Texte de la QUESTION :
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M. Yvan Lachaud attire l'attention de M. le ministre des affaires étrangères et européennes sur la nécessité de mener une action politique ambitieuse pour faire enfin avancer le vaste chantier engagé pour la réhabilitation des sépultures des cimetières français de la région ouest d'Algérie. Il y va de notre devoir de mémoire. Si l'on peut considérer que la question est réglée à Oran même, n'oublions pas qu'il y a encore 162 cimetières en Oranie, dont l'état de délabrement est un affront fait à nos morts, affront que notre pays doit de toute urgence réparer. Nous savons bien que l'État ne se désintéresse pas de cette question, puisque de 2005 à 2008, 1 500 000 euros ont été consacrés aux cimetières d'Algérie, surtout dans l'Algérois et à Bône. Il serait également souhaitable que les collectivités territoriales s'investissent davantage, et là aussi c'est le rôle de l'État de les y inciter. Dans ce sens, il serait utile de créer une mission ministérielle ou une mission d'information à l'Assemblée nationale, composée de députés de tous bords. Il s'agirait pour ces parlementaires de se rendre sur place, d'écouter les associations, notamment le collectif Sauvegarde des cimetières d'Oranie, et de faire un état des lieux des travaux restant à effectuer, impliquant notamment une planification et une budgétisation de ces travaux. Il s'agira notamment de veiller à ce que, chaque fois qu'un cimetière sera regroupé, une stèle soit édifiée sur place, où les noms de famille des défunts seraient inscrits. La France s'honorerait également en prenant la décision, qui en revanche nécessite l'intervention de son collègue à la défense, d'édifier une stèle en l'honneur des victimes, civiles et militaires, disparues le 5 juillet 1962 et les jours précédents, tuées à Oran et dans ses faubourgs. Cette stèle, édifiée dans le cimetière militaire d'Oran dit du « Petit lac », permettrait d'honorer les nombreuses victimes de ces jours funestes, dont un bon nombre ont été enterrées en fosse commune : près de 3 000 personnes, enlevées, disparues, sans compter les milliers de harkis. Il est temps que la lumière soit faite sur ces disparitions, pour aider leurs familles à retrouver la paix, ainsi que le président de la République s'y était d'ailleurs engagé en 2007, par écrit auprès des associations. La France doit aller jusqu'au bout de son travail de mémoire. Aujourd'hui, en 2009, il est plus que temps de cicatriser les blessures de notre passé. Il souhait connaître l'intention du Gouvernement sur ce sujet qui touche à notre mémoire et à notre histoire nationale.
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Texte de la REPONSE :
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RÉHABILITATION DES CIMETIÈRES FRANÇAIS EN ALGÉRIE M. le président. La parole est à M. Philippe
Vigier, pour exposer la question n° 641 de M. Yvan Lachaud, relative à la
réhabilitation des cimetières français en Algérie. M. Philippe
Vigier. Madame la secrétaire d'État chargée des affaires étrangères et
des droits de l'homme, je souhaite, au nom d'Yvan Lachaud, appeler l'attention
du Gouvernement sur une action importante : la réhabilitation des sépultures
dans les cimetières français de la région ouest d'Algérie. Il y va de notre
devoir de mémoire. Si la question a été bien réglée à Oran même, il ne faut pas
oublier qu'il reste 162 cimetières en Oranie, dont l'état de délabrement est un
affront fait à nos morts - affront que notre pays doit de toute urgence
réparer. Il est vrai que l'État a déjà fait beaucoup d'efforts, puisque, de
2005 à 2008, 1,5 million d'euros ont été consacrés aux cimetières d'Algérie,
surtout ceux de l'Algérois et de Bône. Il serait également souhaitable que les
collectivités territoriales s'investissent davantage ; là encore, c'est le rôle
de l'État que de les y inciter. En ce sens, il serait utile de créer une
mission ministérielle ou une mission d'information à l'Assemblée nationale,
composée de députés de l'ensemble des formations politiques. Il s'agirait pour
ces parlementaires de se rendre sur place, d'écouter les associations, notamment
le collectif " Sauvegarde des cimetières d'Oranie ", et de faire un état des
lieux des travaux restant à effectuer - ce qui implique notamment une
planification et une budgétisation de ces travaux. Il s'agira notamment de
veiller à ce que, chaque fois qu'un cimetière sera regroupé, une stèle soit
édifiée sur place, où les noms de famille des défunts puissent être
inscrits. D'autre part, la France s'honorerait en édifiant une stèle en
l'honneur des victimes, civiles et militaires, disparues le 5 juillet 1962 et
les jours précédents, tuées à Oran et dans ses faubourgs. Cette stèle, édifiée
dans le cimetière militaire d'Oran dit du " Petit lac ", permettrait d'honorer
les nombreuses victimes de ces jours dramatiques, dont un bon nombre ont été
enterrées en fosse commune - il s'agit de près de 3 000 personnes. Il est temps
que la lumière soit faite sur ces disparitions, pour aider leurs familles à
retrouver la paix, ainsi que le président de la République s'y était d'ailleurs
engagé en 2007, par écrit, auprès des associations. La France doit aller
jusqu'au bout de son travail de mémoire. Aujourd'hui, en 2009, il est plus
qu'urgent de cicatriser les blessures de notre passé. Nous souhaitons connaître
l'intention du Gouvernement sur ce sujet qui touche à notre mémoire et à notre
histoire nationale. M. le président. La parole est à Mme
Rama Yade, secrétaire d'État chargée des affaires étrangères et des droits de
l'homme. Mme Rama Yade, secrétaire d'État chargée des
affaires étrangères et des droits de l'homme. S'agissant du plan d'action et
de coopération relatif aux sépultures françaises en Algérie, je souhaiterais
vous indiquer que, depuis la visite d'État du Président de la République en
2003, un ambitieux plan d'action et de coopération a été engagé en faveur des
sépultures civiles françaises en Algérie, afin que soit préservée, comme vous le
souhaitez aussi, la mémoire des nombreux Français qui y ont vécu et y ont été
inhumés. Ce plan prévoit l'entretien et la réhabilitation des sépultures, et,
quand la réhabilitation n'est plus possible, leur regroupement. L'État
s'était, à l'origine, engagé à consacrer un million d'euros à la mise en oeuvre
du plan. À la fin de l'année 2009, il aura dépensé près du double. De 2005 à
2008, le budget consacré à ce plan s'est élevé à plus de 1,5 million d'euros.
Pour 2009, 430 000 euros lui sont à nouveau consacrés. L'Oranie n'a pas été
oubliée. Près de 60 % des crédits ouverts pour 2009 sont dédiés aux seuls
cimetières d'Oranie ; les regroupements restant à effectuer concernent
principalement cette région. La réouverture du consulat général de France à Oran
en 2007 a permis d'accélérer les travaux en cours. À terme, quatre cimetières -
Oran-Tamashouet, Mascara, Relizane et Saïda - doivent regrouper vingt-deux
cimetières de la circonscription. Le regroupement des restes mortels de 7 430
sépultures au cimetière de Tamashouet a été achevé le 14 mars 2009 ; il
constitue l'opération la plus importante effectuée jusqu'à présent. Le plan
d'action devrait s'achever en 2010. Notre ambassade à Alger a commencé à
travailler à l'établissement, en coordination avec les autorités algériennes,
d'un nouveau plan d'action, qui pourrait concerner jusqu'à 135
cimetières. Pour répondre à votre question concernant une enceinte de
concertation au sujet des cimetières, permettez-moi de vous indiquer que les
opérations d'entretien, de réhabilitation et de regroupement sont pilotées par
les consulats généraux, en liaison directe avec les associations de rapatriés -
qu'elles soient présentes sur place ou qu'elles se rendent régulièrement en
Algérie - et bien entendu, en coordination avec les autorités algériennes. Des
visites sont organisées conjointement avec les associations de sauvegarde de
cimetières, et leur apport, en termes d'archives et de recensement, est très
précieux pour mener à bien le plan d'action. En outre, la mission
interministérielle aux rapatriés suit avec la plus grande attention la situation
des cimetières, en liaison étroite avec les partenaires institutionnels
concernés. Elle relaie auprès du ministère des affaires étrangères et
européennes les attentes exprimées par les familles, les élus et les
associations de rapatriés. Enfin, s'agissant de l'idée d'une stèle
commémorative aux disparus au cimetière d'Oran dit du Petit Lac, le massacre du
5 juillet 1962 figure effectivement parmi les pages les plus sombres de la
guerre d'Algérie et de la brève période qui a suivi l'indépendance. La France se
doit de rendre à ces victimes l'hommage qui leur est dû. Nous le leur devons,
comme nous le devons à tous ceux qui ont été privés d'un proche, d'un frère,
d'une mère, d'un enfant dont ils n'ont pas pu faire le deuil. Comme vous
l'indiquiez, le Président de la République déclarait en décembre 2007 qu'il nous
faudrait un jour évoquer dans un esprit d'apaisement, avec les autorités
algériennes, le sort des civils disparus, dans leur très grande majorité, dans
les derniers mois de la souveraineté française en Algérie ou peu après
l'indépendance. Ce dialogue, nous sommes aujourd'hui en train de l'établir,
en évoquant, progressivement, avec nos partenaires algériens, la nécessaire
réciprocité du travail de mémoire commencé entre nos deux pays. Dans le cadre
de ce dialogue, il conviendra, en accord avec les autorités algériennes, de
trouver le moyen de manifester notre hommage aux victimes disparues par des
gestes symboliques à l'exemple de celui que vous suggérez. M. le
président. La parole est à M. Philippe Vigier. M. Philippe
Vigier. Je vous remercie de votre écoute, madame la secrétaire d'État.
J'ai bien noté l'accélération financière du programme de réhabilitation des
cimetières - près de deux millions d'euros lui auront été consacrés : cela
témoigne d'un geste politique très fort. La capacité d'écoute vis-à-vis des
familles et des associations concernées permettra l'accomplissement, dans de
bonnes conditions, de ce devoir de mémoire.
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