Texte de la QUESTION :
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M. Christian Eckert attire l'attention de M. le ministre du travail, de l'emploi et de la santé sur la situation de nombreux de nos concitoyens vivant en zone frontalière. Député d'une circonscription frontalière avec la Belgique et le grand duché de Luxembourg, il lui rappelle que des dizaines de milliers de travailleurs français passent chaque jour la frontière pour se rendre sur leur lieu de travail. Parmi ces travailleurs, on compte plus de 70 000 personnes pour le seul grand duché de Luxembourg. Le Gouvernement a, semble-t-il, pris la mesure de cette situation particulière puisqu'il a créé en janvier 2010 une commission franco-luxembourgeoise pour le renforcement de la coopération transfrontalière entre nos deux pays. Un an plus tard, il attend toujours d'être convoqué à la première réunion de cette commission. Dans le même temps, une mission parlementaire a été confiée au député Étienne Blanc, à la sénatrice Fabienne Keller et à la députée européenne Marie Thérèse Sanchez-Schmid. Cette commission, dont il a rencontré les membres à deux reprises, a travaillé sur des propositions afin de mieux exploiter les opportunités des territoires frontaliers. Les habitants de ces territoires sont confrontés à des problèmes de la vie quotidienne, de la question des transports à celle de la fiscalité par exemple. Il souhaite donc lui soumettre deux questions d'ordre fiscal et social qui ont un impact direct sur les travailleurs frontaliers exerçant au grand duché de Luxembourg. La première est en lien avec la réforme des retraites votée en novembre dernier : lorsque des salariés frontaliers ont fait une carrière mixte entre la France et le grand duché de Luxembourg et qu'ils font valoir leurs droits d'admission à la préretraite pour causes de pénibilité dans le travail, de licenciements ou d'accords sociaux selon les lois et dispositions actuellement en vigueur au grand duché de Luxembourg, quelles seront les conditions d'attribution de la retraite en France avant l'âge de 62 ans ? En effet, le salarié ayant terminé son activité professionnelle au grand duché de Luxembourg mais n'ayant pas atteint l'âge légal de la liquidation totale de sa retraite, soit 62 ans pour une carrière complète, va voir son pouvoir d'achat diminué sensiblement. Existe-t-il un mode de compensation ou de rémunération pour la période allant jusqu'à la liquidation de la retraite en France ? La seconde a trait aux prestations spécifiques liées au handicap et aux allocations familiales de salariés travaillant seul ou en couple au grand duché de Luxembourg. Lorsqu'un enfant est reconnu handicapé par la maison départementale des personnes handicapées, et que celle-ci décide de lui attribuer l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé, la caisse d'allocations familiales en charge du versement de cette allocation ne peut effectuer l'opération. En effet, la procédure de mise en paiement des prestations familiales réalisée par le grand duché de Luxembourg, pour le compte de la France, ne permet pas le versement d'une autre allocation due au titre du handicap mais normalement versée par la caisse d'allocations familiales en France. C'est un réel imbroglio administratif qui pénalise les travailleurs frontaliers concernés, comme par ailleurs la mise en application du décret du 19 décembre 2008 relatif aux modalités de calcul et de versement de l'allocation différentielle qui impacte le montant des aides allouées aux travailleurs frontaliers du grand duché de Luxembourg dans le calcul de cette allocation notamment vis-à-vis de la prestation d'accueil du jeune enfant. Pour ces deux questions, il souhaiterait donc connaître précisément quels moyens et quelles actions le Gouvernement compte mettre en place afin de remédier à ces dysfonctionnements qui ont des conséquences négatives sur le pouvoir d'achat des travailleurs frontaliers.
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Texte de la REPONSE :
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TRAVAILLEURS FRONTALIERS EXERÇANT AU LUXEMBOURG Mme la présidente. La parole est à M.
Christian Eckert, pour exposer sa question, n° 1249. M. Christian
Eckert. Madame la secrétaire d'État auprès de la ministre des
solidarités et de la cohésion sociale, je suis député d'une zone frontalière
avec la Belgique et le Grand-Duché de Luxembourg. Des dizaines de milliers de
travailleurs français passent chaque jour une frontière pour aller travailler ;
plus de 70 000 personnes travaillent au Grand-Duché de Luxembourg. Le
Gouvernement avait, semble-t-il, pris la mesure de l'importance des liens entre
nos deux pays puisqu'il a créé au mois de janvier 2010 une commission
franco-luxembourgeoise pour le renforcement de la coopération transfrontalière.
Nous attendons aujourd'hui, un an plus tard, la convocation de la première
réunion de cette commission. Parallèlement une mission parlementaire confiée
au député Étienne Blanc, à la sénatrice Fabienne Keller et à la députée
européenne Marie Thérèse Sanchez Schmid a travaillé sur des propositions
destinées à mieux exploiter ces opportunités. Les habitants de ces
territoires sont confrontés à des problèmes de la vie quotidienne - des
questions de transports et de fiscalité par exemple. Je souhaite donc poser
au Gouvernement deux questions d'ordres fiscal et social qui ont un impact
direct sur les travailleurs frontaliers. La première a un lien avec la
réforme des retraites. Lorsque des salariés frontaliers ont fait une carrière
mixte entre la France et le Grand-Duché de Luxembourg ou la Belgique, et qu'ils
font valoir leurs droits d'admission à la préretraite pour cause de pénibilité
dans le travail, de licenciements ou d'accords sociaux selon les lois belges ou
luxembourgeoises, quelles seront les conditions d'attribution de la retraite en
France avant l'âge de 62 ans ? Existe-t-il un mode de compensation ou de
rémunération pour la période allant jusqu'à la liquidation de la retraite en
France ? Le problème se pose de façon accrue entre le Luxembourg, la Belgique
et la France depuis la dernière réforme des retraites. Faut-il renvoyer ces
travailleurs vers l'URSSAF, avec le délai de carence qui s'impose ? La
seconde question porte sur les prestations sociales - je vous sais, madame la
secrétaire d'État, attachée à ces questions. Lorsqu'un enfant est reconnu
handicapé par la Maison départementale des personnes handicapées, et que
celle-ci décide de lui attribuer l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé,
la caisse d'allocations familiales est chargée du versement de cette allocation,
mais ne peut effectuer l'opération. En effet, la procédure de mise en
paiement des prestations familiales réalisée par le Grand-Duché de Luxembourg
pour le compte de la France ne permet pas le versement d'une autre allocation
due au titre du handicap mais normalement versée par la CAF en France. C'est
un réel imbroglio administratif qui pénalise les travailleurs frontaliers
concernés. Quels sont les moyens et les actions que le Gouvernement prévoit
de mettre en place pour remédier à ces dysfonctionnements qui pèsent sur le
pouvoir d'achat des travailleurs frontaliers ? Mme la
présidente. La parole est à Mme Marie-Anne Montchamp, secrétaire d'État
auprès de la ministre des solidarités et de la cohésion sociale. Mme
Marie-Anne Montchamp, secrétaire d'État auprès de la ministre des
solidarités et de la cohésion sociale. Monsieur le député, vous interrogez
le Gouvernement sur la question du versement des prestations liées au handicap
et des allocations familiales de salariés, travaillant seuls ou en couple, dans
le Grand-Duché de Luxembourg. Vous évoquez également la question de la
retraite. Je vous rappelle que les systèmes de sécurité sociale des États
membres de l'Union européenne sont coordonnés par un ensemble de règles qui
s'imposent à tous. Un citoyen européen ne peut relever que d'une seule
législation nationale de sécurité sociale. Pour déterminer la législation
applicable, le critère habituel est celui du lieu d'exercice de l'activité
professionnelle. Ce principe général est complété, en matière de prestations
familiales, par des règles de priorité permettant d'éviter des situations de
cumul des prestations familiales qui aboutiraient à des traitements inéquitables
entre allocataires. Il faut donc déterminer quel est l'État compétent pour
verser des prestations, dans le cas où une famille est susceptible de se voir
ouvrir des droits dans différents pays. Une fois déterminé le pays de
rattachement principal, les autres États peuvent, le cas échéant, verser un
complément différentiel. Par exemple, dans le cas qui vous intéresse d'un
travailleur exerçant son activité au Grand-Duché de Luxembourg, il a droit pour
les membres de sa famille résidant en France aux prestations familiales
luxembourgeoises, et ce de façon prioritaire si le conjoint éventuel n'exerce
pas d'activité professionnelle en France. Dans ce cas, les caisses
d'allocations familiales peuvent, à titre subsidiaire, verser aux intéressés une
allocation différentielle, l'ADI, prévue à l'article L. 512-5 du code de la
sécurité sociale. Cette allocation est versée lorsque le montant de l'ensemble
des prestations familiales étrangères est inférieur au montant de l'ensemble des
prestations familiales françaises auxquelles ces personnes auraient droit si
elles travaillaient en France. L'objectif de cette disposition est donc de
garantir un montant total de prestations au moins équivalent à ce que percevrait
la famille si l'allocataire travaillait en France et relevait à ce titre, en
application des règles européennes, de la législation française de sécurité
sociale. D'autre part, l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé est une
prestation familiale dont l'objectif principal est de compenser les charges de
famille supplémentaires liées à la présence d'un enfant handicapé dans le foyer.
L'AEEH est donc nécessairement prise en compte dans la comparaison entre les
deux montants globaux de prestations familiales pour calculer l'allocation
différentielle éventuellement due par la caisse française, si la prestation
versée est inférieure à la prestation prévue en France. En d'autres termes,
l'AEEH ne peut être versée aux intéressés directement et intégralement sur la
base de leur seule résidence en France, puisque ces personnes relèvent
prioritairement de la législation de sécurité sociale d'un autre État
membre. C'est cette législation étrangère qui doit servir en priorité les
prestations familiales ainsi que, le cas échéant, des prestations liées au
handicap. En l'occurrence, la législation luxembourgeoise comporte une
allocation supplémentaire pour enfant handicapé. Verser la prestation d'AEEH
en tant que telle, sans l'inclure dans le calcul d'ensemble, serait donc
contraire à la logique de l'ADI. Cette logique d'une approche globale de
l'ensemble des prestations versées a d'ailleurs été renforcée par le décret du
19 décembre 2008, pris en application de l'article 95 de la loi de financement
de la sécurité sociale pour 2008. Ce texte a pour objectif de rétablir l'équité
entre les familles travaillant en France et celles travaillant à l'étranger, en
évitant que ces dernières puissent cumuler des prestations familiales françaises
avec des prestations étrangères. Afin de rendre plus équitable le dispositif,
l'ensemble des prestations familiales françaises sont désormais intégrées dans
le calcul de l'ADI et ne sont plus cumulables avec les allocations
étrangères. Enfin, concernant la question de la détermination de l'âge de la
retraite dans le cas que vous soulevez, la législation communautaire a bien
harmonisé certains principes en matière de retraite, en introduisant notamment
un principe de totalisation des périodes d'assurance. En revanche, la
détermination de l'âge de la retraite relève de la compétence des États
membres. Dès lors, un assuré qui a accompli une partie de sa carrière dans un
autre État membre liquidera les droits acquis dans chaque État en fonction des
règles et à l'âge fixé par cet État : il ne serait pas équitable de modifier
l'âge de la retraite en France au motif qu'un assuré dispose par ailleurs de
droits à retraite à l'étranger. À l'inverse, on n'imagine pas de relever
l'âge de la retraite pour les assurés disposant par ailleurs de droits dans un
État membre dont l'âge de la retraite serait plus élevé qu'en France. Cette
réponse un peu complexe avait pour objectif de balayer l'ensemble des questions
que vous avez soulevées. Mme la présidente. La parole est à
M. Christian Eckert. M. Christian Eckert. Madame la
secrétaire d'État, je vous remercie de cette réponse précise, qui montre une
étude fine de ce dossier complexe. Pour l'AEEH, vous avez bien décrit la
situation ; mais je m'étonne de la prise en compte de cette prestation dans le
calcul de l'ADI. Les cas sont certainement peu nombreux, mais ils sont
extrêmement douloureux, et les familles sont très lourdement pénalisées. J'aurai
sans doute l'occasion de vous interroger par écrit sur ces sujets. Quant à la
seconde question, votre réponse ne me satisfait pas, notamment sur la question
des préretraites. Là encore, nous aurons l'occasion d'y revenir, sans doute par
écrit. Mme Marie-Anne Montchamp, secrétaire d'État.
Volontiers. Mme la présidente. Mes chers collègues, je
me permets de vous rappeler que le temps imparti est de deux minutes, pour poser
la question comme pour y répondre.
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