DEBAT :
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BILAN DU GOUVERNEMENT ET PROJET SOCIALISTE : FISCALITÉ M. le président. La parole est à M. Pierre
Moscovici, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers
gauche. M. Pierre Moscovici. Monsieur le Premier ministre,
dans quelques jours nous serons amenés à discuter une nouvelle fois de votre
politique fiscale. Le quinquennat actuel a débuté par un cadeau aux plus
fortunés, dont le symbole restera le bouclier fiscal. Ce que le Président de la
République présentait comme l'un des marqueurs de votre politique est devenu un
tel boulet fiscal que vous annoncez maintenant son abrogation. Cette
abrogation aurait pu être l'occasion de réparer au moins un peu votre erreur,
d'envoyer un signal à la France qui travaille, celle-là même que le Président
Sarkozy prétendait incarner. Hélas, votre politique se tourne une fois encore
vers les plus riches. Vous supprimez certes le bouclier fiscal, mais pour
aussitôt alléger l'impôt de solidarité sur la fortune. Résultat : au terme de
votre réforme, les foyers fiscaux ayant un patrimoine supérieur à 17 millions
d'euros bénéficieront d'une baisse moyenne d'ISF de 370 000 euros. À l'évidence,
c'est une nouvelle provocation, un nouveau cadeau qui apparaîtra comme
inacceptable à tous les Français, qui subissent une crise sans précédent, quoi
qu'en ait dit le Premier ministre. Le parti socialiste s'oppose à cette
réforme. Il en propose une autre qui sera une véritable révolution fiscale
tournée vers la justice : non, nous ne toucherons pas à l'ISF ; oui, nous
reviendrons sur les 70 milliards d'euros de niches fiscales que vous avez créées
depuis 2002 ; oui, nous établirons une fiscalité juste et progressive prélevée à
la source sur les revenus ; oui, nous privilégierons ceux qui travaillent face
aux rentiers et nous mettrons fin aux aberrations et aux injustices que vous
tolérez. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) Comment
justifier par exemple que l'entreprise Total soit totalement exonérée d'impôt
sur les sociétés quand, dans le même temps, la charge de la dette pèse sur les
classes populaires et moyennes. M. Richard Mallié. C'est à
l'étranger que le groupe fait ses bénéfices ! M. Pierre
Moscovici. Monsieur le Premier ministre, accepterez-vous de vous
engager dans la voie d'une fiscalité juste qui privilégie enfin l'effort plutôt
que la rente ? Nous, nous le ferons ! (Applaudissements sur plusieurs bancs
du groupe SRC.) M. le président. La parole est à M.
François Baroin, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction
publique et de la réforme de l'État, porte-parole du Gouvernement. M.
François Baroin, ministre du budget, des comptes publics, de la
fonction publique et de la réforme de l'État, porte-parole du Gouvernement.
Monsieur le député, permettez-moi de vous dire que vous mélangez tout et
n'importe quoi. (Protestations sur les bancs des groupes SRC et
GDR.) Je comprends que vous vous appuyiez sur cette question d'actualité
pour faire la promotion d'un projet politique plus ou moins mort-né de la rue de
Solférino. M. Christian Paul. Quel mépris, c'est incroyable
! M. François Baroin, ministre. Vous critiquez la
réforme fiscale et vous vous y opposerez, nous l'avons compris. Mais vous
n'arriverez jamais à démontrer que cette réforme fait des cadeaux à qui que ce
soit, car sa grande vertu est précisément d'atteindre le double objectif de
justice et de compétitivité qui était poursuivi. M. Jean
Mallot. Carabistouilles ! M. François Baroin,
ministre. La suppression du bouclier n'est un cadeau à personne et
sûrement pas aux plus fortunés des Français. S'agissant des modalités de
financement de cette réforme qui est neutre pour les finances publiques, je
précise que pas une personne actuellement non assujettie à l'ISF ne sera appelée
à contribuer à son financement. M. Marcel Rogemont. Vos
chiffres sont faux ! M. François Baroin, ministre.
Effectivement, il y aura un allègement de la fiscalité sur le patrimoine - une
mesure logique en termes de compétitivité, ce que vous refusez d'admettre - mais
il y aura un renforcement de la fiscalité sur la transmission ou sur le flux du
patrimoine. Oui cette réforme est juste ; non elle ne fait aucun cadeau ; non
les personnes qui franchiront un seuil ne seront pas perdantes. M.
Marcel Rogemont. Si ! M. François Baroin,
ministre. Pour le reste, vous vous lancez dans une grande aventure, mais
nous ne vous rejoindrons pas sur ce terrain. Non que l'idée de la retenue de
l'impôt à la source ne soit pas populaire, mais votre grande idée est de
fusionner l'impôt sur le revenu et la CSG. La CSG est un impôt vertueux avec
une assiette large et un taux proportionnel. Quant à l'impôt sur le revenu, je
rappelle qu'il est payé par 15 millions de foyers fiscaux sur les 36 millions de
foyers fiscaux existants ; 500 000 personnes paient 43 % des 50 milliards
d'euros - petite recette pour l'État - qu'il rapporte. En cas d'application
de votre idée, une règle naturelle de l'économie s'imposerait : la mauvaise
monnaie chasserait la bonne ; la CSG " se mitera " et l'impôt sur le revenu ne
s'améliorera pas. Si nous avons des idées opposées, je crois en conscience et
en responsabilité qu'au mois de juin, lors de l'examen de la réforme fiscale,
vous pourrez, mesdames et messieurs les députés, voter la suppression du
bouclier et la réforme dans sa globalité. (Applaudissements sur les bancs du
groupe UMP et quelques bancs du groupe NC.)
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