FICHE QUESTION
13ème législature
Question N° : 364  de  M.   Poignant Serge ( Union pour un Mouvement Populaire - Loire-Atlantique ) QOSD
Ministère interrogé :  Agriculture et pêche
Ministère attributaire :  Santé, jeunesse, sports et vie associative
Question publiée au JO le :  24/06/2008  page :  5265
Réponse publiée au JO le :  25/06/2008  page :  3692
Date de changement d'attribution :  24/06/2008
Rubrique :  publicité
Tête d'analyse :  Internet
Analyse :  boissons alcoolisées. réglementation
Texte de la QUESTION : M. Serge Poignant attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de la pêche sur la publicité en faveur des boissons alcoolisées résultant de la loi de 1991 dite «loi EVIN» qui n'est autorisée que sur un certain nombre de supports limitativement énumérés par une disposition du code de la santé publique. L'internet et les réseaux numériques ne faisaient pas partie à l'époque de cette énumération précise et étaient aujourd'hui autorisés sur le fondement d'une interprétation du Conseil d'État dans un rapport publié en 1998, et reprise par le Bureau de vérification de la publicité dans une recommandation de juillet 2004. Cette position a été remise en cause par deux décisions de justice successives en 2008, les juges ayant décidé de s'en tenir à une lecture littérale du code de la santé publique. Constatant en effet que l'Internet ne figurait pas expressément dans la liste limitative des supports autorisés par l'article L3323-2, ils en ont déduit que la publicité n'était pas autorisée sur les services de communication en ligne français. Ces décisions pénalisent lourdement les producteurs français, qui avaient là un moyen moderne et précieux de faire connaître leur production, par rapport à des producteurs de pays tiers dont les sites accessibles sur la toile ne sont pas régis par les dispositions de la loi française. Lors de la présentation du plan de modernisation de la filière vin le 29 mai dernier, le ministre de l'agriculture s'est engagé à adapter la loi afin de résoudre les difficultés rencontrées en mettant en place très rapidement un groupe de travail devant aboutir à un consensus sur une proposition de modification législative. Il lui demande de bien vouloir faire connaître à la représentation nationale le calendrier des réunions d'ici cet été et du passage de cette modification de la loi devant le Parlement.
Texte de la REPONSE :

DROIT APPLICABLE À LA PUBLICITÉ EN FAVEUR
DES BOISSONS ALCOOLISÉES SUR INTERNET

M. le président. La parole est à M. Serge Poignant, pour exposer sa question, n° 364, relative au droit applicable à la publicité en faveur des boissons alcoolisées sur Internet.
M. Serge Poignant. Ma question aurait pu s'adresser à M. le ministre de l'agriculture, elle vous est destinée, madame la ministre de la santé, puisqu'elle concerne le code de la santé publique. Elle porte sur la publicité en faveur des boissons alcoolisées, résultant de la loi de 1991 dite loi Évin, qui n'est autorisée que sur un certain nombre de supports limitativement énumérés par une disposition du code de la santé publique.
L'Internet et les réseaux numériques ne faisaient pas partie, à l'époque - en 1991 -, de cette énumération précise. Ils sont aujourd'hui autorisés sur le fondement d'une interprétation du Conseil d'État, publiée dans un rapport de 1998 et reprise par le Bureau de vérification de la publicité dans une recommandation de juillet 2004.
Cette position vient d'être remise en cause par deux décisions de justice successives en 2008, les juges ayant décidé de s'en tenir à une lecture littérale du code de la santé publique. Constatant que l'Internet ne figurait pas expressément dans la liste limitative des supports autorisés par l'article L. 3323-2, ils en ont déduit que la publicité n'était pas autorisée sur les services de communication en ligne français.
Ces décisions pénalisent lourdement les producteurs français - qui disposaient là d'un moyen moderne et précieux de faire connaître leur production - par rapport à des producteurs de pays tiers dont les sites, accessibles sur la toile, ne sont pas régis par les dispositions de la loi française.
Lors de la présentation du plan de modernisation de la filière vin le 29 mai dernier, Michel Barnier, le ministre de l'agriculture, s'est engagé à proposer une adaptation de la loi, afin de résoudre les difficultés rencontrées. Il a annoncé la mise en place très rapide d'un groupe de travail devant aboutir à un consensus sur une proposition de modification législative. Ce groupe de travail, représenté par un député du groupe " viticulture " et un député " santé " - ou peut-être deux -, s'est réuni mercredi dernier, pour la première fois.
Madame la ministre, pouvez vous indiquer à la représentation nationale quel est le calendrier des réunions prévues et à quel moment vous envisagez - si vous acceptez de l'envisager - le passage de cette modification de la loi devant le Parlement.
M. le président. La parole est à Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative. Monsieur le député Serge Poignant, vous appelez mon attention sur la publicité en faveur de l'alcool sur Internet.
Comme vous l'avez indiqué, si la loi dite Évin n'a pas mentionné Internet dans la liste des supports autorisés, ce n'est pas parce qu'elle souhaitait l'exclure, mais parce qu'à l'époque - lors du vote de la loi date de décembre 1990 -, Internet n'existait pas.
La loi Évin a donné une liste limitative des supports autorisés pour la publicité en faveur de l'alcool. Cette interdiction de publicité sur Internet a été rappelée par le tribunal de grande instance de Paris et confirmée par la cour d'appel de Paris le 13 février 2008.
Cependant, il est intéressant d'analyser plus finement le jugement. Le site d'une grande marque de bière - pour ne pas en faire la publicité dans cette enceinte - poursuivie par l'Association nationale de prévention en alcoologie et addictologie ne se limitait pas à de la vente en ligne. En effet, sur ce site figuraient notamment des jeux, avec des animations sonores, des visuels attractifs et des slogans non autorisés par la loi Évin dans des sites de vente " en dur ".
En outre, l'un des considérants du jugement mentionne que le site condamné n'était pas destiné directement à la vente. Ce considérant laisse entendre que la position du tribunal aurait pu être différente s'il s'était agi uniquement d'un site de vente en ligne.
La vente d'alcool sur Internet s'accroissant, il existe désormais une inquiétude des professionnels concernés, en raison de l'insécurité juridique induite par ce jugement. Cette insécurité reste théorique, puisqu'il faut un intérêt à agir pour s'attaquer à un site de vente en ligne.
Il est peu probable qu'une personne ou une association investie de cet intérêt à agir poursuive un site réalisant simplement de la vente en ligne et restreignant ses mentions publicitaires à ce qui est autorisé dans les sites de vente en dur. En outre, il n'est nullement certain que cette éventuelle action en justice aboutisse à une condamnation.
Néanmoins, je comprends l'inquiétude des professionnels concernés, mais je tiens à les mettre en garde sur deux points. Une libéralisation non encadrée de la publicité en faveur de l'alcool sur Internet profiterait, en premier lieu, aux grands groupes industriels producteurs d'alcool. Leurs moyens publicitaires sont, en effet, plus importants que ceux dont dispose la filière viticole.
En outre, et surtout, il est primordial de protéger les jeunes, qui sont davantage utilisateurs d'Internet que leurs aînés et plus perméables à ces publicités. Alors que nous avons constaté une hausse de plus de 50 % des hospitalisations en pédiatrie pour ivresse aiguë entre 2004 et 2007, nous devons être extrêmement vigilants quant à la diffusion de la promotion de l'alcool sur Internet.
Pour lutter contre les alcoolisations massives répétées des sujets jeunes, nous devons utiliser toutes les armes dont nous disposons. Nous devons notamment continuer à encadrer la publicité dont l'impact sur les comportements d'alcoolisation est bien établi. Les techniques de promotion, telles que les liens sponsorisés, les " pops up " ou les " spams " ne doivent pas être un moyen détourné de promouvoir l'alcool et d'investir les sites pour les jeunes. La promotion doit se limiter au site institutionnel de vente, en y restreignant les mentions publicitaires à l'instar de ce qui est autorisé dans les lieux de vente en dur.
Sécuriser juridiquement la vente d'alcool en ligne, en respectant les contraintes de santé publique, c'est la mission du groupe de travail que nous avons installé avec mon collègue Michel Barnier, et dont les travaux ont commencé le 18 juin - une bonne date pour entamer des travaux. (Sourires.) J'attends de ce groupe de travail qu'il nous fasse des propositions concrètes pour sécuriser les sites de ventes en ligne, avant la fin de l'été. Il s'agit de faire émerger un choix consensuel, tenant compte des impératifs de santé publique et des intérêts économiques de la filière viticole. Je crois que c'est tout à fait possible et urgent ; j'ai donc demandé au groupe de travail d'aller vite.
M. le président. La parole est à M. Serge Poignant.
M. Serge Poignant. Je vous remercie, madame la ministre, de considérer cette question comme une urgence et une nécessité absolue pour les producteurs français.
Il est en effet nécessaire d'inscrire dans la loi, avec toutes les précautions que vous prenez pour éviter une trop large ouverture à la publicité, la possibilité de communiquer sur l'Internet. Je pense d'abord à la filière viticole : comment prévoir un plan de modernisation tout en l'exposant à des difficultés de communication ? Je rappelle que l'entreprise Microsoft elle-même refuse ces publicités pour des raisons de sécurité juridique. Il y a donc un vrai problème. Même si l'on peut penser que tel ou tel communicant ne serait pas poursuivi, encore faut-il qu'il ait accès à la communication en ligne.

UMP 13 REP_PUB Pays-de-Loire O