Texte de la QUESTION :
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Mme Michèle Delaunay attire l'attention de M. le ministre de la défense sur l'annonce d'un possible déménagement de l'école du service de santé des Armées de Bordeaux à Lyon. Cette école, connue de tous les Bordelais sous le nom d'école de santé navale, fait partie depuis 1890 du patrimoine de la ville. Elle est insérée dans son histoire, dans sa vocation maritime, dans sa tradition. De tous les bords politiques, à tous les niveaux d'implication dans la vie de la cité, les Bordelais y sont également attachés et ils vivraient très douloureusement son départ. Elle fait partie également de son avenir. À ces deux titres, passé et perspectives, elle est un élément important de l'enseignement de la médecine à Bordeaux et de sa pratique hospitalière. C'est en tant que médecin hospitalo-universitaire ayant fait ses études et sa carrière au CHU de Bordeaux qu'elle en témoigne aujourd'hui. Les « Navalais » ont de tout temps été les moteurs des promotions et leur participation à la marche des services est essentielle à la qualité des soins qui y sont prodigués. Élèves et anciens élèves de l'école sont pour une grande part dans la spécificité et la qualité du CHU de Bordeaux en matière de médecine tropicale et parasitaire. À l'heure des pôles d'excellence, ceux qui existent doivent être soutenus et non affaiblis. Sur le plan de l'enseignement, le départ des étudiants du service de santé des armées, ferait perdre à l'université de Bordeaux l'équivalent d'une UFR. Plus gravement encore, il signifierait la rupture d'un partenariat établi de longue date entre l'école et l'université et s'exerçant en parfaite harmonie dans le domaine des coopérations internationales européennes et ultramarines, et dans la recherche, spécialement en microbiologie. Rappelons aussi que l'université de Bordeaux 2 porte le nom de Victor Ségalen, lui même ancien élève de l'école. Sur le plan économique, Bordeaux ne pourrait en outre que souffrir du départ d'un millier de personnes, élèves, gradés et personnels. Tout plaide aujourd'hui pour un regroupement des écoles de santé des armées non à Lyon mais à Bordeaux : au regard de l'évolution des études, les locaux permettront d'accueillir l'ensemble des élèves. L'insertion de l'école dans la ville, la part originale prise dans la vie hospitalière et dans la dynamique universitaire sont beaucoup plus grandes à Bordeaux qu'à Lyon. Le maire de Bordeaux, les présidents du conseil régional et du conseil général, l'ensemble des élus, quelle que soit leur appartenance politique, portent unanimement ce dossier. De tout temps, un fort partenariat s'est noué autour de leurs missions respectives entre les deux institutions, l'université offrant au service de santé des armées un terrain privilégié et unique de formation coopérative et innovante pour ses besoins de formation spécifique. Au-delà de l'accord cadre fixant les termes de la formation initiale des élèves médecins de l'école au sein de l'université Victor Segalen Bordeaux 2, ce partenariat s'exerce dans une stratégie concertée dont la dynamique et la cohérence doivent être particulièrement soulignées, notamment dans les domaines des actions de coopération internationale et de la formation des élèves de l'ESSA à l'étranger. Le cursus d'études médicales à l'université Bordeaux 2 est fortement orienté vers l'internationalisation et influencé par les relations ultramarines de l'université. Ainsi une partie des stages pratiques de 2e cycle est réalisée à l'étranger, en particulier pendant la période estivale, grâce aux nombreuses coopérations internationales de l'établissement dont certaines sont portées par l'ESSA (e.g. Afrique subsaharienne). Le système de mobilité étudiante est commun aux civils et aux militaires et les destinations font l'objet d'une concertation entre l'ESSA et l'université. Le nouveau système mis en place permettrait de développer cette politique de mobilité étudiante avec de nouvelles destinations proposées aux futurs médecins militaires mais pourrait être entravé par le départ de l'ESSA. La politique européenne de Bordeaux 2 est une priorité de l'université qui favorise les stages dans les pays de l'Union, y compris pour les étudiants de l'ESSA. Certains projets sont pilotes comme celui d'un parcours médical européen récemment élaboré avec les universités de Saragosse et Pavie. Ces orientations européennes, dont certaines se concrétisent au plan de la formation scientifique de haut niveau (master Erasmus mundus troped) impliquent l'ESSA. Ce programme est le seul en France dans le champ disciplinaire et a été choisi comme cadre expérimental des écoles doctorales européennes. Dans chacun de ses modules interviennent des membres de l'ESSA. Une convention avec l'université de Madrid permet ainsi de contribuer à la formation des médecins militaires espagnols. Deux axes de recherche sont étroitement liés à la formation des élèves de l'ESSA et aux thématiques intéressant directement la médecine militaire. L'un des axes prioritaires de recherche inscrit dans le plan quadriennal de l'université est la microbiologie. Dans le domaine de la santé, elle recouvre les domaines de la bactériologie, de la virologie, de la mycologie médicale et de la parasitologie au sein d'une grosse UMR-CNRS notée A par le ministère, et de trois EA dont une s'est rapprochée de l'IRD pour la thématique tropicale. Il faut également signaler que l'institut CNRS de biochimie et génétique cellulaires (IBGC), noté A par le ministère, irrigue cet axe de recherche par des compétences de haut niveau dans le domaine de la génétique et de la biochimie structurale. L'autre axe est celui de la santé publique porté par l'université à travers un institut unique en France (ISPED) développant des thématiques de recherche en rapport avec les pays en voie de développement (SIDA,). Certaines compétences de l'université sont d'ores et déjà utilisées pour l'enseignement et la recherche dans le domaine de la sécurité civile et pourraient contribuer efficacement à celle des médecins militaires. Ainsi, par voie conventionnelle, l'université a mis en oeuvre un partenariat avec la direction nationale de la sécurité civile (ministère de l'intérieur) et l'École nationale supérieure des officiers de sapeurs-pompiers (ENSOSP) portant sur les thématiques : urgences, santé-travail, toxicologie, risques extrêmes. C'est donc avec l'ensemble des élus de la Gironde, et au nom de tous les Bordelais, qu'elle lui demande de revoir ce projet en faveur de Bordeaux, et de donner ainsi à cette ville un signe très attendu de la compréhension de sa tradition, de son rayonnement scientifique et de son ambition internationale.
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Texte de la REPONSE :
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AVENIR DE L'ÉCOLE DU SERVICE DE SANTÉ DES ARMÉES À BORDEAUX M. le président. La parole est à Mme Michèle
Delaunay, pour exposer sa question, n° 234, relative à l'avenir de l'école du
service de santé des armées à Bordeaux. Mme Michèle
Delaunay. Monsieur le secrétaire d'État à la défense et aux anciens
combattants, l'École du service de santé des armées fait partie du patrimoine de
la ville de Bordeaux. Elle s'insère dans son histoire, dans sa vocation maritime
et dans sa tradition. À l'heure où l'on veut fortifier le lien armée-nation, ce
contrat social exemplaire entre une ville et son école ne peut être impunément
rompu. Cette école fait également partie de son avenir, de son ambition
médicale, scientifique et militaire. Elle est un élément important de
l'enseignement et de la pratique de la médecine à Bordeaux. C'est aussi
aujourd'hui, monsieur le secrétaire d'État, en tant que médecin
hospitalo-universitaire que je m'adresse à vous et que j'en témoigne. Par la
qualité de leur double formation, les " Navalais ", comme on les appelle à
Bordeaux, ont de tout temps été les moteurs des promotions et leur participation
à la marche des services est essentielle à la qualité des soins. Notons
d'ailleurs que le taux de Navalais reçus au numerus clausus - 60 à 86 % - est
pratiquement deux fois plus élevé que celui des Lyonnais : 45 à 60 %. Élèves
et professeurs issus de l'école sont pour une grande part dans la spécificité et
la qualité du CHU de Bordeaux en matière de médecine tropicale et parasitaire. À
l'heure des pôles d'excellence, ceux qui existent doivent être soutenus et non
affaiblis. Sur le plan de l'enseignement, le départ des étudiants du service
de santé des armées, ferait perdre à l'université de Bordeaux l'équivalent d'une
UFR. Plus grave encore, il signifierait la rupture d'un partenariat établi de
longue date entre l'école et l'université, et s'exerçant en parfaite harmonie
dans le domaine des coopérations internationales européennes et ultramarines,
ainsi que dans le domaine de la recherche. Signalons, par exemple, le
développement au niveau européen de formations et de programmes de recherche
directement liés aux problématiques du service de santé des armées : médecine
tropicale, risque microbiologique, sécurité civile, médecine aéronautique.
Notons également la participation de l'école au projet scientifique et
pédagogique élaboré par le pôle de recherche et d'enseignement supérieur de
l'université de Bordeaux pour constituer en France l'un des dix campus
d'excellence. Rappelons, enfin, que l'université de Bordeaux II porte le nom de
Victor Ségalen, lui-même ancien élève de l'école. Tout plaide en réalité,
monsieur le secrétaire d'État, pour un regroupement des écoles de santé des
armées non à Lyon, mais à Bordeaux. S'agissant, tout d'abord, de la capacité
en hébergement et du coût par élève, dans la configuration des études suivant le
schéma LMD, les élèves seront externalisés à partir de la troisième année. La
capacité du site de Bordeaux et la réserve foncière de seize hectares de
l'hôpital Robert Picqué permettent l'organisation d'un campus modulable
parfaitement adapté, alors que le site de Lyon, prévu pour héberger pendant six
années les élèves des deux écoles, est surdimensionné et se révélera de plus en
plus inadapté et coûteux dans l'environnement économique actuel. De plus, il
est possible de constituer à Bordeaux un pôle de santé militaire complet et
polyvalent : binôme école-hôpital d'instruction des armées, base aérienne de
Mérignac et pôle d'entraînement militaire du camp de Souge. Enfin, j'y
reviens, il faut prendre en compte l'existence de pôles d'excellence et la forte
intégration de l'école de Bordeaux dans le dispositif universitaire, hospitalier
et la recherche, alors que l'école de Bron n'a développé aucun projet
scientifique coordonné opposable au projet coopératif et innovant entre
l'université Victor Ségalen et l'École de santé des armées. Pour toutes ces
raisons, monsieur le secrétaire d'État, au nom de tous les Bordelais et des élus
de la Gironde, je vous demande, avec gravité, de revoir ce projet en faveur de
Bordeaux et de prouver ainsi à cette ville que vous en avez compris la
tradition, le rayonnement scientifique et l'ambition
internationale. M. le président. La parole est à M.
Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État à la défense et aux anciens
combattants. M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État à la
défense et aux anciens combattants. Madame la députée, je ne reprendrai pas
l'argumentation générale sur la RGPP et le livre blanc, puisque je viens de le
faire dans ma réponse à votre collègue Michel Vergnier. Je ne rappellerai pas
non plus le calendrier des arbitrages qui ne sont pas encore rendus, puisque les
décisions ne sont pas prises. Je dois toutefois, sans langue de bois, vous
donner la position actuelle du ministre de la défense. L'École du service de
santé des années de Bordeaux est, avec celle de Lyon, l'une des deux écoles de
formation initiale des praticiens du service de santé des armées. Son
implantation historique au sein de la ville de Bordeaux donne une dimension
patrimoniale et d'implantation dans la vie de la ville, dans les domaines les
plus pointus, comme vous l'avez justement rappelé. Cela dit, nous sommes
confrontés à une situation qui existe dans d'autres domaines. Lorsque deux
écoles dispensent une même formation, il est, à terme, rationnel de les
regrouper, principe que vous n'avez d'ailleurs pas contesté Ainsi, les
travaux menés dans le cadre de la révision générale des politiques publiques
concernant le ministère de la défense et, plus particulièrement, le service de
santé des armées - j'ai d'ailleurs pu assister, aux côtés du ministre, à leur
conclusion - ont validé le regroupement du dispositif de formation médicale
initiale sur un site unique. Le souci de cohérence, de réduction substantielle
des coûts de fonctionnement et de meilleure efficience amène à privilégier le
choix du maintien du site de Lyon. Vous plaidez pour le maintien de l'école
à Bordeaux, mais permettez-moi de rappeler quelques arguments explicités par le
ministre de la défense au maire de Bordeaux le 22 avril dernier. La mise en
place du système européen - licence, master, doctorat -, auquel vous avez fait
allusion, permet aujourd'hui de ne conserver qu'une seule école. Un pôle santé
régional militaire sera créé à Lyon, réunissant, outre l'ESSA de Lyon-Bron, des
organismes ou formations de la fonction santé : la direction régionale,
l'hôpital d'instruction des armées, le centre de préparation aux opérations
extérieures et, à proximité, le troisième régiment médical de La
Valbonne. Enfin, l'infrastructure vieillissante, en termes de bâtis et
d'équipements, de l'école de Bordeaux ne saurait suffire à accueillir les seuls
élèves. Cela a d'ailleurs été précisément vérifié sur les deux sites par le
contrôle général des armées et a donné lieu à plusieurs expertises. Seule une
extension conséquente de l'infrastructure, qui paraît difficile au vu du plan
d'occupation des sols, ou une construction nouvelle pourrait permettre le
transfert de la totalité des élèves sur Bordeaux avec pour effet le décalage du
calendrier de la réorganisation du ministère de la défense d'au moins quatre
années, pour un investissement que l'on peut estimer supérieur à 30 millions
d'euros. Le besoin total de logements est d'environ 500 chambres. Or le site de
Lyon est d'emblée parfaitement dimensionné et opérationnel. Par ailleurs, il
ne peut être question de rompre un partenariat établi de longue date entre
l'école et l'université dans la recherche, spécialement en microbiologie. Cet
accent, mis sur la recherche, ne concerne l'école que très marginalement. En
effet, lors de la précédente année universitaire, seuls treize élèves militaires
étaient inscrits en maîtrise de sciences biologiques médicales, et pas
uniquement en microbiologie. En revanche, des praticiens de l'hôpital
d'instruction des armées Robert Picqué de Bordeaux pourront poursuivre leurs
activités universitaires après l'éventuelle fermeture de l'école. Quant aux
autres conséquences économiques - et j'ai rencontré ce problème dans ma propre
ville - comme toujours en pareil cas, un dialogue sera engagé pour mesurer les
conséquences de ce départ en termes d'aménagement du territoire et pour,
éventuellement, envisager l'utilisation future du site. Des négociations, les
meilleures possible, devront s'engager, lorsque la décision sera prise. Un
arbitrage interviendra in fine. Même si ce n'est pas forcément agréable à
entendre, je tenais à vous indiquer clairement que nous souhaitons actuellement
ce regroupement à Lyon. M. le président. La parole est à
Mme Michèle Delaunay. Mme Michèle Delaunay. Je crois vous
avoir expliqué que le système LMD réduirait le nombre des élèves " internalisés
" et que le site de Lyon, au coût de fonctionnement très élevé, est donc
surdimensionné. Vous avez évoqué l'hôpital de santé des armées de Lyon. Or
nous en disposons d'un à Bordeaux, qui est un pôle d'excellence en lui-même.
Doté d'un foncier de seize hectares, il est propre à accueillir un campus très
actif. Enfin, le maire de Bordeaux s'est engagé à prendre en charge une
éventuelle extension de la capacité d'hébergement de ce site, qui permet
actuellement d'accueillir 369 élèves. Comme vient de le faire mon collègue
Michel Vergnier, je vous invite, à mon tour, à Bordeaux. Vous pourrez visiter
cette école et prendre connaissance de la pétition signée par 20 000 Bordelais,
preuve de leur attachement à cette école. Il est essentiel, comme je l'ai
souligné au début de mon intervention, que, dans cette volonté de renouer le
lien entre l'État et la nation, l'on ne néglige pas le contrat qui lie, depuis
1890, Bordeaux et l'École de santé de la marine.
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