Texte de la QUESTION :
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M. Dominique Tian appelle l'attention de M. le ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité sur la très grande rigidité, en particulier pour les entreprises de services à forte intensité de main d'oeuvre, résultant de l'application du régime du délai de carence entre deux contrats à durée déterminée visé aux articles L. 122-3-11 (1er alinéa) du code du travail, qui va à l'encontre de l'objectif de nécessaire fluidification du marché du travail poursuivi par le gouvernement. L'entreprise ne peut ainsi recourir à un nouveau contrat de travail à durée déterminée avant l'expiration d'une période égale au tiers de la durée de ce contrat renouvellement inclus si la durée de ce contrat, renouvellement inclus, est au moins égale à quatorze jours et avant l'expiration d'une période égale à la moitié de la durée de ce contrat, renouvellement inclus, si la durée du contrat est inférieure à quatorze jours. Il est, en outre, fait référence aux jours d'ouverture de l'entreprise ou de l'établissement concernés pour apprécier le délai devant séparer deux contrats. Les conditions d'application du délai de carence ont donc été renforcées par la loi dite de « modernisation sociale » n° 2002-73 du 17 janvier 2002. Le but du législateur était de rendre plus difficile pour l'entreprise le recours à des contrats à durée déterminée successifs, certains abus ayant alors été observés. Toutefois, depuis lors, la jurisprudence de la Cour de cassation (arrêt du 23 février 2005, pourvoi n° 02-44.098) a précisé que le délai de carence de l'article L. 124-7, alinéa 3, du code du travail, ne s'appliquait pas entre deux contrats dans le cas d'une agence d'intérim. En d'autres termes, l'entreprise, afin de pallier les contraintes issues du régime du délai de carence relatif aux contrats à durée déterminée, peut recourir aux salariés d'une entreprise de travail temporaire. Dans le même ordre d'idée, un arrêté du 12 juillet 2006, étendant un accord national interprofessionnel signé entre les partenaires sociaux le 9 mars 2006 visant à promouvoir le maintien et le retour à l'emploi des seniors, prévoit une absence de délai de carence entre deux CDD « seniors » conclus pour le même poste, avec le même salarié ou un autre. Aux termes de cet arrêté, les CDD « seniors » peuvent se succéder sous réserve néanmoins de laisser s'écouler une durée raisonnable entre les contrats. En tout état de cause, ces exceptions viennent s'ajouter aux cas où le code du travail prévoit que le délai de carence ne s'applique pas : emplois saisonniers, travaux urgents rendus nécessaires par des mesures de sécurité, contrats destinés à pourvoir des emplois pour lesquels il est d'usage de ne pas recourir au CDD (contrats dits d'usage), etc. Compte tenu de ces évolutions et dans la mesure où les entreprises de services, en particulier celles à forte intensité de main d'oeuvre, ont un recours important aux CDD successifs, qui leur permettent d'être réactives et répondre aux attentes de leurs donneurs d'ordres, il lui demande s'il envisage d'ouvrir une réflexion tendant à réduire le délai de carence entre deux CDD. L'amenuisement de ce délai serait en effet de nature à accroître sensiblement la compétitivité de nos entreprises de services.
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Texte de la REPONSE :
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L'attention de M. le ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville a été appelée sur les difficultés que présente la règle de délai de carence entre deux contrats à durée déterminée (CDD) successifs sur un même poste, notamment pour les entreprises de services à forte intensité de main-d'oeuvre. L'obligation de respecter un délai de carence pour le recours, sur un même poste, à un deuxième CDD après l'expiration d'un premier est cohérente avec l'exigence légale selon laquelle le contrat à durée indéterminée (CDI) est la forme normale de la relation de travail. Le CDD ne doit pas avoir pour effet ni pour objet de pourvoir à l'activité normale et permanente de l'entreprise, le délai de carence permettant ainsi de prévenir l'abus de CDD successifs. Cette construction légale est conforme au droit communautaire issu de la directive du Conseil européen n° 1999/70/CE du 28 juin 1999 concernant l'accord-cadre sur le travail à durée déterminée conclu par l'Union des confédérations de l'industrie et des employeurs d'Europe (UNICE), le Centre européen des entreprises à participation publique (CEEP) et la Confédération européenne des syndicats (CES), et notamment à la clause 5 dudit accord-cadre. La Cour de cassation a dernièrement visé cette clause relative aux mesures destinées à prévenir a l'abus des CDD successifs dans deux arrêts du 23 janvier 2008 pour casser le refus de requalification de CDD d'usage successifs en CDI (pourvois n° 06-43.040 et n° 06-44.197). Par ailleurs, le délai de carence est imposé également entre deux contrats de travail temporaire sur le même poste par l'article L. 1251-36 du code du travail, et la lecture faite de l'arrêt de la Cour de cassation du 23 février 2005 dans le pourvoi n° 02-44.098 doit être précisée. La Cour de cassation relève seulement que le non-respect du délai de carence entre deux contrats de travail intérimaire n'est pas sanctionné par la requalification en contrat à durée indéterminée aux termes de l'article L. 1251-40 du code du travail. S'agissant des exceptions à l'obligation de délai de carence, il convient de préciser que le CDD « senior » en bénéficie comme contrat conclu au titre d'une disposition légale destinée à favoriser l'embauchage de certaines catégories de personnes sans emploi en application de l'article L. 1242-3, alinéa 1er, du code du travail et non pas en vertu de l'arrêté du 12 juillet 2006 évoqué, lequel étend un avenant à l'accord national interprofessionnel, relatif à l'indemnité de précarité. L'équilibre actuel de la législation du CDD n'a pas été remis en question par les partenaires sociaux dans leur négociation sur le marché du travail qui a abouti à l'accord du 11 janvier 2008. Enfin, il est plus que probable que le développement même du secteur des entreprises de services sera lié à la capacité de créer des entreprises robustes et organisées autour des contrats de travail à durée indéterminée et que la concurrence sur ce terrain sera de nature à accélérer la professionnalisation et donc la valeur ajoutée de ces entreprises.
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