Texte de la QUESTION :
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M. Dominique Baert attire l'attention de M. le ministre du travail, de l'emploi et de la santé sur la situation du groupe Camaïeu et de ses salariés. Même si le groupe Camaïeu affiche 1 milliard d'euros de chiffre d'affaires, et près de 1 000 magasins, la carte d'identité sociale de cette entreprise n'est pas sans taches, comme le dénoncent les organisations syndicales. Il en va ainsi de la politique salariale où nombreux sont les salariés à temps plein qui, en dépit d'une ancienneté déjà avancée, sont des « travailleurs pauvres », dont la rémunération ne dépasse que de peu 1 000 euros et qui est complétée par le RSA. Pourtant, l'ancien président du groupe a été classé n° 1 des revenus des patrons français (cf. Capital en novembre 2009) avec 23,1 millions d'euros perçus, tandis que les actionnaires auront bénéficié de 390 millions d'euros de dividendes depuis 2007. Aujourd'hui propriété du fonds anglais Cinven, par-delà sa réussite économique, l'entreprise a pour « face cachée » une rigueur salariale sévère, où le partage de la valeur ajoutée est outrageusement déséquilibré au profit du capital et au détriment des travailleurs, et ceci alors même que cette rentabilité se nourrit des allègements d'État de cotisations sociales sur les bas salaires ! L'État a-t-il pour ambition, en réduisant le coût du travail, de contribuer à aider une entreprise à maintenir un bas niveau de salaires, pour faciliter des bénéfices prohibitifs ? Le Gouvernement ne devrait-il pas utiliser des moyens de contrôle, et de pression (car il y a eu, et il y a encore usage d'aides publiques) pour inciter l'entreprise à une plus juste rémunération du travail accompli par les salariés ? Et, à cet égard, il lui demande s'il n'y aurait pas lieu, pour éviter ce type de dérives inacceptables, de réviser la convention collective des industries de l'habillement datant, semble-t-il, de 1972.
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Texte de la REPONSE :
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POLITIQUE SALARIALE DE L'ENTREPRISE CAMAÏEU ET RÉVISION DE
LA CONVENTION COLLECTIVE DES INDUSTRIES DE L'HABILLEMENT M. le président. La parole est à M. Dominique
Baert, pour exposer sa question, n° 1386, relative à la politique salariale de
l'entreprise Camaïeu et à la révision de la convention collective des industries
de l'habillement. M. Dominique Baert. Madame la secrétaire
d'État chargée de la santé, on peut être une grande entreprise, afficher un
milliard d'euros de chiffre d'affaires, connaître un développement commercial,
avoir près de 1 000 magasins sur notre territoire, bref, avoir des performances
économiques, mais ne pas avoir une politique sociale à la hauteur pour ses
salariés. Quand une entreprise marche bien, réalise des bénéfices, on peut
légitiment s'attendre à ce que les salariés en profitent, qu'ils aient leur
juste part de la valeur ajoutée produite. Malheureusement, ce n'est pas le
cas dans l'entreprise Camaïeu de Roubaix, où les salariés crient leur colère et
leur insatisfaction. Ils m'ont demandé de l'exprimer au Gouvernement. C'est ce
que je fais en vous parlant de la politique salariale. Nombreux sont les
salariés à temps plein qui, en dépit de leur ancienneté, sont des travailleurs
pauvres dont la rémunération, ne dépassant que de peu 1 000 euros, est complétée
- un comble ! - par le RSA, c'est-à-dire par des subsides publics. Pourtant,
l'ancien président du groupe est arrivé en tête du classement des revenus des
patrons français, publié en novembre 2009 par le journal Capital, avec
23,1 millions d'euros perçus. Les actionnaires auront bénéficié de 390 millions
d'euros de dividendes depuis 2007. Le partage de la valeur ajoutée est à
l'évidence outrageusement déséquilibré, et ceci alors même que cette rentabilité
se nourrit des allégements d'État de cotisations sociales sur les bas
salaires. L'État a-t-il pour ambition, en réduisant le coût du travail, de
contribuer à aider une entreprise à maintenir un bas niveau de salaires pour
faciliter des bénéfices prohibitifs ? Le Gouvernement ne devrait-il pas utiliser
des moyens de contrôle et de pression - car il y a eu, et il y a encore usage
d'aides publiques - pour inciter l'entreprise à une plus juste rémunération du
travail accompli par les salariés ? À cet égard, n'y aurait-il pas lieu, pour
éviter ce type de dérives inacceptables, de réviser la convention collective des
industries de l'habillement datant, semble-t-il, de 1972 ? Dans quelques jours,
le 7 avril précisément, vont s'ouvrir les négociations annuelles sur les
salaires. L'État se devrait d'y être attentif. Telles sont, madame la
secrétaire d'État, les questions que, par votre intermédiaire, je pose au
ministre du travail, de l'emploi et de la santé. M. le
président. La parole est à Mme Nora Berra, secrétaire d'État chargée de
la santé. Mme Nora Berra, secrétaire d'État chargée de la
santé. Monsieur le député, je vous prie de bien vouloir excuser l'absence de
Xavier Bertrand, qui m'a chargée de vous transmettre sa réponse. Vous appelez
l'attention du Gouvernement sur les difficultés rencontrées par les salariés de
la branche du commerce succursaliste de l'habillement, notamment en termes de
négociations salariales. Le Gouvernement a choisi de privilégier la
négociation collective pour faire progresser les salaires. Au niveau des
branches comme des entreprises, celle-ci doit jouer un rôle moteur pour faire
progresser les salaires au plus près de la réalité des entreprises. Ainsi, la
mobilisation des partenaires sociaux, accompagnée par les pouvoirs publics dans
le cadre du comité de suivi de la négociation salariale, a permis une nette
diminution du pourcentage de branches présentant au moins un coefficient de la
grille des salaires en deçà du SMIC. D'une situation dans laquelle près d'une
branche sur trois avait durablement un premier niveau au-dessous du SMIC il y a
quatre ans, nous sommes passés à environ une branche sur dix actuellement. Ces
résultats ont d'ailleurs conduit à reporter l'entrée en vigueur du mécanisme de
conditionnalité des allégements de charges, introduit par la loi du 3 décembre
2008, en faveur des revenus du travail. L'action du comité permet en effet,
au travers du suivi individualisé de chaque branche présentant un minimum
conventionnel inférieur au SMIC, de dégager avec l'ensemble des partenaires
sociaux les leviers d'action les plus efficaces pour renouer le dialogue et
lever les blocages. Les nombreuses rencontres organisées avec les branches en
difficulté ou la désignation d'agents du ministère en tant que présidents de
commission mixte pour accompagner les partenaires sociaux dans la négociation
constituent ainsi des outils efficaces de la politique menée pour dynamiser les
négociations de branche. Ainsi, dans la branche de l'habillement, le blocage
qui persistait depuis plusieurs années - le dernier accord salarial remontait à
2000 - a été levé : un accord a été conclu le 30 novembre 2009 ; il est
applicable depuis le 1er janvier 2010. Si les négociations salariales
ouvertes début 2010 n'ont pu aboutir à un nouvel accord, elles ont toutefois
donné lieu à une recommandation patronale applicable à compter du 1er juillet
2010 dans l'ensemble des entreprises adhérant à la fédération des enseignes de
l'habillement. Les efforts doivent bien évidemment être poursuivis et
déclinés au niveau des entreprises, dont Camaïeu. Si cette entreprise ne
respecte pas son obligation annuelle de négocier sur les salaires, elle verra
ses exonérations réduites de 10 %, en application du mécanisme de
conditionnalité. Les services du ministère chargé du travail restent
particulièrement mobilisés à cet égard. M. le président. La
parole est à M. Dominique Baert. M. Dominique Baert. Merci
de votre réponse, madame la secrétaire d'État. J'attendais que vous citiez
Camaïeu ; vous l'avez fait, enfin, au terme de votre démonstration. Comme
l'illustrent vos propos, il est clair que le dialogue social - dans son contenu
comme sur la forme - pourrait être meilleur dans cette entreprise. L'État serait
dans son rôle en l'accompagnant davantage. Dans une entreprise dégageant de
tels résultats, il n'est pas acceptable que direction et salariés connaissent
régulièrement le niveau de tension sociale que l'on y rencontre, à l'image d'un
récent contentieux qui vient de s'ouvrir sur le calcul de la redevance pour
travailleurs handicapés. Les syndicats viennent de dénoncer ce calcul qui
n'intègre pas le personnel des 900 boutiques de l'enseigne et je pense que vous
en êtes informée. L'État se doit d'être vigilant sur ce sujet-là aussi, madame
la secrétaire d'État.
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