Texte de la QUESTION :
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M. Jean-Paul Bacquet attire l'attention de Mme la ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi sur l'avenir de l'entreprise Rio Tinto à Issoire. Il y a quelques années lors de l'OPA du groupe Alcan sur l'entreprise Péchiney, la ministre déléguée à l'industrie avait été interrogée sur les dangers encourus par les salariés de cette entreprise. Elle n'avait alors pas eu de mots assez apaisants pour rassurer les employés de cette usine et vanter les mérites de cette acquisition, allant même jusqu'à souligner : « l'engagement d'Alcan de faire de la France le coeur de ses activités aéronautiques ». Malheureusement tel ne fut pas le cas, puisqu'après la première mort du groupe Péchiney vendu 5 milliards de dollars au groupe canadien Alcan, celui-ci, bafouant ses engagements, a revendu le groupe 44 milliards de dollars à l'anglo-australien Rio Tinto. À la suite de l'entrée du groupe américain Alcoa et du groupe chinois Chinalco dans le capital de Rio Tinto, BHP-Biliton a engagé une OPA sur l'entreprise, proposant plus de 100 milliards d'euros pour son acquisition. Dans un tel contexte, l'inquiétude est grande de voir disparaître des secteurs entiers et des sites industriels implantés en France et en particulier le site d'Issoire. En 2003, l'ancien patron de Péchiney affirmait, lors de la première vente : « Péchiney ne sera pas une simple filiale, mais deviendra un grand pôle mondial du groupe à côté du Canada ». Rétrospectivement, ces propos s'avèrent particulièrement imprudents. Plus que jamais, l'inquiétude est grande parmi les salariés de Rio Tinto, ex-Alcan, ex-Péchiney. Derrière les opérations financières et capitalistiques répétées que les salariés viennent de subir, la menace d'un drame social, avec ses licenciements et ses délocalisations probables, se fait de plus en plus importante. Une rencontre avec des responsables du ministère de l'économie, de l'industrie et de l'emploi avait permis d'affirmer la volonté de suivre de près l'évolution du dossier et te tenir informés les parlementaires concernés, ce qui, outre la première entrevue, n'a pas été fait. Depuis, les salariés de l'entreprise, comme les élus du secteur d'Issoire, ne trouvent aucune lisibilité sur le devenir de l'usine d'Issoire. D'un coté, l'entreprise publie des annonces dans la presse pour l'embauche de 1 500 salariés, compagnons de maintenance, et de l'autre, des démissions de cadres et de responsables se succèdent. La rencontre avec le directeur du site local n'a pas levé les inquiétudes, bien que celui-ci se soit montré rassurant. Les craintes initiales ont été confortées avec la première mort de Péchiney ; les propos lénifiants rappelés ci-dessus ont été contredits dans les faits. Il lui demande donc d'indiquer quelles assurances elle entend apporter sur le maintien du site d'Issoire, car il ne serait pas acceptable que, dans le contexte actuel de spéculation et de faillite bancaire, les salariés et les élus n'aient droit à la transparence et à l'information.
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Texte de la REPONSE :
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AVENIR DE L'ENTREPRISE RIO TINTO À ISSOIRE M. le président. La parole est à M. Jean-Paul
Bacquet, pour exposer sa question, n° 382, relative à l'avenir de l'entreprise
Rio Tinto à Issoire. M. Jean-Paul Bacquet. Monsieur le
secrétaire d'État chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes
entreprises, du tourisme et des services, il y a quelques années, au moment de
l'OPA du groupe ALCAN sur l'entreprise Pechiney, j'avais interrogé votre
prédécesseur, Mme Nicole Fontaine, sur les dangers encourus par les salariés de
cette entreprise. Elle n'avait pas eu de mots assez apaisants pour rassurer les
employés de cette usine et vanter les mérites de cette acquisition, allant
jusqu'à souligner " l'engagement d'ALCAN de faire de la France le coeur de ses
activités aéronautiques ". Malheureusement, tel ne fut pas le cas : après la
première mort du groupe Pechiney, vendu 5 milliards de dollars au groupe
canadien ALCAN, celui-ci, bafouant la totalité de ses engagements, a revendu le
groupe 44 milliards de dollars à l'anglo-australien Rio Tinto. À la suite de
l'entrée du groupe américain ALCOA et du groupe chinois CHINALCO dans le capital
de Rio Tinto, BHP Billiton a engagé une OPA sur l'entreprise, proposant plus de
100 milliards d'euros pour son acquisition. Dans un tel contexte,
l'inquiétude est grande de voir disparaître des secteurs entiers et des sites
industriels implantés en France, et en particulier celui d'Issoire. En 2003, au
moment de la première vente, Jean-Pierre Rodier, ancien patron de Pechiney,
affirmait : " Pechiney ne sera pas une simple filiale, mais deviendra un grand
pôle mondial du groupe à côté du Canada. " Rétrospectivement, on mesure
combien ces propos étaient imprudents, pour ne pas dire irresponsables. De même,
on peut se demander si le Gouvernement, conscient des risques pour le devenir
économique de cette filière, ne cherchait pas, avec les déclarations de Mme
Fontaine, à se rassurer lui-même. Monsieur le secrétaire d'État, plus que
jamais, l'inquiétude est grande parmi les salariés de Rio Tinto, ex-ALCAN,
ex-Pechiney, en raison des opérations financières et capitalistiques répétées
qui font peser la menace d'un drame social, avec son cortège de licenciements et
de délocalisations, et qui fragilisent d'autant plus l'entreprise que les
repreneurs potentiels ne sont pas toujours des industriels, mais souvent des
banquiers plus intéressés par les plus-values à récupérer que par le devenir
industriel de l'entreprise. Or la vente est en cours, actuellement en phase
de prémarketing et bientôt de visite d'usine. Dans un secteur aéronautique très
porteur, étant donné la nécessité de renouveler les parcs d'avions et
l'ouverture à de nouveaux marchés, le site d'Issoire est particulièrement
opérationnel et performant. Il serait déplorable que la logique financière
l'emporte, dans le choix du repreneur, sur la logique industrielle. Monsieur
le secrétaire d'État, j'ai rencontré les responsables du ministère le 4 décembre
2007 : ils m'ont fait part de vos préoccupations et de votre volonté de suivre
de près l'évolution de ce dossier et se sont engagés à me tenir informé, ce qui,
depuis cette première entrevue, n'a pas été fait. Or, depuis, les salariés de
l'entreprise comme les élus du secteur d'Issoire, attachés à une entreprise
fondamentale pour le secteur, s'inquiètent de son devenir. Avec le maire
d'Issoire, nous avons rencontré le directeur du site local qui, bien que
rassurant sur l'activité, a reconnu que la période d'attente n'est favorable ni
à l'optimisation de la production ni à une bonne lisibilité de la stratégie
industrielle du groupe. Nos craintes initiales ont été confortées avec la
première mort de Pechiney : les propos lénifiants de M. Rodier et de Mme
Fontaine ont été contredits dans les faits. Aujourd'hui, quelles assurances et
informations pouvez-vous nous apporter sur le devenir industriel du site
d'Issoire et sur le maintien des emplois ? Au moment où chacun mesure combien
l'irresponsabilité des spéculateurs a des conséquences dramatiques sur
l'économie et l'emploi, vous comprendrez nos inquiétudes et nos
attentes. M. le président. La parole est à M. Hervé Novelli,
secrétaire d'État chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes
entreprises, du tourisme et des services. M. Hervé Novelli,
secrétaire d'État chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et
moyennes entreprises, du tourisme et des services. Monsieur le président,
mesdames et messieurs les députés, le groupe ALCAN, qui emploie plus de 15 000
personnes en France sur quarante-neuf sites, a fait l'objet d'une offre publique
d'achat amicale de la part du groupe anglo-australien Rio Tinto. Cette OPA a été
couronnée de succès. À cette occasion, le 4 octobre 2007, Rio Tinto a pris,
vis à-vis du Gouvernement français, des engagements précis quant à la pérennité
de l'activité de recherche et développement et à la sécurité d'approvisionnement
des industries aéronautiques et de défense à partir de sites français, comme
l'assure aujourd'hui la branche Produits usinés, et en particulier le site
d'Issoire. En novembre 2007, Rio Tinto a annoncé son intention de céder la
branche Produits usinés, qui emploie plus de 5 000 personnes en France sur
quatorze sites, dont 1 500 à Issoire. Ce dossier est suivi à Bercy avec une
extrême vigilance et le ministère entretient des contacts réguliers avec la
direction de Rio Tinto. Le projet de cession devra être soumis à l'accord du
ministre de l'économie, au titre du décret sur les investissements directs
étrangers dans des secteurs sensibles. Nous veillerons, dans ce cadre, à ce que
les solutions étudiées garantissent l'intégrité de la branche Produits usinés et
favorisent le développement de l'ensemble des activités. Les perspectives que
les projets présentés par Rio Tinto offriront aux activités liées à
l'aéronautique et à la défense seront, en tout état de cause, au coeur des
préoccupations du Gouvernement. Monsieur le député, votre souci est bien
légitime. Je m'engage à ce que vous puissiez obtenir les informations que vous
demandez sur cette cession et que vous soyez reçu au ministère comme il est
normal que vous le soyez. Il a en particulier été demandé que le site
d'Issoire soit explicitement couvert par les engagements pris par Rio Tinto. Ces
engagements s'appliqueront bien évidemment au repreneur de l'activité Produits
usinés. À ce sujet, je peux vous indiquer, sans trahir la nécessaire
confidentialité qui s'attache à ces cessions, que de nombreux repreneurs ont
manifesté auprès de Rio Tinto leur intérêt pour l'activité Produits usinés. Nous
en sommes actuellement à la phase de préparation avant la réception des offres.
Le choix du repreneur devrait être connu en fin d'année. M. le
président. La parole est à M. Jean-Paul Bacquet. M.
Jean-Paul Bacquet. Je vous remercie de cette réponse, monsieur le
secrétaire d'État, mais, hélas, elle n'est pas rassurante. La multiplication ces
dernières années des opérations de rachat - de Pechiney à Alcan puis Rio Tinto
et, désormais, BHP Billiton - est d'autant plus inquiétante que celles-ci sont
souvent dépourvues de toute motivation industrielle et s'apparentent davantage à
des manoeuvres spéculatives qui provoquent le démantèlement des entreprises.
C'est ainsi que la production de tôles minces cessera bientôt sur le site
d'Issoire. Il faut agir de toute urgence : la phase de préplacement est en
cours et la visite du site imminente. Ne restons pas captifs des seuls enjeux de
marché : les besoins en recherche sont considérables, dans les domaines des
matériaux composites et de l'aluminium-lithium, par exemple. Connaître
l'identité du repreneur est la condition pressante et nécessaire pour fournir
aux salariés des garanties quant au maintien de l'emploi sur le site. J'espère
que le Gouvernement suivra cette opération au plus près de sorte que la culture
industrielle l'emporte sur la spéculation financière !
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