FICHE QUESTION
13ème législature
Question N° : 31558  de  M.   Le Fur Marc ( Union pour un Mouvement Populaire - Côtes-d'Armor ) QE
Ministère interrogé :  Santé, jeunesse, sports et vie associative
Ministère attributaire :  Santé, jeunesse, sports et vie associative
Question publiée au JO le :  30/09/2008  page :  8318
Réponse publiée au JO le :  11/11/2008  page :  9825
Rubrique :  pharmacie et médicaments
Tête d'analyse :  médicaments
Analyse :  isotretinoïne. dangers. information des médecins
Texte de la QUESTION : M. Marc Le Fur attire l'attention de Mme la ministre de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative sur les risques sanitaires liés à l'administration de traitements contre l'acné à base d'isotretinoïne. Cette substance serait à l'origine, selon l'association des victimes de « roaccutane et génériques », de phénomènes dépressifs chez certains adolescents traités pour l'acné. Selon une étude réalisée par deux praticiens hospitaliers du CHU de Nantes et de l'hôpital Tenon de Paris, il conviendrait, avant de prescrire l'isotretinoïne, que les dermatologues se renseignent sur d'éventuels antécédents de dépression ou de troubles psychiatriques sur leurs jeunes patients. Il lui demande si ses services disposent d'informations complémentaires sur l'isotrétinoïne et les mesures de précaution qu'entend prendre le ministère dans l'intérêt des jeunes et de leurs parents.
Texte de la REPONSE : La surveillance du risque d'effets indésirables, dont les effets indésirables psychiatriques, résultant de l'utilisation des médicaments, est une des préoccupations constantes des autorités sanitaires, et plus précisément de l'agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS), conformément à l'article L. 5311-1 du code de la santé publique. Cette mission de surveillance est assurée par le système national de pharmacovigilance défini aux articles R. 5121-150 et suivants du même code qui comprend trente et un centres régionaux de pharmacovigilance en France et dont l'agence assure la mise en oeuvre. Ce système recueille les déclarations d'effets indésirables ou inattendus des médicaments, effectue les enquêtes et études qui s'avèrent nécessaires et propose, le cas échéant, les mesures appropriées pour assurer la sécurité d'emploi de ces produits. Cette déclaration des effets indésirables est obligatoire lorsqu'un médecin constate un tel effet, afin que les symptômes présentés par le patient puissent faire l'objet d'une analyse rigoureuse et qu'ils soient pris en compte par le système national de pharmacovigilance. Les médicaments à base d'isotrétinoïne administrés par voie orale sont indiqués dans le traitement de l'acné sévère. L'autorisation de mise sur le marché (AMM) a été octroyée en 1984 à la spécialité dénommée Roaccutane, en décembre 2001 pour sept  génériques de Roaccutane et en octobre 2004 et février 2005 pour deux autres génériques. Actuellement quatre spécialités à base d'isotrétinoïne sont commercialisées en France : Roaccutane des laboratoires Roche depuis 1986 et trois génériques de Roaccutane, Curacné des laboratoires Pierre Fabre depuis avril 2002, Procuta des laboratoires Expansciences depuis octobre 2002 et Contracné des laboratoires Biorga depuis avril 2005. Le suivi de pharmacovigilance de ces spécialités a conduit à ajouter la dépression mais également les tentatives de suicide et le suicide dans la liste des effets indésirables signalés dans le résumé des caractéristiques du produit (RCP) et la notice patient, respectivement en 1989, 1997 et 1998. Ces ajouts ont été décidés sur la base de cas déclarés à la pharmacovigilance sans qu'un lien de causalité n'ait pu être démontré. Ces modifications ont été accompagnées de l'envoi d'une lettre aux prescripteurs en mai 1998 recommandant une vigilance particulière pour les patients avec des antécédents psychiatriques et l'arrêt précoce de l'isotrétinoïne en cas de signes évocateurs de dépression. Un nouveau bilan de pharmacovigilance a été réalisé en 2004 dans le cadre d'une procédure d'arbitrage européen visant à harmoniser au sein de l'Union européenne les AMM du Roaccutane et ses génériques en particulier les indications, les contre-indications, les effets indésirables et les précautions d'emploi. Ont également été ajoutés les effets indésirables suivants : dépressions aggravées, anxiété, changements de l'humeur, troubles du comportement et manifestations psychotiques. La rubrique « Mise en garde et précaution d'emploi » du RCP a été également renforcée soulignant la nécessité de surveiller étroitement les patients pendant le traitement en particulier en cas d'antécédents de dépression, afin de rechercher d'éventuels signes de dépression et d'avoir recours à un traitement approprié si nécessaire. Parallèlement à l'analyse des cas de pharmacovigilance, une analyse du risque de troubles psychiatriques a été faite à partir des données précliniques et cliniques. La conclusion de cette évaluation a fait apparaître que l'ensemble des données disponibles ne démontre pas d'association entre l'isotrétinoïne et la dépression et ne permettent pas de conclure à l'existence d'un lien entre isotrétinoïne et conduite suicidaire. Il a été néanmoins décidé de poursuivre la surveillance de ce risque et le laboratoire Roche continue de soumettre annuellement à I'AFSSAPS des rapports périodiques de pharmacovigilance alors que ces rapports devraient être soumis tous les 5 ans étant donné l'ancienneté du produit. De même, le laboratoire Pierre Fabre soumet à l'AFSSAPS des rapports annuels. Les autres laboratoires soumettent également des rapports périodiques de pharmacovigilance selon le calendrier établi par la réglementation en vigueur. Par ailleurs, il existe un certain nombre de notifications spontanées ou publiées de dépressions et de conduites suicidaires chez des patients traités par isotrétinoïne. Dans tous les cas de tentatives de suicide notifiés aux CRPV, le notificateur a signalé des prodromes (agressivité, troubles de la personnalité, etc.) ou un facteur déclenchant (rupture, tentative de suicide d'un proche, etc.). En revanche, aucune des neuf études publiées n'a démontré ni suggéré une augmentation du risque de dépression sous isotrétinoïne, certaines études suggérant au contraire une amélioration des symptômes dépressifs. En ce qui concerne le risque de conduite suicidaire, une seule étude est disponible et ne conclut pas à une augmentation du risque de suicide et/ou de tentative de suicide avec isotrétinoïne, comparé aux antibiotiques oraux. En outre, l'évaluation de ce risque est rendue difficile dans le contexte de la pathologie traitée car l'acné s'accompagne souvent d'altérations de l'humeur et d'anxiété. De plus, dans cette population jeune, les conduites suicidaires ne sont pas exceptionnelles. En effet, les tentatives de suicide et les suicides à l'adolescence surviennent souvent en dehors de tout contexte dépressif identifié. La notification en juillet 2007 d'un nouveau cas de suicide très médiatisé a conduit l'AFSSAPS à faire un nouveau bilan des cas de conduites suicidaires avec isotrétinoïne. Depuis sa commercialisation jusqu'au 1er novembre 2007, environ 32 millions de boîtes contentant cette molécule ont été vendues, une quinzaine de suicides et une vingtaine de tentatives de suicide ont été rapportés en France avec Roaccutane ou un de ses génériques. Ces cas ont été notifiés spontanément aux CRPV et/ou aux laboratoires. Ainsi, un communiqué de presse publié sur le site internet de l'AFSSAPS en novembre 2007 reprend les résultats de ce bilan et rappelle qu'une vigilance particulière est recommandée chez les patients traités par isotrétinoïne s'ils ont des antécédents psychiatriques et qu'il convient d'arrêter le traitement en cas de signes évoquant une dépression. Par ailleurs, des recommandations de bonne pratique (RBP) sur le traitement de l'acné par voie locale et générale sont disponibles sur le site de l'AFSSAPS www.afssaps.sante.fr. Enfin, depuis la publication de ces informations, un certain nombre de témoignages de patients ou proches de patients ont amenél'AFSSAPS à mettre en place un groupe d'experts pluridisciplinaire ayant pour mission de procéder à un état des lieux exhaustif du risque de conduites suicidaires avec isotrétinoïne, de proposer des recommandations pour la prise en charge des patients, si nécessaire, et d'évaluer la pertinence de conduire de nouvelles études. Les travaux de ce groupe d'experts sont actuellement toujours en cours. En conclusion, il convient de souligner que les médicaments à base d'isotrétinoïne administrés par voie orale ont montré leur efficacité dans le traitement de l'acné, en particulier dans les formes sévères. Il s'agit du seul traitement anti-acnéique ayant montré une efficacité rémanente, avec un bénéfice persistant après l'arrêt pour un certain nombre de patients.
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