Texte de la QUESTION :
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M. Michel Bouvard attire l'attention de Mme la secrétaire d'État chargée de l'écologie sur l'inadéquation des mesures prises pour faire face aux conséquences résultant de la présence du loup dans l'ensemble du massif alpin, et plus précisément sur les conséquences du recours aux chiens de protection des troupeaux, chiens patous. Le recours à ces chiens de protection est encouragé par le ministère à travers le plan d'action nationale sur le loup 2004-2008 ainsi que dans le nouveau « plan d'action sur le loup 2008-2012 dans le contexte français d'une activité importante et traditionnelle d'élevage ». Dans un contexte où la population de loups augmente chaque année de façon considérable - augmentation longtemps sous-estimée par le ministère - et où les mesures de contrôle de cette population sont inefficaces à la maîtriser, le recours aux chiens de protection apparaît en effet comme la mesure la plus efficace car elle permet souvent de dissuader les attaques du loup et de réduire le nombre de bêtes qu'il tue à chaque attaque. Il n'est cependant pas sans conséquences, en raison de la multiplication des incidents entre randonneurs ou promeneurs, notamment dans la vallée de la Maurienne où la présence du parc de la Vanoise concentre une clientèle familiale importante. Ces conséquences sont d'abord judiciaires. D'une part, les touristes attaqués engagent des procédures contre les éleveurs, qui se voient imposer ces chiens de protection du fait de la présence du loup et sont ensuite poursuivis en raison du comportement de ces chiens, comportement qui est pourtant la raison pour laquelle le ministère encourage leur utilisation. D'autre part, la récente loi sur les chiens dangereux a renforcé la responsabilité des élus locaux, qui ne peuvent pourtant interdire le recours à des chiens de protection rendus nécessaires par la présence du loup. Elles pèsent ensuite sur le tourisme et le pastoralisme lui-même. La multiplication des incidents crée un sentiment d'insécurité pour la clientèle estivale, maintenant officiellement mise en garde par le parc de la Vanoise ou les offices de tourisme. En conséquence, et alors même que le développement du tourisme estival est plus important que jamais pour les régions de montagne, la fréquentation touristique commence à souffrir de la présence de ces chiens. C'est notamment la découverte de l'activité traditionnelle qu'est le pastoralisme qui est menacée, renforçant l'isolement des bergers en même temps que la montagne, soumise à cette nouvelle contrainte, n'est plus un espace de liberté pour le visiteur avec la multiplication des lieux interdits pour sécurité. À ces égards, les solutions proposées, notamment par le programme « chiens de protection 2007-2008 », sont inadaptées. La « formation et l'information des différents acteurs », pas plus que la création d'un éventuel test permettant d'évaluer l'aptitude du chien à la protection et son agressivité potentielle vis-à-vis de l'homme, ne peuvent répondre à la contradiction qui constitue le coeur de ce problème : c'est en raison de leur caractère très protecteur, dissuasif, de leur force et de leur agressivité que les chiens de protection sont efficaces contre le loup ; c'est pour ces mêmes raisons que les incidents se multiplient. On ne peut guère répondre au second problème sans réduire leur efficacité quant au premier, à moins de multiplier les secteurs interdits aux touristes, à leur détriment et à celui du tourisme de montagne. Il souhaite donc connaître les dispositions qu'elle entend prendre, en collaboration avec les autres ministres concernés, sur trois points. D'une part, les mesures qu'il conviendra de prendre au regard de la perte de fréquentation touristique liée à la présence du loup, pour lesquelles il souhaite que soit mise en place une observation de la fréquentation touristique dans les zones à loups et à patous. D'autre part, les moyens qui sont envisagés pour assister les bergers et les élus locaux confrontés à des poursuites judiciaires liées à la présence de chiens de protection, présence subie. Enfin, il l'interroge à nouveau sur la mise en oeuvre de zones d'exclusion du loup dans les secteurs où sa présence crée des contraintes majeures.
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Texte de la REPONSE :
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CONSÉQUENCES DE LA PRÉSENCE DU LOUP DANS LE MASSIF ALPIN M. le président. La parole est à M. Michel
Bouvard, pour exposer sa question, n° 423, relative aux conséquences de la
présence du loup dans le massif alpin. M. Michel Bouvard. Ma
question s'adressait à Mme la secrétaire d'État chargée de l'écologie, mais, si
je comprends bien, M. Falco représente ce matin l'ensemble des ministères, y
compris celui de l'écologie. (Sourires.) Cette nuit, un loup a encore
décimé un troupeau dans le département des Alpes-de-Haute-Provence, dans la
circonscription de M. Spagnou. Monsieur le secrétaire d'État, ma question porte
non pas sur les problèmes posés directement par les loups, mais sur ceux posés
indirectement par les mesures prises pour les chiens de protection. Le
recours aux chiens patous a été encouragé par le ministère, à travers le plan
d'action nationale loup 2004-2008, ainsi que dans le nouveau plan d'action loup
2008-2012 dans le contexte français d'une activité importante et traditionnelle
d'élevage, notamment dans les territoires de montagne. La population de loups
augmente chaque année de façon considérable, et cette augmentation a longtemps
été sous-estimée par le ministère. Les mesures de contrôle de cette population
sont inefficaces, puisqu'il n'y pas de réelle régulation de la population de
loups. Les attaques se multiplient, singulièrement dans le département de la
Savoie. Elles sont de plus en plus lourdes à supporter pour les bergers. Le
recours aux chiens de protection apparaît, selon le ministère, comme la mesure
la plus efficace. Cependant, les chiens de protection posent également des
problèmes. Nous avons ainsi constaté une recrudescence des attaques non des
loups contre - les moutons, je viens d'y faire allusion -, mais des chiens de
protection contre les touristes. En effet, les randonneurs sont nombreux dans
les parties de la montagne traditionnellement ouvertes au public, comme le Parc
de la Vanoise. En se multipliant, ces attaques portent préjudice à l'image
touristique de la montagne estivale. On sait aujourd'hui, que l'information
circule très vite sur internet, dans les médias. On laisse accréditer l'idée
d'une montagne ouverte au tourisme familial devenue dangereuse du fait de la
présence des patous. Les touristes attaqués engagent des procédures contre
les éleveurs, auxquels on a imposé ces chiens de protection Les maires sont mis
en cause pour n'avoir pas suffisamment informé la population des risques
encourus par la fréquentation des zones d'élevage. Il en résulte un isolement
accru des éleveurs et des poursuites judiciaires à l'encontre des maires en
matière de responsabilité. La situation a atteint un paroxysme voici quelques
semaines. Un juge a parlé de " la caste des bergers " et a remis en cause
l'utilité des chiens patous, considérant que les éleveurs feraient mieux d'avoir
des ânes. Je n'avais pas attendu pour interroger le Gouvernement sur les
problèmes induits par les chiens de protection, et j'avais posé une question
écrite dans le Journal officiel du 28 septembre 2004, au ministre de
l'écologie. J'ai obtenu la réponse suivante un an plus tard, le 13 décembre 2005
: " Une étude portant sur les interactions entre patous et randonneurs, d'une
part, et la perception et le niveau de connaissance des promeneurs sur ces
chiens, d'autre part, a été réalisée en 2001 par un spécialiste de ce type de
chien. Cette étude a mis en évidence que les patous présentent une faible
réactivité vis-à-vis des promeneurs. Les cas de réaction les plus fréquents
semblent provoqués par le comportement des randonneurs, notamment lorsqu'ils
sont eux-mêmes accompagnés par des chiens. " Cet été, aucun des randonneurs
qui ont été victimes de ces attaques n'était accompagné de chiens. Les faits
démontrent, contrairement à l'étude du ministère, que la réactivité des patous
face aux randonneurs est réelle. Sinon, comment expliquer la multiplicité des
plaintes dans les offices du tourisme et leur accroissement devant les tribunaux
? Dans la vision idéaliste du patou, du berger et du randonneur qui est celle
du ministère de l'écologie,... M. le président. Monsieur
Bouvard, je vous prie de bien vouloir poser votre question. M.
Michel Bouvard. ...on a oublié d'informer la population des dangers.
J'en veux pour preuve la dernière publication des parcs nationaux destinée au
public qui les fréquentent. Elle n'évoque pas les dangers que peuvent
représenter les patous pour les randonneurs. Moyennant quoi les bergers et les
maires des communes se retrouvent en première ligne. M. le
président. La parole est à M. Hubert Falco, secrétaire d'État chargé de
l'aménagement du territoire, pour une réponse un peu plus courte que la
question. M. Hubert Falco, secrétaire d'État chargé de
l'aménagement du territoire. Monsieur le président, ce ne sera pas facile,
car la question est précise et longue. Comme vous le savez, monsieur Bouvard,
les questions d'aménagement du territoire concernent plusieurs ministères. Je me
dois donc de connaître l'ensemble des problèmes. Je vous prie de bien vouloir
excuser l'absence de Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, qui est actuellement en
déplacement. Je connais d'ailleurs très bien les problèmes de la montagne,
étant moi-même élu d'une région assez montagneuse. Vous interrogez le
Gouvernement sur les conséquences du retour du loup dans le massif alpin et,
plus précisément, sur les conséquences du recours aux chiens de protection des
troupeaux. Le loup est une espèce strictement protégée au titre de la
convention de Berne et de la directive n° 92/43/CEE dite directive Habitats.
Afin d'accompagner son retour naturel dans les Alpes françaises l'État, avec
l'aide de l'Union européenne, a mis à la disposition des éleveurs qui en font la
demande un ensemble de mesures de protection des troupeaux domestiques contre la
prédation. Pour améliorer la gestion du loup dans les départements alpins
concernés, voire dans d'autres départements, et pour anticiper les conséquences
de son expansion géographique, un nouveau plan d'action sur le loup pour la
période 2008-2012 a été élaboré par les ministères en charge de l'écologie et de
l'agriculture. Ce plan a fait l'objet d'un travail important de concertation
avec les parties concernées, notamment la profession agricole - les bergers - et
les élus, qui ont pu l'enrichir de leurs expériences et de leurs réflexions. Il
prévoit, en particulier, la poursuite de l'accompagnement des éleveurs en
matière de protection des troupeaux et d'indemnisation des dégâts. Ainsi que
vous le soulignez, monsieur le député, parmi les mesures de prévention contre la
prédation financées par l'État, les chiens de protection des troupeaux sont
reconnus comme très efficaces, par leur rôle primordial de dissuasion face aux
prédateurs qui menacent le troupeau. Toutefois la présence de ces chiens, dont
l'utilisation s'est accrue ces dernières années dans des zones de montagne
souvent fréquentées par les randonneurs ou promeneurs, suscite quelques
préoccupations, et cela est bien compréhensible. C'est pourquoi le nouveau
plan d'action sur le loup met l'accent sur la mise en oeuvre d'une politique
d'encadrement et de suivi du développement de cette mesure, afin de prévenir les
incidents avec les usagers de la montagne. Selon vous, toutes les voies de
travail identifiées à cet effet sont vaines car inadaptées, puisque
l'agressivité du chien vis-à-vis de l'homme serait liée à son efficacité
recherchée face au prédateur. Aucune corrélation de ce type n'a été établie à
ce jour. L'action de protection du chien est certes dissuasive, mais dissuader
n'est pas attaquer. C'est un ensemble de circonstances spécifiques, associées
souvent à des réactions mal adaptées face au comportement du chien, qui peuvent
parfois conduire aux incidents que vous évoquez avec les randonneurs ou
promeneurs. M. le président. Pourriez-vous vous acheminer
vers votre conclusion, monsieur le secrétaire d'État ? M. Hubert
Falco, secrétaire d'État. Les perspectives envisagées par le
Gouvernement, à savoir la consolidation des actions de sensibilisation des
usagers de la montagne, le renforcement de la formation proposée aux éleveurs et
aux bergers ainsi que la mise en oeuvre d'un test de comportement du chien, sont
de nature à apporter des réponses aux difficultés que vous soulevez
légitimement.
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