DEBAT :
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MANUSCRITS INÉDITS DE ROBESPIERRE M.
le président. La parole est à Mme Catherine Lemorton, pour le groupe
socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Mme Catherine
Lemorton. Ma question s'adresse à M. le ministre de la culture et de la
communication, et j'y associe Jacqueline Maquet, députée d'Arras. Le 13 mai
1791, au terme d'un débat qui dure depuis deux jours et qui se construit autour
de la question de l'égalité civile des hommes libres de couleur dans les
colonies françaises, un député prend la parole : " Périssent les colonies ! Oui,
périssent les colonies s'il doit vous en coûter votre honneur, votre gloire,
votre liberté ! Je déclare, au nom de l'Assemblée, au nom de ceux des membres de
cette Assemblée qui ne veulent pas renverser la Constitution, je déclare, au nom
de la Nation entière qui veut être libre, que nous ne sacrifierons pas aux
députés des colonies, que nous ne leur sacrifierons ni la Nation, ni les
colonies, ni l'humanité tout entière. " Cet homme, député de la première
assemblée constituante de l'histoire de France, membre de la Société des Amis
des Noirs, mène un combat abolitionniste qui sera enfin couronné de succès le 4
février 1794, lorsque la Convention décrète la fin de l'esclavage. Cet homme
s'appelle Maximilien Robespierre. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Il serait dommage qu'en cette année de célébration de la France d'outre-mer,
notre pays laisse vendre au meilleur offrant les discours de celui qui désira
faire de tous les hommes des citoyens libres. (Mêmes mouvements sur les mêmes
bancs.) Laisser partir les manuscrits de l'Incorruptible, qui fut un
fervent défenseur de la cause des esclaves opprimés, constituerait une grave
faute politique, une erreur historique. (Exclamations sur les bancs du groupe
UMP.) Il y a 220 ans, à la tribune de l'Assemblée, ce député défendait
l'égalité des hommes libres de couleur au risque de perdre les
colonies. Monsieur le ministre, la mobilisation autour de ce sujet est
importante. Énumérer tous les acteurs serait trop long. Vous savez que la
préemption n'est qu'une première étape. Si cette mobilisation n'aboutissait pas
totalement, vous engagez-vous à apporter la somme manquante pour conserver ces
manuscrits dans notre patrimoine national ? (Applaudissements sur les bancs
des groupes SRC et GDR.) M. le président. La parole est
à M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la
communication. M. Frédéric Mitterrand, ministre de la
culture et de la communication. Madame la députée, quel que soit le jugement
que l'on peut porter su r la personnalité et l'action de Robespierre, il
appartient fondamentalement à notre histoire et à l'histoire de la Révolution
dont nous sommes les héritiers. (Applaudissements sur les bancs du groupe
SRC.) Quel que soit le jugement que l'on peut porter sur lui, il est donc
évident qu'il convient de garder en France les manuscrits qu'il a rédigés de sa
propre main, qui sont parfaitement lisibles, et qui, s'ils n'ont pas tous un
intérêt scientifique évident, ont cependant un caractère très intéressant, dans
la mesure où ils éclairent la personnalité complexe du personnage. Dès que
ces manuscrits ont été mis en vente, nous avons procédé à un premier
achat-préemption, qui a été confirmé, et nous avons préempté la deuxième série
d'achats. Je relève cependant que l'émotion considérable, quelquefois un peu
trop accentuée, a eu pour résultat de faire monter considérablement le prix des
enchères, alors que l'on sait que, tant que je serai ministre de la culture et
de la communication, j'achèterai, à chaque fois que ce sera possible, ce genre
de documents, essentiels à la connaissance de notre patrimoine. Le résultat,
c'est que cela nous aura coûté au moins 300 000 euros de plus. Cependant,
nous sommes en train de constituer le tour de table qui va nous permettre de
confirmer cette préemption auprès des organismes des enchères. Une
souscription nationale a été lancée. J'espère bien, aussi, que les assemblées,
dont celle-ci, participeront à l'opération, et que la ville d'Arras se
souviendra de l'Incorruptible. (Applaudissements sur plusieurs bancs du
groupe UMP et sur les bancs du groupe SRC.)
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