FICHE QUESTION
13ème législature
Question N° : 14  de  M.   Brard Jean-Pierre ( Gauche démocrate et républicaine - Seine-Saint-Denis ) QOSD
Ministère interrogé :  Culture et communication
Ministère attributaire :  Culture et communication
Question publiée au JO le :  02/10/2007  page :  5862
Réponse publiée au JO le :  03/10/2007  page :  2477
Rubrique :  arts et spectacles
Tête d'analyse :  salles de cinéma
Analyse :  multiplexes. Montreuil. perspectives
Texte de la QUESTION : M. Jean-Pierre Brard attire l'attention de Mme la ministre de la culture et de la communication sur le cinéma qui est un volet très fort de la politique culturelle de la ville de Montreuil, par sa fréquentation (plus de 200 000 spectateurs par an depuis 2004), sa programmation « art et essai », mais aussi par la présence de nombreux professionnels du septième art dans la ville. Fière de son lien historique avec le cinéma (le premier studio de cinéma du monde y fut construit par Georges Méliès en 1895), elle entend par ce transfert et cet agrandissement, accorder toute sa place à cette pratique culturelle. En portant le cinéma municipal Méliès, de trois à six salles (soit 1 120 places), dotées des dernières technologies numériques, la ville espère poursuivre le développement de son cinéma municipal d'art et essai. Au coeur de ce projet culturel et politique, s'affirme la conviction qu'il est possible et important de défendre un cinéma de proximité de grande qualité dans une commune populaire de la première couronne. Pour ce complexe art et essai, la ville de Montreuil entend fermement conserver les trois labels attribués par le CNC qui distinguent aujourd'hui le travail du Méliès en direction du « jeune public », tout comme sa valorisation du cinéma de « recherches » et de « découverte », de « répertoire » et de « patrimoine ». Mais ce passage de trois à six salles permettra également d'amplifier cet effort en corrigeant les principaux défauts de la programmation actuelle. En s'engageant à ne pas projeter plus de films qu'aujourd'hui, mais à les exposer mieux, c'est-à-dire plus souvent et plus longtemps, le Méliès veut lutter à sa manière contre la rotation accélérée des films qui favorise la fréquentation d'impulsion initiée par le marketing et la communication des grands médias, au détriment du bouche-à-oreille et du cinéma le plus exigeant. Parallèlement, la ville et l'éducation nationale mettent en place, dans l'un des lycées de la commune, une section cinéma, afin de développer l'accès au septième art et l'éducation à l'image. Cette filière cinéma permettra, entre autres, de mettre à profit et en valeur les professionnels du spectacle montreuillois, travaillant dans les milieux du cinéma. Aujourd'hui, le projet de transfert du Méliès est menacé par un recours du groupe UGC qui possédait ces cinémas et qui les a fermés parce qu'ils ne rapportaient pas assez. Heureusement la ville les a rachetés et leur a donné le rayonnement qu'on leur connaît aujourd'hui. UGC s'oppose à la décision favorable unanime de la CDEC pour la réalisation des six salles évoquées. Je souhaite donc que soit affirmée une position de l'État de nature à permettre à la ville de surmonter cette embûche, motivée par des considérations mercantiles, face à l'ambition culturelle qui est la sienne.
Texte de la REPONSE :

CONDITIONS D'AGRANDISSEMENT
DU CINÉMA MÉLIÈS À MONTREUIL

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard, pour exposer sa question, n° 14, relative aux conditions d'agrandissement du cinéma Méliès à Montreuil.
M. Jean-Pierre Brard. Madame la ministre de la culture et de la communication, le cinéma constitue un aspect très marquant de la politique culturelle en général et de la politique culturelle de la ville de Montreuil en particulier, si l'on en juge par une fréquentation importante - plus de 200 000 spectateurs par an depuis 2004 -, par la programmation de ses cinémas " art et essai ", mais aussi par la présence de nombreux professionnels du septième art dans la ville - autant d'éléments qui contribuent au rayonnement du cinéma.
En portant le cinéma municipal Méliès de trois à six salles - soit 1 120 places - dotées des dernières technologies numériques, la ville espère poursuivre le développement de son cinéma municipal d'art et essai. Parce qu'elle est fière de son lien historique avec le cinéma - j'ignore si vous le savez, madame la ministre, mais c'est à Montreuil que fut réalisé par Georges Méliès, en 1895, nous n'étions nés ni l'un ni l'autre, le premier studio de cinéma du monde -, la ville entend, par ce transfert et cet agrandissement, accorder toute sa place à cette pratique culturelle.
Au coeur de ce projet culturel et politique, s'affirme la conviction qu'il est possible et important de défendre un cinéma de proximité de grande qualité dans une commune populaire de la première couronne.
Pour ce complexe art et essai, la ville de Montreuil entend fermement conserver les trois labels attribués par le CNC, qui distingue aujourd'hui le travail du cinéma Méliès en direction du " jeune public ", tout comme sa valorisation du cinéma de " recherche " et de " découverte ", de " répertoire " et de " patrimoine ". Le passage de trois à six salles permettra d'amplifier cet effort en corrigeant les principaux défauts de la programmation actuelle. En s'engageant à ne pas projeter plus de films qu'aujourd'hui - puisque c'est l'objet d'une critique de la part des marchands de pop-corn -, mais à mieux les exposer, c'est-à-dire plus souvent et plus longtemps, le Méliès veut lutter, à sa manière, contre la rotation accélérée des films qui favorise la fréquentation d'impulsion provoquée par le marketing et la communication des grands médias, au détriment du bouche à oreille et du cinéma le plus exigeant.
Parallèlement, la ville et le ministère de l'éducation nationale mettent en place, dans l'un des lycées de la commune, une section cinéma afin de développer l'accès au septième art et l'éducation à l'image. Cette filière cinéma permettra, entre autres, de mettre à profit et en valeur les professionnels du spectacle montreuillois travaillant dans les milieux du cinéma.
Aujourd'hui, le projet de transfert du Méliès et son extension sont menacés par un recours du groupe UGC, qui possédait ces cinémas jusqu'en 1986 - c'est intéressant pour la petite histoire - et qui les a fermés - je vous le donne en mille - parce qu'ils ne rapportaient pas assez. Heureusement, la ville les a rachetés et leur a donné le rayonnement qu'on leur connaît aujourd'hui. UGC, rejoint par le groupe MK2, s'oppose à la décision favorable unanime de la Commission départementale d'équipement cinématographique pour la réalisation des six salles en question. Ainsi, le groupe MK2, qui voulait, paraît-il, " faire du cinéma autrement ", fait aujourd'hui alliance avec UGC et sombre dans la commercialisation des produits dérivés, indépendamment des films projetés.
Je souhaite donc que soit affirmée, madame la ministre, une position de l'État de nature à permettre à Montreuil de surmonter cette embûche, fruit de considérations mercantiles face à l'ambition culturelle de la ville.
M. le président. La parole est à Mme la ministre de la culture et de la communication.
Mme Christine Albanel, ministre de la culture et de la communication. Monsieur le député, vous m'interrogez sur le projet d'extension du cinéma Georges-Méliès de Montreuil qui vise à porter sa capacité de trois à six salles.
Ce cinéma - dont vous avez souligné la valeur historique - est bien connu pour la qualité de sa programmation puisqu'il cumule les trois labels d'excellence décernés aux salles d'art et d'essai par le Centre national de la cinématographie : le label " jeune public ", le label " recherche et découverte " et enfin le label " répertoire et patrimoine ". Le travail d'animation de cette salle en direction de différentes catégories de public est tout à fait reconnu et apprécié.
Ce projet d'extension a été soumis, conformément à la loi d'orientation du commerce et de l'artisanat du 27 décembre 1973, à l'examen d'une commission départementale d'équipement cinématographique, qui l'a autorisé.
Ainsi que vous le savez, des recours peuvent être formés contre les décisions des commissions départementales. En l'espèce, cela n'a pas plus été le cas de la part de l'autorité préfectorale que de celle du médiateur du cinéma - qui y étaient pourtant habilités. Le recours formé par des exploitants concurrents auprès du tribunal administratif n'est pas suspensif et n'est pas, semble-t-il, de nature à constituer un obstacle définitif à la mise en oeuvre de ce projet, ni à l'octroi de subventions par le ministère de la culture et de la communication, qu'il s'agisse de subventions automatiques ou de subventions sélectives. J'ajoute enfin que le contentieux devant le juge administratif dont vous faites état, fondé en partie sur des arguments de concurrence, est révélateur d'un climat de tension qui règne actuellement dans le domaine de la diffusion du film en salle.
C'est la raison pour laquelle j'ai souhaité, avec la ministre de l'économie, des finances et de l'emploi, Christine Lagarde, lancer une mission sur les questions liées à l'application du droit de la concurrence dans le cinéma, pour résoudre certaines questions. Cette mission rendra ses conclusions à la fin de l'année et a vocation à proposer des mesures de régulation sectorielle adaptées à la spécificité de l'économie du cinéma et aux objectifs poursuivis par la politique de l'État en faveur de la création et de la diffusion des films.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard.
M. Jean-Pierre Brard. Madame la ministre, j'ai été très attentif à vos propos et, pour une fois, je peux dire que je viens d'écouter un membre de ce gouvernement avec plaisir ; ce n'est pas souvent le cas, mais il faut admettre que ce ne serait pas justifié non plus.
Vous êtes fidèle, dans votre propos, à la lettre de mission que vous avez reçue du Premier ministre selon laquelle " chaque établissement [scolaire] devra établir des liens privilégiés avec un établissement culturel " - ce qui est le cas du Méliès : sur les 200 000 entrées, 40 000 bénéficient à des enfants, ce dont se fiche complètement, évidemment, aussi bien M. Verrecchia que M. Karmitz, obnubilés qu'ils sont, je l'ai dit, par la fabrication et la vente du pop-corn.
J'émettrai d'ailleurs des propositions, madame la ministre, à l'occasion de la discussion du projet de loi de finances, pour que le pop-corn et tous les autres produits dérivés vendus dans les salles de cinéma soient taxés comme le film lui-même, afin que lesdits produits alimentent le financement du CNC. Je suis sûr, madame la ministre, de pouvoir bénéficier de votre soutien enthousiaste.
Dans cette affaire - j'ai sous les yeux le recours déposé au tribunal -, imaginez-vous qu'UGC - qui n'a sûrement pas peur du ridicule, sachant depuis Vatel et Mme de Sévigné, qu'il ne tue hélas plus -, explique que " la CDEC a sous-estimé la concurrence que le nouveau Méliès ferait subir aux cinémas UGC Rosny II et MK2 de Nation ". Or, pour vous donner un ordre de grandeur, le Méliès réalise 200 000 entrées quand les salles UGC de Rosny II en font 2,3 millions. C'est vraiment Gulliver et Lilliput ou le combat de David contre Goliath. Nous sommes pour notre part dans le rôle de David et nous serons fidèles à notre héritage, madame la ministre.
Je puis du reste vous informer que...
M. le président. Merci de conclure, monsieur Brard.
M. Jean-Pierre Brard. ...nous bénéficions du soutien de sept réalisateurs ayant obtenu la " Palme d'or " et de celui de plus de soixante autres cinéastes. Nous préparons un plan d'action des plus acharnés pour parvenir à nos fins et je vous assure que, d'ores et déjà, l'événement marquant de la remise des Césars et du prochain festival de Cannes, si M. Verrecchia et M. Karmitz ne sont pas revenus à la raison d'ici là, sera la défense du Méliès de Montreuil.

GDR 13 REP_PUB Ile-de-France O