Texte de la REPONSE :
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PRÉSERVATION DE L'HÔTEL LAMBERT DANS LE 4E ARRONDISSEMENT DE
PARIS M. le président. La parole est à Mme
Martine Billard, pour exposer sa question, n° 576, relative à la préservation de
l'hôtel Lambert dans le 4e arrondissement de Paris. Mme Martine
Billard. Madame la ministre de la culture et de la communication,
l'hôtel Lambert, situé 2 rue Saint-Louis-en-l'Île, et 1 quai d'Anjou, dans le 4e
arrondissement de Paris, est un hôtel particulier classé monument historique.
Chef-d'oeuvre de jeunesse de Louis Le Vau, avec la collaboration des architectes
Le Brun et Le Sueur, c'est le seul hôtel de la fin du règne de Louis XIII
parvenu pratiquement intact jusqu'à nous. Les remaniements successifs n'ont
jamais altéré ni sa distribution ni l'authenticité de sa structure. Or ce
bâtiment exceptionnel fait l'objet d'un projet pour le transformer en résidence
de grand luxe. La commission du vieux Paris s'est émue de l'étendue du programme
de transformations qui prévoit une vingtaine de chambres dotées d'ascenseurs,
d'autant de salles de bain et d'une climatisation. Ce projet sacrifie les
distributions anciennes et certaines dispositions architecturales originelles.
Il entraîne le percement de trémies dans les planchers et de saignées dans les
maçonneries, au risque d'endommager les décors et les structures. La
commission du vieux Paris a également protesté contre la dépose des menuiseries
extérieures, datant du XVIIe au XXe siècle, et contre la réalisation de vastes
locaux techniques sous la cour et le jardin, en particulier d'un parking dont la
sortie sur le quai d'Anjou affecterait le soubassement des immeubles du quai,
site inscrit au patrimoine mondial de l'UNESCO. Devant la mobilisation des
associations et l'opposition du maire de Paris, quelques améliorations très
insuffisantes ont été apportées. L'économie générale du projet reste en effet
notoirement incompatible avec la préservation de cet élément patrimonial
majeur. La commission nationale des monuments historiques a conditionné sa
réalisation à certaines recommandations imposant des restrictions afin de
préserver le bâtiment et, notamment, sa décoration intérieure. Le problème de la
climatisation de l'hôtel demeure toutefois non résolu. Son installation
porterait évidemment atteinte à l'intégrité des boiseries et huisseries sans
compter les dégâts ultérieurs qu'elle pourrait provoquer. De plus, ce serait une
aberration environnementale contraire au Grenelle de l'environnement. Madame
la ministre, comptez-vous suivre les propositions de la commission nationale des
monuments historiques et vous opposer à la mise en place d'une climatisation
ainsi qu'à la surélévation du mur d'enceinte ? La préservation de ce monument
l'exige comme celui du droit de l'urbanisme dans l'Île
Saint-Louis. M. le président. La parole est à Mme Christine
Albanel, ministre de la culture et de la communication. Mme Christine
Albanel, ministre de la culture et de la communication. Madame
la députée, l'hôtel Lambert est en effet un véritable joyau, classé en totalité
au titre des monuments historiques sur la fameuse liste de 1862 des premiers
édifices français protégés. Le nouveau propriétaire de cet hôtel privé,
rappelons-le, a défini son projet de restauration avec, évidemment, un
architecte en chef. Ce projet doit ensuite être approuvé par le ministère de la
culture. Dans le cas précis, j'ai souhaité, comme me le permet la loi,
prendre moi-même la décision au lieu de la laisser au directeur régional des
affaires culturelles afin de disposer d'un délai d'un an, temps nécessaire à une
instruction approfondie. J'ai demandé à ce qu'un comité scientifique restreint
soit créé pour orienter les choix de restauration et assurer le suivi même de
ces opérations. Ce comité, composé notamment de grands universitaires historiens
de l'art et qui comprend également Jacques Thuillier et Alain Mérot, s'est déjà
réuni à cinq reprises depuis le dépôt de la demande d'autorisation de travaux en
août 2008 et joue un rôle important dans la vérification de chacune des
propositions de restauration. Je rappelle en outre que l'architecte en chef
est M. Alain-Charles Perrot, qui a mené la restauration d'un monument de
première importance, comme l'hôtel de la marine. L'étude préalable établie
par M. Alain-Charles Perrot a abouti à un document de plus de quatre mille pages
qui a servi de base au travail de réflexion des différents spécialistes qui ont
eu à intervenir au cours de l'instruction de ce dossier. Tout a été mis en
oeuvre pour que celle-ci soit conduite avec une grande rigueur et dans l'intérêt
de la conservation du patrimoine. Beaucoup d'informations très fantaisistes
ont circulé sur ce dossier. On a dit par exemple qu'on allait créer douze
salles de bain, quatre ascenseurs et qu'un parking allait déstabiliser le
monument. Or, je le rappelle, les douze salles de bain existent déjà, aucune
autre ne va être créée ; elles seront simplement rénovées. L'hôtel Lambert n'est
pas un musée qu'on transforme en habitation. C'était déjà une habitation,
constituée d'ailleurs d'éléments assez disparates. La rénovation va se faire
dans les règles de l'art. De même, trois ascenseurs existent déjà. Le
propriétaire a simplement demandé qu'on étudie la possibilité d'en ajouter un
quatrième. C'est la seule demande importante qu'il ait formulée. Ce quatrième
ascenseur a fait l'objet de beaucoup d'attention. Nous avons demandé et obtenu
qu'il préserve un plafond remarquable et un escalier du XIXe dû à l'architecte
Lassus. Enfin, le parking n'est plus creusé sous le jardin, avec sortie quai
d'Anjou, comme cela avait été un temps envisagé. Il occupera un volume
disponible sous la cour, avec sortie rue Saint-Louis-en-l'Île. J'ajoute enfin
que la restauration de la galerie d'Hercule, qui est un vrai joyau, sera confiée
aux mêmes équipes que celles qui ont dirigé la restauration de la galerie
d'Apollon au Louvre, et de la galerie des glaces à Versailles. Ce sont
aujourd'hui les meilleures dans la restauration de Le Brun. Je les connais pour
avoir travaillé de très près avec elles. Après ce long et nécessaire travail
de mise au point du projet définitif de restauration, la commission nationale
des monuments historiques, que j'avais saisie comme il est d'usage pour un tel
monument, a examiné l'ensemble du dossier le 9 mars dernier et n'a pas hésité à
apporter à l'unanimité un avis favorable au projet de restauration, reprenant
ainsi les conclusions des inspecteurs généraux rapporteurs du dossier. Les
préconisations données seront suivies avec attention. Dans les jours qui
viennent, après que la ville de Paris aura donné un avis au titre du code de
l'urbanisme, on prendra une décision sur l'autorisation sollicitée par le
propriétaire en prenant largement en compte l'ensemble des observations
formulées par la commission. Compte tenu de toutes les précautions dont on
s'entoure, j'aimerais conclure sur l'opportunité qui s'ouvre pour cet hôtel, qui
était vraiment en mauvais état. L'actuel propriétaire l'a ouvert largement
et beaucoup de journalistes ont pu en rendre compte. La voûte même de
l'exceptionnelle galerie peinte de Charles Le Brun présente des fentes de
plusieurs centimètres. Cette restauration, dont le coût avoisinera les 30
millions d'euros, constitue donc une chance importante pour l'hôtel Lambert.
C'est l'occasion de voir traiter de nouveau un hôtel particulier dans ses
fonctions inchangées de grands volumes de vie. Je le répète, jusqu'à une date
fort récente, l'hôtel Lambert était divisé en plusieurs espaces d'habitation
assez disparates. Tout cela pour dire que nous prêtons la plus grande
attention à cette restauration qui donnera un résultat dont chacun pourra se
féliciter, y compris les spécialistes. M. le président. La
parole est à Mme Martine Billard. Mme Martine Billard. La
réhabilitation est en effet une bonne chose. Heureusement, cependant, que la
mobilisation a empêché la réalisation de certaines modifications prévues dans le
projet initial. La commission a rendu un avis à l'unanimité, avec quelques
réserves, néanmoins. C'est sur ces dernières que je souhaitais avoir plus de
précisions, notamment sur la création d'une salle de bain au-dessus de la très
célèbre galerie d'Hercule peinte par Charles Le Brun, et sur la surélévation du
mur d'enceinte. Il semble que cela ne soit plus d'actualité. Si les réserves
de la commission nationale des monuments historiques sont levées, on pourra se
retrouver sur un beau projet, pour lequel il aura toutefois fallu se battre afin
d'éviter quelques désastres.
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