FICHE QUESTION
13ème législature
Question N° : 3740  de  M.   Ayrault Jean-Marc ( Socialiste, radical, citoyen et divers gauche - Loire-Atlantique ) QG
Ministère interrogé :  Premier ministre
Ministère attributaire :  Premier ministre
Question publiée au JO le :  14/12/2011  page : 
Réponse publiée au JO le :  14/12/2011  page :  8665
Rubrique :  Union européenne
Tête d'analyse :  politique économique
Analyse :  accord du 9 décembre 2011
DEBAT :

TRIPLE A DE LA FRANCE

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marc Ayrault, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
M. Jean-Marc Ayrault. Monsieur le Premier ministre, comme de nombreux Français, nous avons du mal à suivre le cap fixé par Nicolas Sarkozy dans la tempête européenne. Il y a quelques jours, vous avez qualifié le triple A de " trésor national ". Pour conserver la confiance des agences de notation, vous avez décidé deux plans d'austérité, multiplié les sommets et cédé à toutes les exigences posées par Mme Merkel, comme M. le ministre des affaires étrangères vient de le rappeler. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. - Protestations sur les bancs du groupe UMP.)
Or, voilà qu'hier le président-candidat déclare que, si la France perdait son triple A, " ce serait une difficulté de plus, mais pas insurmontable ". Quelle est votre cohérence ? Le président-candidat dit que " c'est une autre Europe qui est en train de naître ". Peut-être, mais ce n'est pas celle que les Français et les Européens attendent. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Aujourd'hui, ce ne sont plus seulement les salariés qui s'inquiètent de votre aveuglement, c'est la présidente des patrons italiens qui, ce matin, déplore une Europe qui ne jure plus que par l'austérité, au risque du ralentissement économique, voire de la récession. C'est encore elle qui exhorte la France à ne pas s'aligner sur l'Allemagne et à exiger des initiatives de croissance et la mise en place d'eurobonds.
Voilà ce que nos concitoyens et, plus largement, les Européens attendent de la France : une Europe nouvelle, plus solidaire, qui croie en son industrie, qui ose s'attaquer à la spéculation. Vous avez tourné deux fois le dos aux attentes populaires en oubliant tout volet démocratique, en optant pour l'austérité comme seul horizon. Cette nouvelle Europe que nous appelons de nos voeux ne peut pas naître de vos compromis nocturnes, à prendre ou à laisser. Cette Europe-là, ce n'est pas à vous d'en décider seuls, ce sera au peuple souverain de choisir son destin en mai 2012. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur quelques bancs du groupe GDR.)
Mme la présidente. La parole est à M. le Premier ministre.
M. François Fillon, Premier ministre. Madame la présidente, mesdames et messieurs les députés, monsieur le président Ayrault, je voudrais d'abord vous rassurer sur notre cap. Il est parfaitement simple : en 2011, nous respecterons strictement les engagements que nous avons pris. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Comme nous nous y sommes engagés, le déficit de notre budget sera alors de 5,7 %, puis de 4,5 % en 2012, pour parvenir à l'équilibre en 2016 - et non pas en 2017, comme j'entends déjà le candidat socialiste le proposer, se donnant une année de plus pour atteindre des objectifs qui, par ailleurs, nous engagent au niveau européen.
Nous avons anticipé la possibilité d'une baisse de croissance dans les pays de la zone euro, en gelant 6 milliards de crédits, et nous procéderons aux ajustements nécessaires, au vu non pas des prévisions de croissance, mais de la croissance réalisée trimestre après trimestre, comme nous l'avons fait d'ailleurs en 2011.
Si nous atteignons ces objectifs, c'est grâce à des mesures qui ont été prises et que les socialistes ont toujours combattues : c'est grâce à la révision générale des politiques publiques, qui a permis d'économiser 15 milliards d'euros (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. - Exclamations sur les bancs du groupe SRC), c'est grâce au non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux qui a permis de baisser de 150 000 les effectifs de la fonction publique d'État,...
M. Marcel Rogemont. Pour quel bénéfice ? Zéro !
M. François Fillon, Premier ministre. ...c'est grâce à la réforme des retraites, c'est grâce à l'ensemble de ces mesures que nous aurons, en 2012, pour la première fois depuis 1945, un budget de l'État en diminution.
Monsieur Ayrault, vous seriez plus crédible pour nous donner des leçons si vous aviez soutenu ces politiques et ces efforts.
M. Patrick Lemasle. Ces mauvaises politiques ?
M. François Fillon, Premier ministre. Mais les agences de notation ne pointent pas seulement les déséquilibres budgétaires. Elles pointent aussi le problème de la crédibilité de la zone euro. De ce point de vue, la réponse, c'est l'accord du 9 décembre, obtenu grâce à l'initiative franco-allemande, qui a réuni vingt-six pays de l'Union européenne sur vingt-sept.
M. Marcel Rogemont. C'est un accord germano-allemand !
M. François Fillon, Premier ministre. C'est un accord qui nous permet de nous doter enfin d'un gouvernement économique qui va pouvoir piloter cette convergence des politiques qui est seule à même d'assurer la pérennité de l'euro et la croissance. Il permettra peut-être aussi d'en arriver un jour à ces eurobonds que vous brandissez comme une sorte de pierre philosophale, alors que, vous le savez pertinemment, jamais le peuple allemand, gauche et droite confondues,...
M. Jean-Marc Ayrault. Ce n'est pas vrai !
M. François Fillon, Premier ministre. ...pas plus d'ailleurs que le peuple français, n'acceptera de financer la dette des autres pays européens sans avoir un droit de regard sur la mise en oeuvre de leur politique économique et sur leur endettement. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
La réponse, c'est une règle d'or qui a été approuvée par la plupart des partis socialistes européens, notamment par le parti socialiste allemand que vous êtes allé voir la semaine dernière. Cet accord, c'est le renoncement par l'Allemagne à l'implication des investisseurs privés dans la restructuration des dettes souveraines, alors même que la décision qui a été prise pour la Grèce a pesé lourd dans la crise financière actuelle.
Enfin, cet accord, c'est la mise en place d'un véritable Fonds monétaire européen, doté d'un système de fonctionnement à majorité qualifiée qui permettra d'éviter les blocages que nous avons connus.
Monsieur Ayrault, la meilleure façon de soutenir le triple A des pays européens, c'est de défendre l'accord du 9 décembre. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
Je l'ai dit, en prétendant qu'il allait pouvoir, à lui tout seul, le remettre en cause, le candidat socialiste ne s'est pas montré responsable. Chacun sait que c'est tromper les Français. Quand vingt-six pays, les uns gouvernés par la droite, les autres par la gauche, se sont mis d'accord sur des dispositions qui permettent d'assurer la pérennisation de l'euro, on ne prétend pas qu'on va les remettre en cause tout seul. D'ailleurs, vous devriez avoir de la mémoire. En 1997, M. Jospin et M. Strauss-Kahn étaient partis pour Bruxelles, la fleur au fusil, afin de remettre en cause le pacte de stabilité. Ils sont rentrés bredouilles (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP), et c'est normal, puisque, à l'époque, il y avait un consensus des pays européens pour mener cette politique.
Monsieur Ayrault, si vous voulez soutenir le triple A, c'est très simple : renoncez à votre funeste projet d'abrogation de la réforme des retraites, votez la règle d'or et, enfin, soutenez l'accord du 9 décembre. (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

S.R.C. 13 REP_PUB Pays-de-Loire O