FICHE QUESTION
13ème législature
Question N° : 485  de  Mme   Delaunay Michèle ( Socialiste, radical, citoyen et divers gauche - Gironde ) QOSD
Ministère interrogé :  Intérieur, outre-mer et collectivités territoriales
Ministère attributaire :  Intérieur, outre-mer et collectivités territoriales
Question publiée au JO le :  13/01/2009  page :  149
Réponse publiée au JO le :  14/01/2009  page :  250
Rubrique :  jeux et paris
Tête d'analyse :  casinos
Analyse :  lutte contre l'addiction
Texte de la QUESTION : Mme Michèle Delaunay attire l'attention de Mme la ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales sur l'ouverture des casinos. L'INSERM a publié en juillet 2008 un rapport sur « Les jeux de hasard et d'argent. Contextes et addictions ». Ce rapport, établi sur la base de 1250 publications, réunit 28 experts français dont un Bordelais de réputation internationale, auteur d'un ouvrage référentiel sur les addictions, le Professeur Michel Le Moal. Ce rapport confirme que : le jeu comporte un fort risque d'addiction et que les machines à sous sont de ce point de vue les plus dommageables ; les utilisateurs de machines à sous sont pour 41 % d'entre eux, des personnes sans activité à faibles revenus, et cette population est exposée plus que d'autres aux risques addictogènes, Il confirme aussi que le risque est proportionnel à l'offre (proximité et nombre de machines à sous). On comprend aisément que la « plage horaire d'exposition » constitue un facteur complémentaire de risque. Il est donc aujourd'hui indispensable de considérer la possibilité d'une réduction de la plage horaire d'ouverture des machines à sous pour l'ensemble des casinos. Les heures d'ouverture sont actuellement de 10h à 4h du matin, donc particulièrement propices à attirer des personnes sans activité vulnérables et il paraît pertinent de réduire cette fourchette horaire à 17h-4h, à l'exception du samedi et du dimanche. Elle a proposé le mois dernier au maire de Bordeaux d'oeuvrer en ce sens pour le casino de Bordeaux. L'exception du week-end montre le caractère très mesuré de sa proposition. M. le président de la République et Mme la ministre Roselyne Bachelot disent vouloir faire de la prévention une priorité. Elle lui demande aujourd'hui quelles mesures elle compte prendre au niveau national pour que chaque casino français réduise sa plage horaire d'ouverture de machines à sous et contribue ainsi à réduire les comportements addictogènes. Il s'agirait là de mesures justes et efficaces, de santé publique et surtout de prévention, qui iraient dans le sens des intentions déclarées.
Texte de la REPONSE :

LIMITATION DES HORAIRES D'ACCÈS
AUX MACHINES À SOUS DES CASINOS

M. le président. La parole est à Mme Michèle Delaunay, pour exposer sa question, n° 485, relative à la limitation des horaires d'accès aux machines à sous des casinos.
Mme Michèle Delaunay. Monsieur le secrétaire d'État chargé de l'outre-mer, permettez-moi de vous répondre que le retard pris par les travaux parlementaires tient davantage à l'empilement de lois inutiles et socialement dangereuses qu'au grand nombre d'amendements. Je ne veux pas en faire ici la liste, car ce serait prendre encore plus de retard !
M. Albert Likuvalu. Très bien !
Mme Michèle Delaunay. Je veux aujourd'hui parler des casinos, et plus généralement des comportements aberrants et des addictions.
Il est au moins aussi important de s'intéresser à ces comportements aberrants, au premier rang desquels les addictions, et de les prévenir, que de sauvegarder la planète. Un rapport de l'INSERM, s'appuyant sur quelque 1 250 publications scientifiques et la consultation de 250 experts internationaux, dont un Bordelais de réputation internationale, vient de confirmer, en trois points principaux, ce que les études antérieures avaient montré.
Premièrement, les machines à sous sont, parmi les jeux, ceux qui suscitent le plus d'addictions, car ils agissent comme des drogues chimiques.
Deuxièmement, et c'est socialement très important, les personnes qui s'adonnent à ces jeux sont, pour 41 % d'entre elles, des inactifs ayant des revenus moyens ou très faibles. Ces personnes sont particulièrement vulnérables aux risques d'addiction.
Troisième point, d'ordre scientifique proprement dit, et que l'on doit entendre dans toute sa gravité, le risque addictif est proportionnel à l'offre, ce qui veut dire qu'il peut être prévenu. Cela signifie également qu'il est proportionnel à la plage horaire d'exposition aux machines à sous. Or nous savons que l'immense majorité, en tout cas la totalité des casinos dont j'ai pu consulter les données, dont celui de Bordeaux, sont ouverts de dix heures du matin à quatre heures du matin. Nul besoin de données scientifiques, d'ailleurs, pour comprendre que quelqu'un qui se trouve, dès dix heures du matin, dans l'atmosphère délétère d'un parc de machines à sous, est soumis à un risque addictif et, d'autre part, qu'il est une personne vulnérable.
Il est aujourd'hui de la responsabilité des politiques de prévenir les ravages humains causés par cette dangereuse activité. Demain, c'est aux médecins que l'on demandera de trouver des traitements pour sauver ces malades. D'ores et déjà, ceux-ci sont très nombreux dans les hôpitaux, en particulier à Bordeaux : je pense notamment à l'hôpital psychiatrique Charles-Perrens, dont le service est internationalement réputé, mais fort coûteux pour les finances publiques.
Il est donc de notre responsabilité d'envisager de réduire la plage horaire d'exposition à ce risque. Vous comprendrez qu'il est tout à fait raisonnable de demander que l'ouverture, au moins en semaine, ne se fasse qu'à partir de dix-sept heures.
J'ai fait cette proposition au maire de Bordeaux, qui m'a répondu que sa municipalité ne pouvait donner l'exemple dans ce domaine, et que ce problème concernait toutes les villes. J'ai été très déçue, car j'attendais, de la part d'un maire, qu'il considère que sa ville se doive d'être exemplaire. Mais il est vrai que cette question concerne toutes les villes et qu'elle relève de la responsabilité du ministère de l'intérieur. Nous connaissons, nous, médecins, des cas de suicides dus à cette addiction : aussi, je vous demande solennellement de prendre en compte ce risque et de réglementer la plage horaire d'ouverture des parcs de machines à sous et des casinos.
M. le président. La parole est à M. Yves Jégo, secrétaire d'État chargé de l'outre-mer.
M. Yves Jégo, secrétaire d'État chargé de l'outre-mer. Madame la députée, depuis plusieurs années, une réflexion a été engagée avec la profession des casinos pour promouvoir une politique de jeu éthiquement responsable.
Des mesures fortes de lutte contre l'addiction ont été inscrites, notamment dans le protocole de janvier 2006 sur la promotion du jeu responsable.
La formation dispensée aux employés de jeux et aux responsables de casinos leur apprend à identifier et aider les joueurs en difficulté.
Le directeur d'un casino a la possibilité d'inscrire un joueur compulsif sur la liste des personnes à ne plus recevoir. Certains casinos importants utilisent même les services de psychologues pour aider les joueurs compulsifs. Le joueur peut lui-même demander volontairement au ministère de l'intérieur son interdiction des salles de jeux, en application de l'arrêté du 14 mai 2007. Le nombre d'exclus volontaires a ainsi été multiplié par deux depuis 2006, ce qui prouve que le dispositif fonctionne et produit ses effets. Le nombre total d'exclus de jeux en 2008 est de 33 142 personnes.
La réduction de 40 % de la plage des horaires d'ouverture des machines à sous en semaine, quand bien même elle aurait pour conséquence de limiter le temps de jeu des joueurs compulsifs, serait une mesure illusoire, car elle ne les empêcherait pas de se tourner vers d'autres formes de jeux, pratiquées sans aucun contrôle ni accompagnement. Je pense notamment aux jeux en ligne via Internet, qui se développent de plus en plus et sont susceptibles d'entraîner des dommages non moins graves, le joueur se trouvant chez lui, isolé. Une telle mesure, qui se veut vertueuse, ne ferait donc que pousser les gens à s'adonner à domicile à leur pratique compulsive et solitaire, les éloignant encore plus de la société.
C'est pourquoi le Gouvernement n'envisage pas d'imposer une modification des plages horaires d'ouverture des parcs de machines à sous, mais reste pour autant très attentif et attaché à la politique de prévention, de sensibilisation et de suivi des joueurs en difficulté. Il y a une action à mener auprès des directions des casinos pour renforcer les efforts déjà faits en ce sens. Mais ce n'est pas en isolant les joueurs - ce à quoi aboutirait votre proposition -, en les laissant s'adonner au jeu, seuls, chez eux, que le problème serait réglé. Je vous l'accorde, il faut trouver une solution globale à cette question. Il y a un travail à poursuivre avec les autorités des jeux et les responsables des casinos, pour trouver des solutions efficaces.
M. le président. La parole est à Mme Michèle Delaunay.
Mme Michèle Delaunay. Malheureusement, les mesures prises sont fort peu efficaces, pour une raison simple : leur application est laissée aux casinotiers, dont vous vous doutez que l'envie de limiter l'accès aux jeux est nettement plus modéré que leurs gains !
Toutes les mesures véritablement efficaces sont laissées de côté. Vous dites que ma proposition vise à limiter l'accès des joueurs pathologiques. Non : je veux limiter le nombre de joueurs qui le deviennent. Nous savons que les personnes inactives, à faible revenu, sont les proies les plus faciles : la meilleure solution est donc d'éviter qu'elles demeurent des journées entières devant les machines à sous.
Vous m'objectez que ces personnes pourront jouer en ligne. C'est aussi notre responsabilité de limiter et de réglementer, plus sévèrement que cela n'est envisagé, le jeu en ligne. Mais votre argument ne tient pas, car, dans l'addiction, entre en ligne de compte l'impact physiologique de la machine à sous, c'est-à-dire cette espèce d'excitation, de bruit, de jeu de lumière que n'ont pas encore les jeux en ligne. Mais, je vous l'accorde, cela viendra. Dans ce domaine, les gains sont considérables, et je rappelle au passage que 51 % de leur montant tombe dans la poche de l'État, qui se conduit à cet égard en véritable croupier, croyant renflouer son budget alors que, comme pour le tabac, il devra dépenser en soins ce surplus de recettes. Je vous le dis avec la gravité d'un médecin confronté à ce problème. Les véritables mesures ne sont pas prises : limitation des plages horaires d'ouverture, éloignement des casinos des lieux fréquentés par des populations socialement vulnérables, comme c'était le cas autrefois. Les casinos ne pouvaient s'implanter que dans les lieux de villégiature. Franchement, voir les cheiks arables dépenser leur argent à Monaco ne soulève pas mon indignation !
Enfin, il faudrait indiquer sur chaque machine combien d'argent y est perdu chaque jour, au lieu de faire figurer seulement le gain qu'elles ont occasionnellement généré.

S.R.C. 13 REP_PUB Aquitaine O