FICHE QUESTION
13ème législature
Question N° : 1164  de  Mme   Maquet Jacqueline ( Socialiste, radical, citoyen et divers gauche - Pas-de-Calais ) QOSD
Ministère interrogé :  Justice et libertés (garde des sceaux)
Ministère attributaire :  Justice et libertés (garde des sceaux)
Question publiée au JO le :  15/06/2010  page :  6438
Réponse publiée au JO le :  25/06/2010  page :  4738
Rubrique :  système pénitentiaire
Tête d'analyse :  établissements
Analyse :  conditions de détention
Texte de la QUESTION : Mme Jacqueline Maquet attire l'attention de Mme la ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés, sur les incidents récents qui ont eu lieu à la prison de Bapaume dans le Pas-de-Calais. Un détenu est décédé, trois autres hospitalisés suite à l'absorption de médicaments. Ces incidents suscitent des interrogations sur les conditions carcérales. Trois enquêtes ont d'ailleurs été ouvertes par le parquet d'Arras, et par l'inspection générale des services pénitentiaires. Aussi elle souhaite être informée de l'évolution de ces enquêtes et connaître les dispositions qu'elle compte prendre afin d'améliorer les conditions de vie des détenus de la prison de Bapaume et éviter ainsi d'autres suicides.
Texte de la REPONSE :

CONDITIONS DE DÉTENTION À LA PRISON DE BAPAUME (PAS-DE-CALAIS)

M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Maquet, pour exposer sa question, n° 1164, relative aux conditions de détention à la prison de Bapaume, dans le Pas-de-Calais.
Mme Jacqueline Maquet. Ma question s'adresse à Mme la ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés. Après ma visite du centre de détention de Bapaume la semaine dernière, ma rencontre de l'ensemble du personnel pénitencier et un bref échange avec M. le préfet du Pas-de-Calais, mon inquiétude est grande quant au suivi médical des détenus.
La prison de Bapaume ne fait pas partie des prisons surpeuplées. Avec 600 places, un détenu par cellule, un système dit de " portes ouvertes ", des sanitaires en dehors des cellules, un parloir, une bibliothèque, des ateliers de production, la prison est bien entretenue.
Ce contexte n'a cependant pas empêché les suicides. Le mois dernier, un détenu s'est donné la mort, et trois autres ont tenté de mettre fin à leurs jours le 28 avril. Trois enquêtes ont été ouvertes. S'agissant du détenu décédé, il apparaît qu'il refusait de s'alimenter et venait d'être transféré. L'autopsie a décelé qu'il était très malade, et souffrait notamment d'une tuberculose ganglionnaire.
Ce drame a révélé des difficultés importantes dans le suivi médical. Le transfert du dossier médical d'une prison à l'autre n'a pas été effectué. De ce fait, au fur et à mesure de la dégradation de la santé du détenu, aucune radiologie n'a été faite, alors même que son état de santé aurait pu mettre en danger non seulement les autres détenus, mais également le personnel de la prison. Quant aux trois autres détenus, ils auraient ingurgité des mélanges de médicaments dont on ne connaît pas vraiment la provenance.
La prison de Bapaume manque de moyens pour le suivi médical. Sur les 600 détenus, les deux tiers suivent un traitement. Les médecins, les psychiatres et les psychologues sont en sous-effectif et ne peuvent par conséquent exercer, malgré de nouveaux locaux, un suivi personnalisé de chacun des détenus. Or, cette prison va se spécialiser prochainement dans l'accueil des délinquants sexuels.
Le personnel médical rencontré lors de cette visite m'a interpellée pour réclamer des moyens, mais aussi sur la prochaine création d'unités de vie familiale. Enfin, il est également nécessaire de mettre en place un filet de protection, afin d'éviter que des objets ou produits extérieurs atterrissent dans la prison.
Ma question sera simple : quels moyens supplémentaires Mme la garde des sceaux compte-elle débloquer pour éviter ce type d'incidents ?
M. le président. La parole est à M. le ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche.
M. Bruno Le Maire, ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche. Madame la députée, je vous prie de bien vouloir excuser Mme la ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés, qui m'a prié de répondre en son nom à votre question.
Le centre de détention de Bapaume a effectivement connu des événements tragiques dans la journée du 28 avril 2010. Le décès d'une personne détenue, des suites d'une longue maladie, d'une part, et l'absorption massive de médicaments par trois autres détenus, d'autre part, n'ont cependant aucun lien entre eux et ne sauraient être imputables à une ambiance générale au sein de l'établissement. C'est en tout cas ce que démontre l'inspection que Mme la garde des sceaux a immédiatement diligentée, et dont le rapport lui a été remis le 10 juin dernier.
Une inspection a également été menée par l'agence régionale de santé à la suite de ces faits. Les conclusions en seront connues dans quelques jours et pourront alors vous être communiquées.
La délivrance des médicaments en détention répond à des principes bien établis. Elle est individuelle et se fait à un rythme adapté à la situation de chacun, en fonction de l'évaluation de l'autonomie du patient par le médecin. Elle est effectuée exclusivement par le personnel soignant. Selon le type d'établissement pénitentiaire, les médicaments sont distribués soit à l'unité de consultations et de soins ambulatoires, soit en détention pour l'ensemble des détenus.
Quand la personne détenue est autorisée à conserver des médicaments dans sa cellule, ceux-ci lui sont remis dans un sachet à son nom, mentionnant la date de la prescription, la posologie et la durée du traitement prescrit. Si, pour des raisons d'ordre et de sécurité, liées notamment aux risques de trafic ou de racket, le chef d'établissement s'oppose à ce qu'une personne détenue conserve des médicaments en cellule, il doit prendre une décision individuelle motivée et en informer immédiatement le médecin responsable de l'unité de consultations et de soins ambulatoires afin qu'une solution alternative soit trouvée.
Je rappelle enfin que la surveillance de l'observance des prescriptions médicales ne relève ni de la compétence, ni de la responsabilité du personnel pénitentiaire.
M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Maquet.
Mme Jacqueline Maquet. Il faut, je crois, être très vigilant sur le suivi médical : or, peu de dossiers médicaux suivent effectivement le détenu lors des transferts. C'est un point essentiel : dans le cas du détenu décédé à Bapaume, c'est essentiellement le transfert du dossier médical qui est en cause. Et mes interlocuteurs m'ont affirmé qu'il en allait le plus souvent ainsi dans les prisons.
D'autre part, le système des portes ouvertes entraîne des dérives - je pense notamment aux intoxications médicamenteuses.
Je serai très attentive aux rapports des différentes enquêtes et inspections, et je suivrai ce dossier de très près afin que l'on puisse progresser sur le sujet.

S.R.C. 13 REP_PUB Nord-Pas-de-Calais O