Texte de la REPONSE :
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LIMITATION DES HORAIRES D'ACCÈS AUX MACHINES À SOUS DES
CASINOS M. le président. La parole est à
Mme Michèle Delaunay, pour exposer sa question, n° 485, relative à la limitation
des horaires d'accès aux machines à sous des casinos. Mme Michèle
Delaunay. Monsieur le secrétaire d'État chargé de l'outre-mer,
permettez-moi de vous répondre que le retard pris par les travaux parlementaires
tient davantage à l'empilement de lois inutiles et socialement dangereuses qu'au
grand nombre d'amendements. Je ne veux pas en faire ici la liste, car ce serait
prendre encore plus de retard ! M. Albert Likuvalu. Très
bien ! Mme Michèle Delaunay. Je veux aujourd'hui parler des
casinos, et plus généralement des comportements aberrants et des
addictions. Il est au moins aussi important de s'intéresser à ces
comportements aberrants, au premier rang desquels les addictions, et de les
prévenir, que de sauvegarder la planète. Un rapport de l'INSERM, s'appuyant sur
quelque 1 250 publications scientifiques et la consultation de 250 experts
internationaux, dont un Bordelais de réputation internationale, vient de
confirmer, en trois points principaux, ce que les études antérieures avaient
montré. Premièrement, les machines à sous sont, parmi les jeux, ceux qui
suscitent le plus d'addictions, car ils agissent comme des drogues
chimiques. Deuxièmement, et c'est socialement très important, les personnes
qui s'adonnent à ces jeux sont, pour 41 % d'entre elles, des inactifs ayant des
revenus moyens ou très faibles. Ces personnes sont particulièrement vulnérables
aux risques d'addiction. Troisième point, d'ordre scientifique proprement
dit, et que l'on doit entendre dans toute sa gravité, le risque addictif est
proportionnel à l'offre, ce qui veut dire qu'il peut être prévenu. Cela signifie
également qu'il est proportionnel à la plage horaire d'exposition aux machines à
sous. Or nous savons que l'immense majorité, en tout cas la totalité des casinos
dont j'ai pu consulter les données, dont celui de Bordeaux, sont ouverts de dix
heures du matin à quatre heures du matin. Nul besoin de données scientifiques,
d'ailleurs, pour comprendre que quelqu'un qui se trouve, dès dix heures du
matin, dans l'atmosphère délétère d'un parc de machines à sous, est soumis à un
risque addictif et, d'autre part, qu'il est une personne vulnérable. Il est
aujourd'hui de la responsabilité des politiques de prévenir les ravages humains
causés par cette dangereuse activité. Demain, c'est aux médecins que l'on
demandera de trouver des traitements pour sauver ces malades. D'ores et déjà,
ceux-ci sont très nombreux dans les hôpitaux, en particulier à Bordeaux : je
pense notamment à l'hôpital psychiatrique Charles-Perrens, dont le service est
internationalement réputé, mais fort coûteux pour les finances publiques. Il
est donc de notre responsabilité d'envisager de réduire la plage horaire
d'exposition à ce risque. Vous comprendrez qu'il est tout à fait raisonnable de
demander que l'ouverture, au moins en semaine, ne se fasse qu'à partir de
dix-sept heures. J'ai fait cette proposition au maire de Bordeaux, qui m'a
répondu que sa municipalité ne pouvait donner l'exemple dans ce domaine, et que
ce problème concernait toutes les villes. J'ai été très déçue, car j'attendais,
de la part d'un maire, qu'il considère que sa ville se doive d'être exemplaire.
Mais il est vrai que cette question concerne toutes les villes et qu'elle relève
de la responsabilité du ministère de l'intérieur. Nous connaissons, nous,
médecins, des cas de suicides dus à cette addiction : aussi, je vous demande
solennellement de prendre en compte ce risque et de réglementer la plage horaire
d'ouverture des parcs de machines à sous et des casinos. M. le
président. La parole est à M. Yves Jégo, secrétaire d'État chargé de
l'outre-mer. M. Yves Jégo, secrétaire d'État chargé de
l'outre-mer. Madame la députée, depuis plusieurs années, une réflexion a été
engagée avec la profession des casinos pour promouvoir une politique de jeu
éthiquement responsable. Des mesures fortes de lutte contre l'addiction ont
été inscrites, notamment dans le protocole de janvier 2006 sur la promotion du
jeu responsable. La formation dispensée aux employés de jeux et aux
responsables de casinos leur apprend à identifier et aider les joueurs en
difficulté. Le directeur d'un casino a la possibilité d'inscrire un joueur
compulsif sur la liste des personnes à ne plus recevoir. Certains casinos
importants utilisent même les services de psychologues pour aider les joueurs
compulsifs. Le joueur peut lui-même demander volontairement au ministère de
l'intérieur son interdiction des salles de jeux, en application de l'arrêté du
14 mai 2007. Le nombre d'exclus volontaires a ainsi été multiplié par deux
depuis 2006, ce qui prouve que le dispositif fonctionne et produit ses effets.
Le nombre total d'exclus de jeux en 2008 est de 33 142 personnes. La
réduction de 40 % de la plage des horaires d'ouverture des machines à sous en
semaine, quand bien même elle aurait pour conséquence de limiter le temps de jeu
des joueurs compulsifs, serait une mesure illusoire, car elle ne les empêcherait
pas de se tourner vers d'autres formes de jeux, pratiquées sans aucun contrôle
ni accompagnement. Je pense notamment aux jeux en ligne via Internet, qui se
développent de plus en plus et sont susceptibles d'entraîner des dommages non
moins graves, le joueur se trouvant chez lui, isolé. Une telle mesure, qui se
veut vertueuse, ne ferait donc que pousser les gens à s'adonner à domicile à
leur pratique compulsive et solitaire, les éloignant encore plus de la
société. C'est pourquoi le Gouvernement n'envisage pas d'imposer une
modification des plages horaires d'ouverture des parcs de machines à sous, mais
reste pour autant très attentif et attaché à la politique de prévention, de
sensibilisation et de suivi des joueurs en difficulté. Il y a une action à mener
auprès des directions des casinos pour renforcer les efforts déjà faits en ce
sens. Mais ce n'est pas en isolant les joueurs - ce à quoi aboutirait votre
proposition -, en les laissant s'adonner au jeu, seuls, chez eux, que le
problème serait réglé. Je vous l'accorde, il faut trouver une solution globale à
cette question. Il y a un travail à poursuivre avec les autorités des jeux et
les responsables des casinos, pour trouver des solutions
efficaces. M. le président. La parole est à Mme Michèle
Delaunay. Mme Michèle Delaunay. Malheureusement, les mesures
prises sont fort peu efficaces, pour une raison simple : leur application est
laissée aux casinotiers, dont vous vous doutez que l'envie de limiter l'accès
aux jeux est nettement plus modéré que leurs gains ! Toutes les mesures
véritablement efficaces sont laissées de côté. Vous dites que ma proposition
vise à limiter l'accès des joueurs pathologiques. Non : je veux limiter le
nombre de joueurs qui le deviennent. Nous savons que les personnes inactives, à
faible revenu, sont les proies les plus faciles : la meilleure solution est donc
d'éviter qu'elles demeurent des journées entières devant les machines à
sous. Vous m'objectez que ces personnes pourront jouer en ligne. C'est aussi
notre responsabilité de limiter et de réglementer, plus sévèrement que cela
n'est envisagé, le jeu en ligne. Mais votre argument ne tient pas, car, dans
l'addiction, entre en ligne de compte l'impact physiologique de la machine à
sous, c'est-à-dire cette espèce d'excitation, de bruit, de jeu de lumière que
n'ont pas encore les jeux en ligne. Mais, je vous l'accorde, cela viendra. Dans
ce domaine, les gains sont considérables, et je rappelle au passage que 51 % de
leur montant tombe dans la poche de l'État, qui se conduit à cet égard en
véritable croupier, croyant renflouer son budget alors que, comme pour le tabac,
il devra dépenser en soins ce surplus de recettes. Je vous le dis avec la
gravité d'un médecin confronté à ce problème. Les véritables mesures ne sont pas
prises : limitation des plages horaires d'ouverture, éloignement des casinos des
lieux fréquentés par des populations socialement vulnérables, comme c'était le
cas autrefois. Les casinos ne pouvaient s'implanter que dans les lieux de
villégiature. Franchement, voir les cheiks arables dépenser leur argent à Monaco
ne soulève pas mon indignation ! Enfin, il faudrait indiquer sur chaque
machine combien d'argent y est perdu chaque jour, au lieu de faire figurer
seulement le gain qu'elles ont occasionnellement généré.
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