FICHE QUESTION
13ème législature
Question N° : 399  de  M.   Candelier Jean-Jacques ( Gauche démocrate et républicaine - Nord ) QOSD
Ministère interrogé :  Économie, industrie et emploi
Ministère attributaire :  Économie, industrie et emploi
Question publiée au JO le :  02/12/2008  page :  10291
Réponse publiée au JO le :  03/12/2008  page :  8028
Rubrique :  emploi
Tête d'analyse :  politique de l'emploi
Analyse :  perspectives. Douaisis
Texte de la QUESTION : M. Jean-Jacques Candelier alerte Mme la ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi sur la situation de la crise de l'emploi dans le Douaisis. De nombreuses entreprises industrielles sont touchées. Il demande comment l'État compte intervenir pour maintenir les emplois et développer les filières de production.
Texte de la REPONSE :

SITUATION DE L'EMPLOI DANS LE DOUAISIS

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Candelier, pour exposer sa question, n° 399, relative à la situation de l'emploi dans le Douaisis.
M. Jean-Jacques Candelier. Madame la secrétaire d'État chargée du commerce extérieur, dans le Nord, l'arrondissement de Douai est particulièrement touché par la crise industrielle. Là-bas, l'industrie reste un secteur déterminant, avec 432 établissements et des dizaines de milliers de salariés.
Dans les années 70, l'installation dans le Douaisis de Renault et de l'Imprimerie nationale était motivée par la disparition des mines. Aujourd'hui, près de 20 000 emplois dépendent encore de l'usine Renault-Douai, la plus importante du groupe au plan mondial. Or, le niveau d'activité y est extrêmement préoccupant. Au total, le site aura fermé 88 jours en 2008. Bien entendu, cette fermeture forcée a des répercussions sur tout le secteur. Récemment, nous avons appris que la descente aux enfers allait continuer. Les opérateurs sur chaînes vont en effet se souhaiter de bonnes fêtes de fin d'année le soir du 11 décembre. Les premiers à reprendre le travail ne le feront que le 12 janvier. De même, un plan de suppression de 1 500 postes a été annoncé par la direction du site, sous forme de départs volontaires. Je vous le dis clairement, nous ne voulons pas d'un Vilvorde 2.
Dans les autres industries, les menaces sont également très précises et constituent une épée de Damoclès sur la tête des salariés.
Chez Inoplast, à Flers-en-Escrebieux, gros sous-traitant automobile, le chômage partiel est également d'actualité. Celui-ci est indemnisé à 50 % du taux horaire. On note également une chute vertigineuse du recours aux intérimaires. Les salariés qui n'ont pas la chance, comme à Renault, de prendre des congés forcés, y vont de leur poche.
Chez Oxford Automobile, à Douai, qui fait partie du groupe Wagon, la direction a demandé de recourir au chômage partiel pour les quatre prochains mois, pour un total de quarante-cinq jours chômés - 530 salariés de ce sous-traitant automobile sont concernés.
De la même manière, alors qu'il y a deux ans l'entreprise comptait 700 CDI et 250 intérimaires, on y recense aujourd'hui à peine 600 CDI et plus aucun intérimaire. Les salariés vont subir trois semaines de chômage partiel en décembre, puis deux chaque mois de janvier, février et mars.
Pour empêcher ces difficultés, le chômage technique n'est pas une solution de long terme. D'ailleurs, il n'est qu'une partie de l'iceberg. Les restructurations ne sont pas seulement conjoncturelles. Elles sont bien la conséquence d'une gestion d'entreprise entièrement aux mains des actionnaires. Par exemple, la situation de Renault est-elle due au manque de dynamisme du marché ou bien à la distribution de 1,2 milliard d'euros aux actionnaires ? Je penche pour la deuxième explication.
Même quand le marché se portait bien, cela n'a pas empêché les suppressions de postes massives, le site de Douai étant passé, en quelques décennies, de 10 000 à seulement 5 500 emplois à ce jour, alors que les profits sont toujours restés colossaux. Quel gâchis ! Voilà, selon moi, le fond du problème, et celui-ci n'est pas propre à cette entreprise. La crise remonte à loin ; elle ne date pas de cette année.
Toutefois, cela rend le volontarisme de l'État encore plus nécessaire. Maintenir les emplois et le pouvoir d'achat des salariés, relancer les filières de production par une véritable politique industrielle devraient être les seules préoccupations du Gouvernement. Or, je constate que son action est procyclique. Ainsi, à l'Imprimerie nationale de Flers-en-Escrebieux, 100 % publique, à cause d'une mauvaise gestion et bien que l'activité fiduciaire soit équilibrée et que les perspectives de développement soient au vert, il y a de nouvelles menaces de licenciements. Voilà le triste paysage industriel, madame la secrétaire d'État !
S'agissant de l'Imprimerie nationale, j'avais demandé au Gouvernement, le 24 octobre, une table ronde avec tous les acteurs. J'attends toujours une réponse.
Même si la situation de chaque entreprise est différente, puisque Nicolas Sarkozy a déclaré que l'État serait intraitable face aux restructurations sans rapport avec la crise, comptez-vous proposer un moratoire sur tout licenciement économique ?
Par ailleurs, si le chômage technique est parfois un moindre mal, l'État compte-t-il garantir à 100 % les revenus des salariés, à travers une augmentation de l'allocation spécifique ?
Enfin, dans l'optique du prochain plan massif de soutien à l'industrie et aux secteurs les plus touchés, qu'il vous appartient de détailler, ne pensez-vous pas, pour réellement développer l'emploi et améliorer les conditions de travail, qu'il est plus que temps d'instaurer un contrôle de la circulation de l'argent et de son utilisation par les salariés et les élus du personnel ?
M. le président. La parole est à Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d'État chargée du commerce extérieur.
Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d'État chargée du commerce extérieur. Monsieur le député, malheureusement, tout ce que vous dites sur la crise de l'industrie automobile, nous le constatons avec la lucidité et le besoin d'action qui dès lors s'imposent. La situation dans le bassin d'emploi du Douaisis est d'autant plus préoccupante que ce bassin minier s'est reconverti autour du secteur de l'automobile, grâce à l'implantation, en 1970, de l'usine Renault de Cuincy et d'un certain nombre de sous-traitants ou d'équipementiers que vous avez cités.
Pour autant, le Douaisis bénéficie d'importants atouts et de nombreux projets de développement sur lesquels il faut s'appuyer.
Ce bassin d'emplois comprend trente et une zones d'activités et plusieurs autres sont en projet ou en cours d'aménagement. La réalisation de nouvelles infrastructures, comme le Canal Seine-Nord ou encore le développement et la spécialisation de la gare de triage de Somain sur les matières dangereuses, débouchera sur de nouvelles perspectives de développement durable.
L'École des mines de Douai constitue le principal atout du territoire en matière de recherche scientifique et technique. Elle accompagne plus particulièrement des projets du domaine des éco-entreprises et de la maîtrise de l'énergie. C'est ainsi que Douaisis Technopole Environnement, agence de développement spécialisée vers les éco-entreprises, vise à faire du Douaisis un territoire clairement identifié et reconnu d'accueil et de développement des activités liées à l'environnement et au développement durable.
Par ailleurs, le Douaisis a obtenu son classement en ZFU. Dans le cadre des restructurations, plusieurs conventions de revitalisation pouvant entraîner la création de plusieurs centaines d'emplois sont en cours d'exécution.
Les pouvoirs publics dans la région Nord-Pas-de-Calais sont particulièrement mobilisés pour accompagner les mutations économiques de la filière automobile. Le préfet a rencontré les constructeurs en octobre 2008 et la DRIRE a réuni, le 7 novembre 2008, le comité de pilotage comprenant l'État, le conseil régional, et les représentants de l'industrie automobile, pour étudier l'adaptation des actions actuelles à la conjoncture ainsi que la nécessité de mettre en place de nouvelles actions.
Pour 2009-2011, le programme Asparance s'inscrit dans le cadre de la mise en place du pôle d'excellence automobile régional. Il a pour ambition de structurer la filière automobile en partageant la même vision de l'automobile et de permettre aux équipementiers de consolider leur compétitivité.
Au niveau national, dans le cadre de sa politique de soutien de l'activité et de sa politique industrielle - je reprends à dessein l'expression que vous avez employée, monsieur le député -, le Gouvernement, sous l'impulsion du Président de la République, a décidé de créer un fonds stratégique d'investissement, filiale de la Caisse des dépôts et consignations. Ce fonds, destiné à soutenir les entreprises françaises et leurs investissements, sera chargé du soutien de l'activité pendant la crise et des investissements sur le long terme, via notamment des prises de participations dans les entreprises stratégiques.
Nous réfléchissons à des mesures de relance, et le Président de la République a précisément choisi Douai pour les annoncer jeudi prochain, 4 décembre. Il n'est un secret pour personne que le secteur automobile en sera un bénéficiaire important, et ce afin d'y assurer les emplois aujourd'hui et les investissements demain.
Quant aux salariés malheureusement touchés par les difficultés actuelles, le Président de la République a annoncé l'extension du dispositif des CTP, les contrats de transition professionnelle, dispositif expérimenté depuis 2006, qui concernera vingt-cinq bassins d'emploi particulièrement touchés par la crise économique, contre sept actuellement. Il s'agit d'assurer à des salariés licenciés économiques un revenu de remplacement équivalant à 80 % du salaire brut pendant douze mois, et de leur faire bénéficier de mesures renforcées d'accompagnement et d'incitation au retour à l'emploi. Je ne puis préjuger, à ce stade, de la décision sur les nouveaux bassins qui bénéficieront du dispositif ; il est néanmoins clair que la situation du bassin du Douaisis justifie une attention particulière dans l'examen pour arrêter cette liste.
M. le président. La parole est à M. Jean Jacques Candelier.
M. Jean-Jacques Candelier. Merci de votre réponse, madame la secrétaire d'État.
Bien que faisant partie des nombreux invités de M. Sarkozy jeudi prochain à Douai, je n'ai pas eu l'honneur d'être sollicité pour l'élaboration de son discours. J'en ignore donc le contenu, mais je serais étonné qu'il réponde à mes légitimes préoccupations. Quoi qu'il en soit, je vous saurais gré de lui soumettre les pistes que je vous ai présentées : en cette période de fin d'année, il est peut-être permis de rêver !
J'attends toujours une réponse ferme sur l'organisation d'une table ronde au sujet de l'Imprimerie nationale. Quant au plan de soutien massif, dont on parle beaucoup, j'attends d'en savoir plus, mais je répète que celui-ci ne servira à rien s'il s'agit encore de donner des millions sans contrôle de l'État ou des salariés. Compte tenu de ce trou béant qu'est le marché financier, cela reviendrait à vouloir remplir une passoire. Il est donc absolument nécessaire d'instituer un droit d'intervention des salariés, entreprise par entreprise, dans le suivi et la mise en oeuvre du plan.

GDR 13 REP_PUB Nord-Pas-de-Calais O