Texte de la QUESTION :
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M. Germinal Peiro rappelle à Mme la ministre de la culture et de la communication la situation particulièrement préoccupante de certains reliefs de la grotte de Lascaux dont les médias régionaux, nationaux et même internationaux se sont faits l'écho ces derniers mois à travers de multiples révélations. Il apparaît en effet de nombreuses inquiétudes relatives au développement de multiples taches noires atteignant chacune environ une dizaine de centimètres de diamètre, voire davantage. Cette prolifération de colonies de taches noires concerne tout particulièrement certains points précis du site, notamment ceux dits "du Passage " ou de la "Voûte de la nef", ou bien encore certaines peintures rupestres comme les flancs du "Cheval barbu", le pourtour de la tête de la célèbre "Grande vache noire" et la frise "des Cerfs nageant". Au cours de l'année 2001 déjà, la présence d'une moisissure blanche dénommée "Fusarium Solani" avait alors nécessité la mise en place d'un protocole spécifique avec recours à des épandages de chaux vive, pulvérisation de fongicide et traitement antibiotique. La lutte contre cette moisissure n'est apparemment pas terminée et se poursuit encore aujourd'hui. La conservatrice en chef des monuments historiques et administratrice de Lascaux a indiqué que l'analyse des nouvelles taches, réalisée par l'institut national de recherche agronomique (INRA), avait mis en évidence la présence d'Ulocladium (un champignon) et d'un couple bactérie-champignon. En tout état de cause, beaucoup de scientifiques n'hésitent pas alors à remettre en question le système de régulation de l'air, installé en 2001 en remplacement de celui inventé par Monsieur Paul-Marie Guyon, et qui avait pourtant fait ses preuves pendant près de quarante ans. Bien évidemment, la révélation de la présence de ces taches noires sur certaines parois provoque une vive émotion et suscite beaucoup d'inquiétudes et de polémiques pour l'avenir de cette grotte. Des anciens responsables de ce site ainsi que de nombreux scientifiques internationaux, dont Monsieur Donald Glaser, ancien prix Nobel de physique et membre du comité international pour la sauvegarde de Lascaux, se sont ainsi publiquement émus de cette situation. Et dans ce contexte, plusieurs personnalités remettent clairement en cause la gestion opaque et complexe de cette grotte, ainsi que le manque de transparence dont fait preuve à son égard le ministère de la culture. Quelques mesures ont été annoncées à l'occasion de la réunion des services concernés le 20 novembre dernier à la DRAC d'Aquitaine. Le choix d'un traitement biocide localisé débuté au mois de janvier accompagné de la fermeture totale du site pendant le premier trimestre 2008 en constitue le premier volet, dont les résultats restent maintenant à évaluer. De même, le remplacement du système d'assistance climatique prévu au cours de l'année 2008, ainsi que le rôle et les positions souvent contestés du comité scientifique international de la grotte de Lascaux, créé par le ministère en 2002, représentent également des sujets qui méritent aujourd'hui toute l'attention et la transparence nécessaires. Aussi il lui demande de lui préciser l'échéancier à venir des résultats et des travaux envisagés, ainsi que les mesures complémentaires qu'elle compte mettre en oeuvre pour préserver les fresques uniques et inestimables de Lascaux et rassurer la communauté internationale sur la gestion par l'État français de cette grotte classée au patrimoine mondial de l'humanité depuis 1979.
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Texte de la REPONSE :
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PRÉSERVATION DE LA GROTTE DE LASCAUX M. le président. La parole est à M. Germinal
Peiro, pour exposer sa question, n° 157. M. Germinal Peiro.
Madame la ministre de la culture et de la communication, la grotte de Lascaux
est, vous le savez, un trésor de l'humanité, au même titre que celles d'Altamira
ou de Chauvet. Elle témoigne de ceux qui nous ont précédés. Cette grotte a
été découverte le 12 septembre 1940 et classée immédiatement au titre des
monuments historiques. Plus tard, en 1979, elle a été inscrite sur la liste du
patrimoine mondial de l'Unesco. La grotte de Lascaux a ouvert au public en
juillet 1948. Dès 1955, les premiers signes d'altération sont apparus, du fait
de la fréquentation importante des visiteurs ; on a alors vu se développer des
algues vertes. Constituée au début des années 60, la commission scientifique et
de sauvegarde de Lascaux a identifié une maladie blanche avec le développement
de la calcite, puis une maladie verte avec le développement des algues. À la
suite de ses travaux, le ministre de la culture de l'époque, André Malraux, a
décidé de fermer la grotte au public, le 18 avril 1963. Mais l'engouement du
public était tel qu'en 1983 le conseil général de Dordogne a ouvert un "
fac-similé " qui reproduit fidèlement la salle des taureaux et le diverticule
axial. Ce " fac-similé ", baptisé Lascaux II, reçoit chaque année près de
300 000 visiteurs. À la suite, semble-t-il, du remplacement du système de
gestion du climat intérieur de la grotte elle-même, on a noté, dès 2001,
l'apparition de taches blanches. On a identifié un champignon : le fusarium
solani. Par la suite, on a pu noter l'apparition de taches noires, d'abord
sur la voûte du sas d'entrée puis en de nombreux endroits, notamment sur les
voûtes du passage, de l'abside et de la nef, avec une superposition sur les
peintures, notamment celles de la vache noire. La dégradation de Lascaux a
ému la population, la communauté scientifique et l'opinion
internationale. Madame la ministre, quel est l'état des travaux en matière de
conservation de ce trésor de l'humanité ? Quelles mesures ont été prises pour
que la gestion de Lascaux par l'État français soit réalisée en toute
transparence ? M. le président. La parole est à Mme
Christine Albanel, ministre de la culture et de la communication. Mme
Christine Albanel, ministre de la culture et de la communication.
Monsieur Peiro, pour la troisième fois depuis sa découverte, la grotte de
Lascaux est victime d'un dérèglement bioclimatique qui favorise la prolifération
de micro-organismes. En septembre 2001, celle-ci s'est manifestée sous la
forme d'une moisissure blanche due à un champignon identifié comme étant le
fusarium solani, associé à la bactérie pseudomonas fluorescens,
très présente dans les sols agricoles environnants. Les mesures prises ont
permis de juguler l'invasion puis de la faire régresser. À ce jour, les
moisissures blanches ont en grande partie disparu. En revanche, quelques groupes
de taches noires, liées au développement de moisissures à pigment de mélanine
sont apparus et évoluent de manière diversifiée. L'agent responsable en est
identifié : il s'agit en majorité d'ulocladium. Je souligne que la
grotte est sous la surveillance constante des services de la direction régionale
des affaires culturelles. Par ailleurs, un comité scientifique international a
été créé en 2002, puis renouvelé en 2006, pour évaluer à la fois le choix des
traitements curatifs et les études de fond sur les causes du phénomène et les
moyens d'en prévenir la résurgence. C'est à l'issue du conseil scientifique
du 20 novembre 2007 que j'ai décidé de prendre plusieurs
mesures. Premièrement, l'application d'un traitement biocide localisé des
zones où la présence de taches est avérée. Les modalités techniques en ont été
fixées le 14 décembre 2007. Deuxièmement, la mise au repos complet de la
grotte pour une durée de trois mois. Troisièmement, le remplacement du
dispositif d'assistance climatique et la mise à l'étude des différentes options
pour la régulation de l'air dans la cavité et le maintien de son équilibre
interne. Dans le souci de la plus grande transparence, ces informations ont
fait l'objet de deux communiqués de presse, le 20 novembre et le 21 décembre
2007. La prochaine réunion du comité scientifique international se tiendra à
Bordeaux les 10 et 11 avril 2008, à la direction régionale des affaires
culturelles d'Aquitaine. Les premiers résultats du traitement et de la mise au
repos seront communiqués. Une conférence de presse sera tenue sur place à
l'issue des travaux du comité. M. le président. La parole
est à M. Germinal Peiro. M. Germinal Peiro. Madame la
ministre, je vous remercie des informations que vous venez de nous fournir. Mais
j'insiste, au-delà des problèmes de fond, sur la nécessité de la transparence.
Vous connaissez les polémiques qui se sont développées autour de ces travaux. Le
monde nous regarde et jugera la façon dont nous allons procéder.
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