FICHE QUESTION
13ème législature
Question N° : 28805  de  M.   Raoult Éric ( Union pour un Mouvement Populaire - Seine-Saint-Denis ) QE
Ministère interrogé :  Affaires européennes
Ministère attributaire :  Affaires européennes
Question publiée au JO le :  29/07/2008  page :  6453
Réponse publiée au JO le :  23/09/2008  page :  8159
Rubrique :  Union européenne
Tête d'analyse :  coopération judiciaire
Analyse :  perspectives
Texte de la QUESTION : M. Éric Raoult attire l'attention de M. le secrétaire d'État chargé des affaires européennes sur la coopération policière entre la France et les pays de l'Union européenne. En effet, depuis plusieurs années nos partenaires allemands se plaignent des difficultés à établir une véritable politique commune franco-allemande dans le cadre de la lutte contre la criminalité et le terrorisme, qui passerait notamment par la liberté d'investigation et d'arrestation de policiers allemands sur le territoire français. Ces difficultés sont très mal ressenties, notamment par les policiers et les magistrats allemands dans les dossiers de poursuite contre les criminels et les terroristes qui peuvent plus facilement traverser les frontières qu'eux. Dans le respect de nos principes et de notre volonté d'indépendance dans ce domaine régalien, il conviendrait d'adapter quelque peu notre position sur ce dossier. Il lui demande de lui préciser la position du Gouvernement français sur cette question.
Texte de la REPONSE : 1. La coopération policière entre la France et l'Allemagne s'est fortement intensifiée depuis dix ans, dans un cadre bilatéral et multilatéral. 1.1. La France et l'Allemagne ont conclu à cet effet, en application de la convention d'application de l'accord de Schengen signée le 19 juin 1990, à Mondorf-les-Bains, le 9 octobre 1997, un accord relatif à la coopération dans leurs zones frontalières entre les autorités de police et les autorités douanières. Cet accord dit « de Mondorf » a offert une base juridique à la création d'un centre de coopération policière et douanière à Kehl en Allemagne. La coopération institutionnelle (échanges entre policiers, gendarmes et magistrats français et allemands) et opérationnelle (actions conjointes entre le Groupement d'intervention régional d'Alsace et ses partenaires allemands contre le crime organisé et la délinquance transfrontalière, en particulier en matière de cambriolages, vols de véhicules et proxénétisme) s'est depuis renforcée. Ces actions ont notamment permis le démantèlement de plusieurs équipes opérant de part et d'autre de la frontière et une diminution du nombre des vols avec effraction commis dans le sud du Bade-Wurtemberg. 1.2. Dans le domaine de la lutte contre le terrorisme, la coopération entre la France et l'Allemagne repose sur des bases juridiques plus anciennes mais s'est également développée récemment. Des officiers de liaison français sont ainsi affectés auprès de l'Office fédéral pour les affaires criminelles (Bundeskriminalamt), chargé de la coordination des polices criminelles des Laender et d'affaires importantes ayant une dimension internationale, afin de faciliter l'échange d'informations en matière de terrorisme. Une première équipe commune d'enquête a par ailleurs été mise en place en février 2007. Un projet d'accord de coopération entre la France, le Royaume-Uni et l'Allemagne pour la prévention de menaces terroristes dans le domaine radiologique et nucléaire est également discuté depuis novembre 2005. 1.3. La coopération transfrontalière a également été renforcée dans le cadre du traité dit de Prüm (traité relatif à l'approfondissement de la coopération transfrontalière, notamment en vue de lutter contre le terrorisme, la criminalité transfrontalière et la migration illégale) signé en mai 2005 et dont la ratification a été autorisée en France par la loi n° 2007-1160 du 1er août 2007. Le bilan de la coopération entre nos services de police dans le domaine de la lutte contre la criminalité et le terrorisme est sans aucun doute positif. 2. S'agissant précisément de la coopération opérationnelle : 2.1. Le traité de Prüm rend possible la création de patrouilles communes composées de policiers issus de différents États membres, qui peuvent exercer des opérations communes sur l'ensemble du territoire des États parties. De même est possible, sous certaines conditions, le franchissement de la frontière par des policiers étrangers, sans autorisation préalable de l'État d'accueil, en situation d'urgence. 2.2. L'article 41 de la convention d'application de l'accord de Schengen du 19 juin 1990 autorise les officiers de police d'un Etat contractant, sans autorisation préalable, à poursuivre un individu sur le territoire d'un autre État Schengen en cas de flagrant délit ou d'évasion. Toutefois, aux termes de la convention, chaque État partie peut produire une déclaration excluant tout droit d'interpellation pour les agents poursuivants, limitant les poursuites dans l'espace ou dans le temps ou restreignant le droit de poursuite à une liste limitative d'infractions. La France a produit une telle déclaration par laquelle elle exclut tout droit d'interpellation des agents poursuivants, et limite les poursuites aux cas de commission de l'une des infractions figurant sur la liste limitative énoncée au quatrième paragraphe, point a, de l'article 41 de la convention d'application de l'accord de Schengen. L'accord de Mondorf renvoie à cette déclaration. Lors de leur rencontre du 10 juin 2004, les ministres de l'intérieur français et allemand ont souhaité rehausser le niveau de la coopération policière bilatérale, notamment en vue d'une facilitation des échanges de données et des interventions communes. À cette fin, ils ont souhaité étendre les pouvoirs d'observation et de poursuite transfrontalières. Les travaux sur la renégociation de l'accord de Mondorf ont débuté le 16 septembre 2004. 3. Le Gouvernement demeure déterminé à faciliter l'exercice du droit de poursuite transfrontalier entre la France et l'Allemagne, comme cela a été régulièrement rappelé à l'occasion de conseils des ministres franco-allemands. L'exercice de ce droit sur le territoire français suppose cependant une révision constitutionnelle. Dans sa décision relative à la loi autorisant l'approbation de la convention d'application de l'accord de Schengen du 25 juillet 1991, le Conseil constitutionnel a en effet rappelé que,« en application du principe de valeur constitutionnelle selon lequel la défense de l'ordre public et la protection des libertés relèvent des seules autorités nationales, un acte de police, dès lors qu'il implique l'usage de contrainte et qu'il est susceptible de conduire à une privation de liberté, ressortit à l'exercice des conditions essentielles de la souveraineté nationale » et qu'en conséquence il « ne peut, en principe, être exécuté que par une autorité publique française ou sous son contrôle ». Saisi à l'occasion de la renégociation de l'accord de Mondorf par le Gouvernement, le Conseil d'État, a également rappelé la décision du juge constitutionnel.
UMP 13 REP_PUB Ile-de-France O