Texte de la REPONSE :
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CONDITIONS DE DÉLIVRANCE DES CERTIFICATS DE NATIONALITÉ
FRANÇAISE M. le président. La parole est à
M. Jean-Pierre Brard, pour exposer sa question, n° 178, relative aux conditions
de délivrance des certificats de nationalité française. M.
Jean-Pierre Brard. Ma question s'adresse à Mme la garde des sceaux,
ministre de la justice. Actuellement, environ 10 % des enfants qui naissent
en France ont deux parents nés à l'étranger. Les familles dont tous les
ascendants n'ont pas toujours résidé en France sont de plus en plus nombreuses,
qu'elles soient issues ou non de l'immigration. De nombreux enfants nés au sein
de ces familles seront donc, en l'état actuel du droit, confrontés, à un moment
de leur vie, à un questionnement sur leur nationalité française, et se
trouveront alors dans l'obligation d'obtenir un certificat de nationalité.
Malheureusement, force est de constater que cette démarche est l'une des pires
démarches administratives que l'on puisse imaginer subir dans une vie de citoyen
français. Les victimes de cette mécanique infernale sont presque toujours
frappées par surprise, certaines qu'elles sont d'être bien françaises depuis
leur naissance. Ce n'est pourtant généralement là que le début de leurs
déboires. La surprise se double bien souvent de l'humiliation de voir
contestée une part fondamentale de l'identité personnelle, et d'un découragement
devant la liste des justificatifs demandés. Pourtant, la circulaire de 1998, qui
avait pour objet d'humaniser un peu cette procédure, a eu notamment pour
objectif de " mettre en place une structure permettant un accueil personnalisé
et de développer de manière systématique la pratique d'un entretien individuel,
accompagné d'explications sur la situation de l'intéressé au regard du droit de
la nationalité et sur la pertinence des pièces qui lui sont demandées ". La
réalité est fort éloignée de ces objectifs, pourtant parfaitement légitimes,
cela faute de moyens humains suffisants dans les greffes des tribunaux, donc de
temps pour informer l'administré sur une situation a priori
incompréhensible et traumatisante pour lui. S'y ajoute souvent le fait
que la demande revêt un caractère d'urgence, car la production du certificat de
nationalité conditionne la délivrance d'une carte d'identité nationale, exigée
par exemple pour concourir à un emploi de la fonction publique, pour s'inscrire
à certains examens, pour obtenir un passeport indispensable pour un déplacement
professionnel ou pour visiter un parent malade à l'étranger. Or les délais de
délivrance du certificat de nationalité, qui peuvent dépasser deux ans, comme
j'ai pu le constater dans ma circonscription, sont généralement incompatibles
avec les contraintes de la vie courante. Les greffes sont encombrés par ces
dossiers qui génèrent des demandes de pièces souvent mal ou peu expliquées,
voire choquantes et contraires aux principes républicains, comme ce fut le cas
l'été dernier dans ma circonscription dans l'affaire Abitbol, où il a été
demandé à une personne de produire un certificat de mariage religieux
juif. La réduction en cours du nombre de tribunaux et le non-remplacement
d'un fonctionnaire sur deux partant en retraite vont, à l'évidence, encore
dégrader une situation déjà très difficile. Évidemment, l'obligation
d'obtenir un certificat de nationalité a tendance à se concentrer sur certaines
familles et certaines fratries. L'issue positive de l'instruction de la demande
n'est, bien entendu, pas assurée, même si, lorsque la possession d'état de
Français est suffisamment caractérisée, pendant dix ans, la personne est invitée
à souscrire une déclaration sur le fondement de l'article 21-13 du code civil,
ce qui lui permet de rester Français après beaucoup de temps et de peine
perdue. Aussi invraisemblable que cela puisse paraître dans notre pays, où
chacun et chacune d'entre nous pense que sa nationalité est inaliénable, il est
possible de perdre celle-ci, comme autrefois en Union Soviétique. C'est pourquoi
il est indispensable de mettre un terme à l'arbitraire et de revenir aux droits
fondamentaux. Il paraît nécessaire d'apporter des simplifications aux règles et
à la procédure de délivrance des certificats de nationalité et d'appliquer
strictement la circulaire de 1998 pour plus de respect de nos concitoyens. À
cet effet, madame la ministre, j'aimerais connaître le nombre de certificats
sollicités, le nombre de refus de délivrance et le nombre de déclarations
souscrites au titre de l'article 21-13 du code civil durant les trois dernières
années. M. le président. La parole est à Mme Christine
Albanel, ministre de la culture et de la communication. Mme Christine
Albanel, ministre de la culture et de la communication. Monsieur
le député, je tiens à vous assurer que le Gouvernement est tout à fait conscient
des difficultés que vous décrivez. C'est pourquoi des initiatives ont été prises
pour améliorer les conditions de délivrance des certificats de nationalité
française. La première d'entre elles relève du ministère de l'intérieur, de
l'outre-mer et des collectivités locales : depuis le mois de septembre 2007, il
n'y a plus besoin de certificat de nationalité pour renouveler sa carte
d'identité, dès lors qu'une carte d'identité de moins de dix ans peut être
produite. C'est une vraie simplification des procédures. Il reste néanmoins
des cas où la production d'un certificat de nationalité française s'impose.
Ainsi l'instruction des dossiers des personnes qui ne sont pas nées sur notre
territoire est parfois complexe. C'est pourquoi la chancellerie a eu le souci de
centraliser le traitement des dossiers auprès d'un interlocuteur unique
spécialisé : le décret du 13 mai 2005 a créé le service de la nationalité des
Français nés et résidant hors de France, service rattaché au tribunal d'instance
du 1er arrondissement de Paris. Le ministère de la justice veille à adapter
les moyens de ce service aux besoins. Son effectif s'élève actuellement à
vingt-quatre fonctionnaires : onze greffiers en chef, sept greffiers et six
agents de catégorie C. Des recrutements sont en cours pour pourvoir des postes
supplémentaires : deux postes de greffier en chef et huit postes d'agent de
catégorie C. Dans cette attente, dix vacataires vont venir renforcer le service
pour accélérer la frappe des décisions et l'envoi des courriers. Vous pouvez
donc être certain que Mme la garde des sceaux veille avec attention à ce que ce
service soit en mesure de faire face aux demandes. Tout est fait pour réduire
les délais de traitement. M. le président. La parole est à
M. Jean-Pierre Brard. M. Jean-Pierre Brard. Madame la
ministre, j'ai eu, à la buvette de l'Assemblée, une discussion informelle sur ce
sujet avec la garde des sceaux. À l'évidence, ce n'est pas elle qui a revu la
réponse que vous venez de me faire, car vos propos ne cadrent ni avec ce qu'elle
m'a dit ni avec la réalité. Ce dont je viens de parler existe toujours : on
conteste la citoyenneté française à des gens qui sont Français depuis des
générations. Savez-vous, par exemple, ce qui est arrivé au beau-père de notre
collègue Gérard Bapt, qui siège sur les bancs du groupe socialiste ? Il a fallu
qu'il prouve sa nationalité française alors qu'il était général dans notre armée
! C'est Kafka et Gogol conjugués ! Et que dire lorsqu'on vous demande, au
greffe, de fournir un certificat de mariage religieux parce que votre nom est à
consonance juive ? Sommes-nous en 1942 pour faire ainsi référence à l'origine
supposée d'une personne ? J'ai d'ailleurs écrit à ce sujet au président du CRIF,
M. Prasquier, tant il est insupportable que notre nationalité puisse être ainsi
contestée par la bureaucratie. À propos de contestation, je conteste
absolument la réponse que vous venez de me fournir, madame la ministre - bien
que je sache que la question ne relève pas de votre département ministériel -,
parce qu'elle est irréelle. Le fonctionnaire qui l'a rédigée a sans doute lu le
mythe de la caverne de Platon et il confond l'ombre et la réalité ! En effet la
réalité, ce sont des citoyens comme vous et moi qui la subissons. Quand un jeune
issu de l'immigration - et je pense à un exemple précis, dans ma ville de
Montreuil - ne peut présenter le concours d'entrée à l'IUFM tant les délais sont
importants, c'est un déni de ses droit fondamentaux et de ceux de chacune et
chacun d'entre nous. Je suis sûr, monsieur le président, que vous partagez
mon point de vue, même si, là où vous êtes, vous êtes réduit au
silence. M. le président. Oui, monsieur Brard.
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