FICHE QUESTION
13ème législature
Question N° : 3492  de  M.   Ayrault Jean-Marc ( Socialiste, radical, citoyen et divers gauche - Loire-Atlantique ) QG
Ministère interrogé :  Premier ministre
Ministère attributaire :  Premier ministre
Question publiée au JO le :  28/09/2011  page : 
Réponse publiée au JO le :  28/09/2011  page :  5474
Rubrique :  État
Tête d'analyse :  gouvernement
Analyse :  politique générale. orientations
DEBAT :

POLITIQUE GÉNÉRALE

M. le président. La parole est à Jean-Marc Ayrault, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
M. Jean-Marc Ayrault. Monsieur le Premier ministre, mes premiers mots ne vous étonneront pas : Je souhaite saluer, avec l'ensemble de mes collègues, l'alternance historique qui est intervenue dimanche au Sénat. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Cette victoire vient de loin. Les porte-parole de votre majorité ont eu tort de la relativiser. Vous auriez vous-même tort de la sous-estimer. Le vote de ces milliers d'élus de terrain exprime un malaise profond du pays.
Il y a pire que la défaite, il y a le déni.
Le déni, c'est d'abord celui qu'exprime M. Larcher qui espère retrouver, par les manoeuvres de couloir, ce qu'il a perdu dans les urnes.
Le déni, c'est ensuite celui de votre gouvernement et de votre majorité, qui refusez, semaine après semaine, d'entendre les élus locaux qui doivent supporter le désengagement de l'État, désengagement qui intervient au moment même où la suppression de la taxe professionnelle que vous avez fait voter prive les communes, les départements, les régions, des moyens pour faire face notamment à la demande sociale. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)
Le déni, c'est encore votre politique fiscale, qui ne répond qu'aux attentes des plus fortunés. C'est votre plan de rigueur, qui, au contraire, frappe essentiellement les classes populaires et les classes moyennes.
M. Richard Mallié. La question !
M. Jean-Marc Ayrault. Le déni, c'est enfin votre attitude, lorsque vous annoncez vous-même, la semaine dernière, que vous voulez faire passer l'âge légal de départ à la retraite à soixante-sept ans, alors même que le peuple français n'a jamais eu à s'exprimer sur cette importante question. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur plusieurs bancs du groupe GDR.)
M. Roland Muzeau. C'est une honte !
M. Jean-Marc Ayrault. Les élus ont exprimé dimanche l'attente des Françaises et des Français, celle du changement. Vous vous y refusez, nous nous y préparons. Que les Français qui nous regardent aujourd'hui sachent qu'en mai prochain, nous serons prêts. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur plusieurs bancs du GDR.)
M. François Rochebloine. Démago !
M. Richard Mallié. Quelle est la question ?
M. le président. La parole est à M. François Fillon, Premier ministre.
M. François Fillon, Premier ministre. Monsieur le président Ayrault...
M. Christian Paul. Tout va très bien !
M. François Fillon, Premier ministre. ...la gauche, dimanche dernier, a remporté la majorité au Sénat. C'est un résultat qui était prévisible (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe SRC.) puisque, depuis près de dix ans, vous avez gagné la quasi-totalité des élections locales.
M. Christian Paul. Ce n'est pas ce que vous disiez il y a encore quelques jours.
M. François Fillon, Premier ministre. C'est un résultat qui a été amplifié par la crise...
M. Michel Lefait. Par les affaires !
M. François Fillon, Premier ministre. ...et par un certain nombre d'inquiétudes que vous avez à l'instant mentionnées, qui émanent en particulier d'un monde rural en perte de repères dans un contexte de mondialisation qui nécessite des réformes et des évolutions.
M. Christian Paul. Vous l'avez abandonné !
M. François Fillon, Premier ministre. Le Gouvernement, évidemment, prend acte de ce résultat, qui témoigne d'ailleurs que le Sénat n'est pas " l'anomalie démocratique " qu'avait évoquée en son temps Lionel Jospin. Le Gouvernement aura à coeur d'instaurer, avec la nouvelle majorité sénatoriale, un dialogue responsable, dans le respect de nos institutions et de notre Constitution qui donne la prééminence à l'assemblée qui est élue au suffrage universel direct.
Mesdames et messieurs les députés, cette élection et les commentaires que vous faites se situent dans un contexte exceptionnel, un contexte de crise financière majeure.
M. Christian Paul. Et morale !
M. Roland Muzeau. La faute à qui ?
M. François Fillon, Premier ministre. Dans ce contexte de crise financière, nous avons un devoir collectif, celui de sauver l'euro pour continuer à édifier l'Europe qui est notre avenir commun. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
Nous attendons, jeudi, le vote du Parlement allemand sur le plan de soutien à la Grèce, dont dépend pour une bonne part l'effort que nous avons engagé pour lutter contre la spéculation financière qui s'attaque à la zone euro. Dès que le résultat sera acquis, en espérant que ce sera un résultat positif, nous ferons des propositions pour amplifier cette lutte contre les attaques spéculatives contre la zone euro.
M. Henri Emmanuelli. Il serait temps !
M. François Fillon, Premier ministre. Mais, monsieur Ayrault, au-delà de nos divergences politiques, nous avons une obligation morale. (" Ah ! " sur plusieurs bancs du groupe SRC.) Cette obligation morale, c'est de défendre l'Europe, parce que l'Europe, c'est notre avenir commun. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.) Et, pour défendre l'Europe, nous avons l'obligation de renforcer la crédibilité financière de notre pays.
M. Roland Muzeau. C'est une autre Europe qu'il faut !
M. François Fillon, Premier ministre. Nous allons le faire par des mesures qui seront proposées dans le cadre du projet de loi de finances et du projet de loi de financement de la sécurité sociale dont vous débattrez prochainement. Mais nous devons le faire également en montrant notre capacité collective, au-delà de la droite et de la gauche, au-delà de nos intérêts partisans, à nous rassembler pour un enjeu qui est vital pour notre pays.
Je vous ai entendu évoquer à l'instant la question de l'âge de la retraite qui a fait l'objet d'une désinformation scandaleuse. Mais, monsieur Ayrault, vous-même je vous ai entendu, à maintes reprises, expliquer que la solution à la crise de l'euro, c'était l'émission d'obligations européennes.
M. François-Michel Gonnot. C'est vrai !
M. François Fillon, Premier ministre. Comment pouvez-vous envisager l'émission d'obligations européennes sans une convergence profonde entre l'Allemagne et la France ? (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.) Vous imaginez sans doute que le peuple allemand accepterait de garantir les emprunts des autres pays européens alors même que ceux-ci ne consentiraient pas les mêmes efforts que ceux que l'Allemagne a engagés ?
On ne peut pas défendre tout et son contraire. Si l'on veut des obligations européennes, alors on est obligé de demander la convergence économique et sociale entre la France et l'Allemagne. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
M. Guy Teissier. M. Ayrault ne le savait pas.
M. François Fillon, Premier ministre. Monsieur Ayrault, pendant quatre ans, nous avons bataillé avec la crise, pendant que l'opposition, et c'est normal, c'est son rôle, la commentait. Mais maintenant, la gauche va devoir sortir de cette posture et, dans sept mois, l'épreuve de vérité nous départagera. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Eh bien, cette épreuve de vérité, je souhaite qu'elle soit digne.
Et je voudrais dire à cette occasion combien je suis scandalisé par les propos que je viens d'entendre au début de cette séance, par ces amalgames émanant d'un élu de la République qui ose accuser des membres de la majorité et du Gouvernement d'avoir du sang sur les mains. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.) Mais de quel droit, monsieur Mamère, pouvez-vous faire le lien entre l'attentat de Karachi et le financement d'une campagne électorale présidentielle qui a eu lieu neuf ans auparavant ? Rien ne vous permet de lancer ces accusations.
Hier, la gauche se drapait dans la présomption d'innocence pour protéger Dominique Strauss-Kahn ; aujourd'hui, elle foule aux pieds cette présomption d'innocence. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.) La présomption d'innocence, dans votre conception de la République, c'est pour la gauche, pas pour la droite. C'est une drôle de conception de la République. (Les députés des groupes UMP et NC se lèvent et applaudissement longuement.)
Mesdames et messieurs les députés, je vous le dis, je suis inquiet de voir notre démocratie traversée par ce climat de suspicion permanent où l'on s'accuse sans preuves, où l'on insinue, où l'on spécule, où l'on fait circuler de faux documents. C'est un climat qui mine nos institutions, c'est un climat qui abaisse le débat public.
M. Philippe Martin. Honte à vous !
M. François Fillon, Premier ministre. Je vous le dis, monsieur Ayrault, en vous faisant les complices de ceux qui n'ont pas d'autre objectif que de déstabiliser la République, vous ne commettez pas seulement une faute politique, vous commettez une faute morale. (Les députés des groupes UMP et NC se lèvent et applaudissement longuement.)

S.R.C. 13 REP_PUB Pays-de-Loire O