DEBAT :
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COÛT DU TRAVAIL ET POLITIQUE INDUSTRIELLE M. le président. La parole est à Mme Aurélie
Filippetti, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers
gauche. Mme Aurélie Filippetti. Monsieur le Premier
ministre, quand vous n'expliquez pas tous les maux de la France par les
trente-cinq heures, vous incriminez le coût du travail. Ainsi, vous nous
aurez rebattu les oreilles avec cette légende selon laquelle les ouvriers
français coûteraient trop cher par rapport à leurs concurrents européens, en
particulier allemands. Trop payés, les ouvriers français ? Ceux dont le salaire
stagne depuis des années apprécieront. Il a suffi qu'un organisme proche du
patronat instrumentalise quelques résultats tronqués et erronés sur le coût du
travail en France et en Allemagne, pour qu'aussitôt la présidente du MEDEF puis
le ministre de l'industrie reprennent en choeur la même antienne : " Le problème
de l'industrie en France, c'est celui des salaires. " Heureusement, l'INSEE a
rétabli hier cette réalité que tous les ouvriers de l'industrie de notre pays
connaissent trop bien : non seulement, en France, le coût horaire du travail
n'est pas supérieur à celui de l'Allemagne, mais il lui est même légèrement
inférieur. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et
GDR.) Pensiez-vous donc pouvoir construire une réelle politique
industrielle sur la seule obsession des coûts et sur le dumping salarial ? C'est
pourtant ce que vous répétiez hier encore à Troyes. Puisque vous regardez de
l'autre côté du Rhin, sachez que les Allemands multiplient cette année les
augmentations de salaires. Leur succès industriel consiste à exporter des
produits de qualité à forte valeur ajoutée. Mais, pour parvenir à un tel
résultat, il faut des compétences, de l'innovation, de la formation. Or, cela a
un prix. Avec votre vision de la compétitivité par les coûts, où
s'arrêtera-t-on ? Vous mettrez bientôt en concurrence les salaires français avec
les salaires chinois ou indiens. Venez donc en Moselle voir les dégâts
provoqués par cette politique ! Venez à la SAFE d'Hagondange constater que,
lorsqu'il n'y a plus d'investissements, nos entreprises s'écroulent ! Combien
de rapports de l'INSEE vous faudra-t-il pour abandonner enfin votre litanie sur
le coût du travail et mettre en oeuvre une véritable politique industrielle ?
(Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.) M. le
président. La parole est à M. le ministre du travail, de l'emploi et de
la santé. M. Xavier Bertrand, ministre du travail, de
l'emploi et de la santé. Madame la députée, combien de temps vous
faudra-t-il pour voir la réalité des choses ? Bien évidemment, vous pouvez
toujours faire toutes les comparaisons du monde avec des pays qui n'ont pas les
mêmes systèmes de protection sociale que nous. Joignez plutôt vos efforts aux
nôtres pour faire avancer les travaux entrepris dans le cadre du G20 afin que
l'emploi soit une priorité, en particulier celui des plus jeunes et des plus
démunis, et pour instaurer un socle de protection sociale dans chacun des pays
du monde. Tels sont nos objectifs. Au lieu de rester dans la critique
permanente et dans l'admonestation, ou plutôt dans la nostalgie des trente-cinq
heures (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR), vous pourriez
accompagner ce mouvement de l'histoire. Cela dit, il faut bien reconnaître
que la question du coût du travail se pose dans notre pays ; c'est une évidence.
Les trente-cinq heures ont bien failli, en leur temps, couler complètement
l'économie française. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Cette époque n'est pas si lointaine qu'il soit superflu de vous rappeler que
les trente-cinq heures ont non seulement augmenté les coûts de production, mais
encore bloqué les salaires pendant des années et des années. Ce sont finalement
les ouvriers qui ont fait les frais de cette politique, et ce sont eux qui vous
ont durement sanctionnés en 2002. Voilà la réalité ! (Applaudissements sur
les bancs du groupe UMP. - Protestations sur les bancs des groupes SRC et
GDR.) Pour notre part, nous voulons à la fois baisser le coût du travail
et augmenter le pouvoir d'achat des Français. En faisant reculer le chômage et
en utilisant les heures supplémentaires, nous pouvons distribuer davantage de
pourvoir d'achat. Quand sortirez-vous des postures et de la nostalgie des
trente-cinq heures ? L'industrie française a besoin de courage et d'innovation,
pas de discours passéistes. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP
et NC. - Protestations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
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