DEBAT :
|
EXPORTATION DE MATÉRIELS DE SURVEILLANCE DE L'INTERNET M. le président. La parole est à M. Christian
Paul, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers
gauche. M. Christian Paul. Monsieur le Premier ministre, il
est désormais confirmé qu'au cours des dernières années, des entreprises
françaises ont vendu à des dictatures des matériels de surveillance de
l'Internet permettant d'intercepter le courrier électronique, de pister la
consultation des sites et de connaître l'usage fait par chacun des réseaux
sociaux. Ces armes électroniques sont à la fois des outils de guerre et des
outils de police. Dans ces dictatures, avec l'aide de la France et le soutien de
l'État, elles sont devenues des armes de basse police destinées à surveiller la
population et à espionner l'opposition, les journalistes et les avocats. Il
s'agit de l'un des plus scandaleux manquements aux valeurs démocratiques au
cours des années récentes. Pour la Libye du colonel Kadhafi, ces faits sont
prouvés. Une liste des opposants surveillés grâce à ce matériel français est
publique. Le rôle de M. Takieddine est cité dans la négociation de ces contrats,
et l'on sait quelles relations il a entretenues au sommet de l'État et de l'UMP.
(" Très bien ! " sur plusieurs bancs du groupe SRC. - Protestations sur
plusieurs bancs du groupe UMP.) En Syrie, où le pouvoir torture et
assassine, tout pousse à croire que ces technologies sont encore actives
aujourd'hui. Monsieur le Premier ministre, vous devez rendre des comptes
(Murmures sur les bancs du groupe UMP)... Mme Chantal
Bourragué. Assez ! M. Christian Paul. ...à la
représentation nationale, mais aussi à l'opinion mondiale et aux militants des
révolutions arabes. Dix questions parlementaires sont restées sans réponse de la
part du Gouvernement, et une commission d'enquête est demandée en vain à
l'Assemblée nationale. Pourquoi ce silence assourdissant ? Ces faits et cette
omerta abîment l'honneur de la France qui aurait dû, au contraire, soutenir les
cyberdissidents. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Que
savez-vous réellement de l'usage actuel ou passé de ces technologies de
surveillance de l'Internet, en particulier en Syrie ? Quelles autorisations
administratives ont été accordées ? (Exclamations sur les bancs du groupe
UMP.) M. Dino Cinieri. Et les écoutes de Mitterrand
? M. Christian Paul. À quel niveau le feu vert politique
a-t-il été donné ? Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un
mouvement populaire. Mitterrand ! M. Christian
Paul. Êtes-vous prêts à décider, dès aujourd'hui, d'un moratoire sur
ces exportations et, pour l'avenir, à encadrer strictement leurs ventes et leur
usage, à des États étrangers, mais aussi... M. le président.
Monsieur Paul, votre temps de parole est écoulé. La parole est à M. Gérard
Longuet, ministre de la défense et des anciens combattants. M. Gérard
Longuet, ministre de la défense et des anciens combattants.
Monsieur le député, en qualité de ministre de la défense, je me sens
l'obligation de m'efforcer de répondre à votre question... M.
Christian Paul. Votre responsabilité est en cause ! M.
Gérard Longuet, ministre. ...puisque vous semblez viser des
matériels de défense. La France est un pays parfaitement exemplaire pour ce
qui concerne l'exportation de ces matériels. M. Bernard
Roman. C'est faux ! M. Gérard Longuet, ministre.
De majorité en majorité, nous avons construit un dispositif qui permet de
n'autoriser les exportations, qu'elles soient le fait de grandes entreprises ou
de PME, que dans le cadre d'un contrôle extrêmement strict. Depuis 1939,
l'affaire n'est pas nouvelle, de CIEMG en CIEMG - je parle des commissions
interministérielles des exportations des matériels de guerre -, nous autorisons
ces exportations et nous contrôlons l'usage final du matériel. Vous posez une
question fondamentale car elle suppose l'existence d'un détournement d'emploi de
tel ou tel matériel. En ce qui concerne les télécommunications, force est de
reconnaître qu'à ce jour, aucune commission interministérielle des exportations
des matériels de guerre n'a été sollicitée en la matière. (Exclamations sur
les bancs du groupe SRC.) S'il y a eu détournement de l'emploi de ces
matériels, notre devoir est d'adapter l'administration des exportations des
matériels de guerre. Mais pouvons nous imaginer à tout instant quels
détournements peuvent avoir lieu ? (Exclamations sur les bancs du groupe
SRC.) Vous nous reprocherez bientôt de ne pas contrôler les exportations
alimentaires ou celles de biens de d'équipements - pour les vêtements des
troupes, par exemple. Ce n'est simplement pas possible. M. Bernard
Roman. Mais pour qui nous prenez-vous ? M. Gérard
Longuet, ministre. Dans le cas particulier, je tiens à la
transparence absolue : jamais la commission interministérielle n'a été
sollicitée. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. - Exclamations sur
les bancs du groupe SRC.) M. Bernard Roman. Monsieur
Guéant était au courant ! Il a signé ! M. Christian Paul.
Interrogez-le !
|