Texte de la REPONSE :
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DROIT APPLICABLE À LA PUBLICITÉ EN FAVEUR DES BOISSONS
ALCOOLISÉES SUR INTERNET M. le président.
La parole est à M. Serge Poignant, pour exposer sa question, n° 364, relative au
droit applicable à la publicité en faveur des boissons alcoolisées sur
Internet. M. Serge Poignant. Ma question aurait pu
s'adresser à M. le ministre de l'agriculture, elle vous est destinée, madame la
ministre de la santé, puisqu'elle concerne le code de la santé publique. Elle
porte sur la publicité en faveur des boissons alcoolisées, résultant de la loi
de 1991 dite loi Évin, qui n'est autorisée que sur un certain nombre de supports
limitativement énumérés par une disposition du code de la santé
publique. L'Internet et les réseaux numériques ne faisaient pas partie, à
l'époque - en 1991 -, de cette énumération précise. Ils sont aujourd'hui
autorisés sur le fondement d'une interprétation du Conseil d'État, publiée dans
un rapport de 1998 et reprise par le Bureau de vérification de la publicité dans
une recommandation de juillet 2004. Cette position vient d'être remise en
cause par deux décisions de justice successives en 2008, les juges ayant décidé
de s'en tenir à une lecture littérale du code de la santé publique. Constatant
que l'Internet ne figurait pas expressément dans la liste limitative des
supports autorisés par l'article L. 3323-2, ils en ont déduit que la publicité
n'était pas autorisée sur les services de communication en ligne
français. Ces décisions pénalisent lourdement les producteurs français - qui
disposaient là d'un moyen moderne et précieux de faire connaître leur production
- par rapport à des producteurs de pays tiers dont les sites, accessibles sur la
toile, ne sont pas régis par les dispositions de la loi française. Lors de la
présentation du plan de modernisation de la filière vin le 29 mai dernier,
Michel Barnier, le ministre de l'agriculture, s'est engagé à proposer une
adaptation de la loi, afin de résoudre les difficultés rencontrées. Il a annoncé
la mise en place très rapide d'un groupe de travail devant aboutir à un
consensus sur une proposition de modification législative. Ce groupe de travail,
représenté par un député du groupe " viticulture " et un député " santé " - ou
peut-être deux -, s'est réuni mercredi dernier, pour la première fois. Madame
la ministre, pouvez vous indiquer à la représentation nationale quel est le
calendrier des réunions prévues et à quel moment vous envisagez - si vous
acceptez de l'envisager - le passage de cette modification de la loi devant le
Parlement. M. le président. La parole est à Mme Roselyne
Bachelot-Narquin, ministre de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie
associative. Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de
la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative. Monsieur le
député Serge Poignant, vous appelez mon attention sur la publicité en faveur de
l'alcool sur Internet. Comme vous l'avez indiqué, si la loi dite Évin n'a pas
mentionné Internet dans la liste des supports autorisés, ce n'est pas parce
qu'elle souhaitait l'exclure, mais parce qu'à l'époque - lors du vote de la loi
date de décembre 1990 -, Internet n'existait pas. La loi Évin a donné une
liste limitative des supports autorisés pour la publicité en faveur de l'alcool.
Cette interdiction de publicité sur Internet a été rappelée par le tribunal de
grande instance de Paris et confirmée par la cour d'appel de Paris le 13 février
2008. Cependant, il est intéressant d'analyser plus finement le jugement. Le
site d'une grande marque de bière - pour ne pas en faire la publicité dans cette
enceinte - poursuivie par l'Association nationale de prévention en alcoologie et
addictologie ne se limitait pas à de la vente en ligne. En effet, sur ce site
figuraient notamment des jeux, avec des animations sonores, des visuels
attractifs et des slogans non autorisés par la loi Évin dans des sites de vente
" en dur ". En outre, l'un des considérants du jugement mentionne que le site
condamné n'était pas destiné directement à la vente. Ce considérant laisse
entendre que la position du tribunal aurait pu être différente s'il s'était agi
uniquement d'un site de vente en ligne. La vente d'alcool sur Internet
s'accroissant, il existe désormais une inquiétude des professionnels concernés,
en raison de l'insécurité juridique induite par ce jugement. Cette insécurité
reste théorique, puisqu'il faut un intérêt à agir pour s'attaquer à un site de
vente en ligne. Il est peu probable qu'une personne ou une association
investie de cet intérêt à agir poursuive un site réalisant simplement de la
vente en ligne et restreignant ses mentions publicitaires à ce qui est autorisé
dans les sites de vente en dur. En outre, il n'est nullement certain que cette
éventuelle action en justice aboutisse à une condamnation. Néanmoins, je
comprends l'inquiétude des professionnels concernés, mais je tiens à les mettre
en garde sur deux points. Une libéralisation non encadrée de la publicité en
faveur de l'alcool sur Internet profiterait, en premier lieu, aux grands groupes
industriels producteurs d'alcool. Leurs moyens publicitaires sont, en effet,
plus importants que ceux dont dispose la filière viticole. En outre, et
surtout, il est primordial de protéger les jeunes, qui sont davantage
utilisateurs d'Internet que leurs aînés et plus perméables à ces publicités.
Alors que nous avons constaté une hausse de plus de 50 % des hospitalisations en
pédiatrie pour ivresse aiguë entre 2004 et 2007, nous devons être extrêmement
vigilants quant à la diffusion de la promotion de l'alcool sur Internet. Pour
lutter contre les alcoolisations massives répétées des sujets jeunes, nous
devons utiliser toutes les armes dont nous disposons. Nous devons notamment
continuer à encadrer la publicité dont l'impact sur les comportements
d'alcoolisation est bien établi. Les techniques de promotion, telles que les
liens sponsorisés, les " pops up " ou les " spams " ne doivent pas être un moyen
détourné de promouvoir l'alcool et d'investir les sites pour les jeunes. La
promotion doit se limiter au site institutionnel de vente, en y restreignant les
mentions publicitaires à l'instar de ce qui est autorisé dans les lieux de vente
en dur. Sécuriser juridiquement la vente d'alcool en ligne, en respectant les
contraintes de santé publique, c'est la mission du groupe de travail que nous
avons installé avec mon collègue Michel Barnier, et dont les travaux ont
commencé le 18 juin - une bonne date pour entamer des travaux. (Sourires.)
J'attends de ce groupe de travail qu'il nous fasse des propositions
concrètes pour sécuriser les sites de ventes en ligne, avant la fin de l'été. Il
s'agit de faire émerger un choix consensuel, tenant compte des impératifs de
santé publique et des intérêts économiques de la filière viticole. Je crois que
c'est tout à fait possible et urgent ; j'ai donc demandé au groupe de travail
d'aller vite. M. le président. La parole est à M. Serge
Poignant. M. Serge Poignant. Je vous remercie, madame la
ministre, de considérer cette question comme une urgence et une nécessité
absolue pour les producteurs français. Il est en effet nécessaire d'inscrire
dans la loi, avec toutes les précautions que vous prenez pour éviter une trop
large ouverture à la publicité, la possibilité de communiquer sur l'Internet. Je
pense d'abord à la filière viticole : comment prévoir un plan de modernisation
tout en l'exposant à des difficultés de communication ? Je rappelle que
l'entreprise Microsoft elle-même refuse ces publicités pour des raisons de
sécurité juridique. Il y a donc un vrai problème. Même si l'on peut penser que
tel ou tel communicant ne serait pas poursuivi, encore faut-il qu'il ait accès à
la communication en ligne.
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