Texte de la REPONSE :
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CONDITIONS DE MISE SUR LE MARCHÉ DES HERBICIDES M. le président. La parole est à Mme
Marie-Hélène des Esgaulx, pour exposer sa question, n° 5, relative aux
conditions de mise sur le marché des herbicides. Mme Marie-Hélène des
Esgaulx. Je souhaite attirer l'attention de M. le ministre d'État,
ministre de l'écologie, du développement et de l'aménagement durables, sur les
conditions de mise sur le marché de certains produits chimiques, notamment
herbicides. Une étude de l'IFREMER a révélé dans le bassin d'Arcachon un taux
alarmant d'Irgarol, une substance biocide utilisée notamment dans les peintures
antisalissure des bateaux. Même à de très faibles doses, cette substance à
propriétés herbicides peut avoir des effets particulièrement ravageurs sur le
milieu végétal marin, en particulier sur le phytoplancton, qui est la base de
toute la chaîne alimentaire de l'écosystème, ainsi que sur les herbiers de
zostères qui sont un maillon primordial du fonctionnement du bassin d'Arcachon.
Sa dégradation dans le milieu est très lente et sa rémanence est amplifiée dans
les milieux semi-fermés, comme les eaux du bassin d'Arcachon. Estimant que
cette substance devrait purement et simplement être interdite à la
commercialisation, je demande au Gouvernement d'exiger des industriels, à tout
le moins, la déclaration de la composition exacte de leurs produits et un
étiquetage précis à destination des consommateurs. Enfin, une procédure
d'autorisation de mise sur le marché, à l'instar de celle s'appliquant aux
médicaments, ne serait-elle pas envisageable pour ces substances
particulièrement toxiques et qui s'accumulent dans le milieu naturel ? Une telle
démarche en direction de tous les pesticides me semble constituer une
application raisonnable du principe de précaution pour préserver l'avenir des
écosystèmes aquatiques et des nappes phréatiques. L'inventaire des substances
chimiques qui sera réalisé dans les prochains mois en application du règlement
communautaire REACH doit être aussi, me semble-t-il, l'occasion d'un
renforcement des règles de mises sur le marché et de dispersion de toutes les
formes de biocides. M. le président. La parole est à Mme la
secrétaire d'État chargée de l'écologie. Mme Nathalie
Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État chargée de l'écologie.
Madame des Esgaulx, je vais m'efforcer de répondre avec précision à la
question très bien documentée que vous venez de poser. Vous avez fait part
de votre inquiétude relative au taux inquiétant d'Irgarol relevé par l'IFREMER
dans le bassin d'Arcachon. L'Irgarol est, je le rappelle, un produit biocide
antisalissure appliqué sur les coques des bateaux afin d'éviter le développement
des algues. Cet algicide de la famille des triazines - un nom qui évoque
plusieurs produits frappés d'interdiction - vient en remplacement des produits
antifouling à base de composés organostanniques interdits d'usage par décret du
2 octobre 1992, sauf pour quelques applications très spécifiques. La mise sur
le marché de l'Irgarol est, comme c'est le cas pour toutes les substances
biocides, encadrée par le code de l'environnement dans sa partie législative
ainsi que par le décret du 26 février 2004 relatif à la mise sur le marché des
produits biocides, transposant la directive européenne 98/8 visant à assurer un
niveau de protection élevé de l'homme, des animaux et de l'environnement. Il
s'agissait de ne mettre sur le marché que des produits biocides efficaces et ne
présentant pas de risques inacceptables pour l'homme et pour
l'environnement. La procédure d'autorisation de mise sur le marché de
produits biocides se décompose en deux étapes et est assez similaire à celle
employée pour les produits phytopharmaceutiques. Tout d'abord, les
substances actives biocides sont évaluées suivant un programme de travail
communautaire en quatre grandes vagues. Cette évaluation aboutit ou non à
l'inscription des substances actives sur des listes communautaires de substances
actives autorisées. Dans un second temps, seuls les produits contenant des
substances actives inscrites sur les listes communautaires peuvent, après
instruction, obtenir l'autorisation de mise sur le marché au niveau national,
l'autorisation étant délivrée par mon ministère. La substance active de
l'Irgarol, le cybutryn, a bien été notifiée par le producteur pour le type
d'usage 21 - c'est-à-dire produit antisalissure - et est en cours d'évaluation
par les Pays-Bas depuis avril 2006. La procédure étant communautarisée,
l'évaluation conduite par les Pays-Bas vaut aussi pour nous. Dans l'attente de
son éventuelle inscription sur les listes positives, ce type de produit n'est
pas encore soumis à autorisation de mise sur le marché en France, ce qui
signifie - assez curieusement, j'en conviens - qu'il peut être librement mis en
vente sur le territoire. Compte tenu du caractère potentiellement toxique de
l'Irgarol pour les organismes aquatiques, je veillerai à ce que mes services
examinent avec la plus grande attention le rapport d'évaluation néerlandais pour
cette substance, qui devrait être soumis à l'ensemble des États membres de
l'Union au plus tard avant fin 2009 - ce qui, j'en conviens également, n'est pas
suffisamment tôt. Dans cette attente, les services du ministère procéderont
prochainement à un nouvel examen des conditions d'utilisation de ce produit et
de son impact environnemental - tant sur la faune que sur la flore aquatique -
dans les marinas ou les bassins à faible renouvellement d'eau, c'est-à-dire là
où se pose le problème. Par ailleurs, et sans attendre une éventuelle
autorisation de mise sur le marché, le fabricant de ce produit biocide est dans
l'obligation de l'étiqueter. En application de l'article 10 de l'arrêté du 19
mai 2004, l'identité de la substance active biocide contenue dans ce produit
doit obligatoirement figurer sur l'étiquette d'un produit biocide contenant de
l'Irgarol. S'agissant d'une préparation dite dangereuse, les phrases de risque
et les conseils de prudence doivent également y figurer. Par ailleurs, le
fabricant est tenu de fournir à l'INRS les informations relatives à ce produit,
notamment sa composition chimique, à des fins de toxicovigilance. Enfin, tout
ceci ne saurait préjuger des décisions relatives aux produits chimiques qui
pourraient être prises à l'issue de la table ronde finale du Grenelle de
l'environnement qui doit se tenir dans quelques semaines, puisqu'il a été très
explicitement envisagé de sortir du marché dans un délai de deux ans certaines
substances particulièrement dangereuses, et de diviser par deux l'impact de
l'utilisation des autres dans un délai de cinq ans. M. le
président. La parole est à Mme Marie-Hélène des Esgaulx. Mme
Marie-Hélène des Esgaulx. Je vous remercie de votre réponse, madame la
secrétaire d'État. La toxicité de la molécule de l'Irgarol nous renvoie à la
crise ostréicole de la fin des années 70, qui avait été provoquée par les sels
d'étain - les TBT - présents dans les peintures antifouling, ce qui explique que
nous soyons particulièrement sensibilisés à ces questions. On trouve aujourd'hui
dans le bassin d'Arcachon des produits commercialisés portant la mention "
hautement toxique dans l'eau ", et il nous paraît donc nécessaire d'aller
beaucoup plus loin que la simple mesure d'étiquetage que vous proposez. C'est en
tout cas le souhait du bassin d'Arcachon, qui a toujours été exemplaire en
matière d'environnement - et même pionnier dans certains domaines, puisque nous
sommes le premier centre naisseur d'Europe - et qui espère être destinataire des
études qui seront menées. Nous nous félicitons que la cohabitation se passe pour
le mieux, dans notre bassin, entre les ostréiculteurs et les plaisanciers. Ce ne
sont pas ces derniers qui sont montrés du doigt, mais, plus en amont, les
industriels, à qui il revient de régler le problème.
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