Bobigny, de 21 % à Nanterre, et de 20,9 % à Villeneuve-Saint-Georges. Si la procédure de départage garantit l'équilibre des intérêts des demandeurs et des défendeurs, le renvoi en départage induit automatiquement un allongement substantiel de la procédure. En tout état de cause, le garde des sceaux conserve le souci permanent de garantir aux conseils de prud'hommes les meilleures conditions de travail, tant en termes de moyens humains en prévoyant notamment le prochain recrutement exceptionnel de greffiers des services judiciaires, que matériels. Aussi, afin de garantir la qualité de la justice prud'homale, des réflexions ont récemment été menées avec le ministère du travail, de l'emploi et de la santé afin d'améliorer le fonctionnement des conseils de prud'hommes. D'ores et déjà, des échanges réguliers avec les organisations syndicales et patronales lors des assemblées plénières du Conseil supérieur de la prud'homie ont conduit la direction des services judiciaires à piloter des groupes de travail destinés à faire émerger des solutions aux difficultés liées à l'indemnisation des conseillers prud'hommes et à optimiser les moyens matériels et financiers mis à la disposition des conseillers prud'hommes au sein de ces juridictions. Par ailleurs, le projet de loi relatif à la répartition des contentieux et à l'allègement de certaines procédures juridictionnelles examiné en deuxième lecture au Sénat le 18 octobre et qui sera soumis à un dernier examen par l'Assemblée nationale avant la fin de l'année 2011 prévoit la possibilité de spécialiser les juges départiteurs. Cette spécialisation devrait améliorer la qualité de la justice prud'homale et réduire le délai de traitement dans un contentieux technique toujours plus complexe.
|