Texte de la REPONSE :
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CRISE DE LA VITICULTURE DANS L'AUDE M. le président. La parole est à M. Jacques
Bascou, pour exposer sa question, n° 653, relative à la crise de la viticulture
dans l'Aude. M. Jacques Bascou. Monsieur le ministre de
l'agriculture et de la pêche, j'appelle votre attention sur le véritable plan de
licenciements qui affecte le Midi viticole et, particulièrement, le département
de l'Aude. En cette période de crise économique mondiale, la disparition de
milliers d'emplois dans le milieu rural fait moins de bruit que la fermeture
d'entreprises industrielles, sans doute parce qu'elle touche les producteurs les
uns après les autres de manière continue depuis cinq ans. Ces emplois sont
ceux des propriétaires et des salariés des exploitations, mais aussi des caves
coopératives ou des entreprises liées à la viticulture. Entre 2001 et 2008,
selon les chiffres qui m'ont été fournis par la Mutualité sociale agricole, 946
chefs d'exploitation ont disparu et, parmi les salariés, 604 employeurs et 5 249
employés ont perdu leur travail. Autres chiffres : sur les cinq dernières
années, les demandes d'arrachage ont porté sur 38 566 hectares en
Languedoc-Roussillon, dont 12 873 pour l'Aude, département le plus touché. La
perte de la moitié du vignoble depuis vingt ans a eu de lourdes conséquences
économiques et sociales. En outre, toujours selon la MSA, 80 % des
viticulteurs, qu'il soient actifs ou retraités, ont un revenu inférieur au seuil
de pauvreté, et, en 2008, 205 chefs d'exploitations audois ont été éligibles au
RMI. Les vignerons, comme d'autres secteurs agricoles, ont souhaité
bénéficier d'une aide à l'hectare au moyen des droits à paiement unique. Jamais
la viticulture n'a eu accès a des aides compensatoires, comme ce fut par exemple
le cas de la culture céréalière. Ces aides, que la profession n'a jamais
demandées dans le passé, seraient aujourd'hui une solution temporaire non
négligeable pour les viticulteurs du Midi. À l'instar des efforts consentis
en faveur des éleveurs, à qui a été redistribuée une partie des fonds
initialement destinés aux céréaliers, il convient d'aider la viticulture afin
d'atténuer l'impact social et économique de la crise ainsi que l'impact
environnemental, tant le département, qui mise sur le tourisme, voit ses
paysages dévalorisés par l'extension des friches agricoles. Quelles mesures
le Gouvernement entend-il prendre ? M. le président. La
parole est à M. Michel Barnier, ministre de l'agriculture et de la
pêche. M. Michel Barnier, ministre de l'agriculture et de
la pêche. Je vous remercie, monsieur Bascou, de me permettre, par votre
question très précise, de faire le point sur les difficultés de la viticulture,
notamment dans le département de l'Aude. Soyez assuré que je mesure pleinement
l'ampleur de ces difficultés que rencontrent les viticulteurs depuis plusieurs
années, et de façon accrue avec la crise actuelle. Depuis deux ans nous avons
mobilisé de nombreux moyens, à la fois conjoncturels et structurels, pour
soutenir les viticulteurs ; au plan conjoncturel, plusieurs mesures ont été
prises, dont ont pu bénéficier ceux de Languedoc-Roussillon : aides aux
agriculteurs en difficulté ; exonérations au cas par cas, comme les
professionnels m'en avaient fait la demande, de la taxe sur le foncier non bâti
; prise en charge totale ou partielle des cotisations sociales des exploitations
les plus en difficulté par la caisse de la mutualité sociale agricole, que je
remercie. J'ai d'ailleurs accordé en février dernier une enveloppe
complémentaire de 375 000 euros pour les quatre départements viticoles de
Languedoc-Roussillon, au titre du plan d'urgence pour les allégements de charges
financières. Quatrième mesure : l'adoption, dans le cadre de la loi de
modernisation de l'économie, d'une disposition rendant obligatoire le versement
d'un acompte de 15 % au moment de la signature du contrat, ainsi que d'une
réduction du délai de paiement, conformément à une demande elle aussi formulée
par les organisations professionnelles avant l'examen de ce texte. Enfin, comme
toutes les entreprises de moins de dix salariés, les viticulteurs bénéficieront,
pour toute nouvelle embauche en 2009, du plan " Zéro charge " que le
Gouvernement a mis en place pour relancer l'économie et l'emploi. Nous avons
également engagé des mesures plus structurelles : un plan de modernisation sur
cinq ans de la viticulture française a été élaboré avec l'ensemble de la filière
à l'issue d'une longue concertation - je puis en témoigner. Sa mise en oeuvre
est aujourd'hui largement entamée : les conseils de bassin ont été constitués ;
le Conseil supérieur de l'oenotourisme a été installé le 3 mars dernier ;
l'actualisation de la réglementation relative à la publicité des vins sur
l'Internet, dossier que j'ai suivi de près avec Roselyne Bachelot, est en cours
avec l'examen du projet de loi sur la réforme de l'hôpital. Nous avons par
ailleurs obtenu, dans le cadre de la réforme de l'organisation commune du marché
vitivinicole à la fin de 2007, des mesures pour améliorer la compétitivité de la
filière, tout en préservant les outils de gestion des marchés : 172 millions
d'euros ont ainsi été alloués à la France en 2008 pour la restructuration du
vignoble, les investissements en entreprise et la promotion de nos vins dans les
pays tiers. Cette enveloppe atteindra 280 millions d'euros en
2012. S'agissant des droits à paiement unique pour la viticulture, je veux
vous rappeler, pour être tout à fait franc, que les responsables professionnels
du secteur n'avaient pas souhaité, dans le cadre de la nouvelle OCM, les voir
attribués à l'hectare de vigne : c'est donc en accord avec eux que les sommes
concernées ont été affectées à des actions structurantes d'avenir, touchant à
l'investissement, à la promotion et à la recherche. Les représentants des
professionnels ont d'ailleurs confirmé ce choix pour 2010 dans le cadre de la
mise en oeuvre du bilan de santé de la politique agricole commune. Enfin,
conformément au souhait du Président de la République, nous avons pris deux
mesures afin de revaloriser les plus petites retraites agricoles - sujet
important pour les viticulteurs comme pour l'ensemble du monde agricole -, à
commencer par la garantie d'un montant minimum de retraite. Cette mesure
s'applique depuis le 1er janvier 2009 aux 197 000 retraités ayant au moins 22,5
années de carrière. Elle sera étendue en janvier 2011 à ceux qui justifient de
17,5 années de carrière, soit 35 000 personnes. Seconde mesure : la réversion
aux veuves de la retraite complémentaire obligatoire acquise à titre gratuit par
leur conjoint, qui s'appliquera à partir du 1er janvier 2010 et concernera 88
683 personnes. Voilà, monsieur le député, ce que je voulais vous dire au
sujet des aides aux viticulteurs. Nous accompagnons ces derniers depuis deux
ans, non seulement au jour le jour en cette période de crise, mais aussi, à
travers les efforts de modernisation et de promotion des vignobles, afin de
préparer l'avenir de ce secteur essentiel pour l'économie nationale et celle de
votre région. M. le président. La parole est à M. Jacques
Bascou, pour une courte intervention. M. Jacques Bascou.
Elle le sera, monsieur le président. Je ne répondrai que sur les mesures
conjoncturelles qui, comme vous l'avez reconnu, monsieur le ministre, sont
insuffisantes : en témoigne l'enveloppe complémentaire de 375 000 euros. Les 6
millions d'euros prévus au titre de l'exonération de la taxe sur le foncier non
bâti ont, eux, été ramenés à 3 millions, ce qui n'est évidemment pas sans
conséquences. Vous avez également évoqué les retraites agricoles ; or, la
spécificité des carrières en Languedoc-Roussillon est d'être souvent mixtes, de
sorte que la plupart des retraités sont exclus de vos mesures. De manière
plus générale, le problème est la concurrence déloyale faite au vignoble
languedocien, à seulement soixante kilomètres de distance, en Espagne, où l'on
utilise des produits phytosanitaires interdits en France ; les coûts de main
d'oeuvre et d'exploitation y sont également plus faibles, sans parler des
problèmes du coupage des vins. Je sais que, sur ce sujet, vos positions ne sont
pas celles de la Commission européenne, mais les dispositions concernées
résultent d'un accord que celle-ci a signé en 2006 avec les États-Unis pour
autoriser les coupages, le mouillage, l'adjonction d'arômes et d'autres
technologies non reconnues par l'Organisation internationale de la vigne et du
vin. Enfin, s'agissant des DPU, il existe non pas une, mais des viticultures
; il est vrai que les viticulteurs de Languedoc-Roussillon n'avaient pas
sollicité ces droits à une époque, mais ceux-ci pourraient aujourd'hui être
utiles. Les sommes en jeu ne sont guère élevées et, parmi les viticulteurs
français, seuls ceux de Languedoc-Roussillon se montrent intéressés. Cela
aiderait leur trésorerie, laquelle en a bien besoin actuellement ; mais nous
aurons peut-être l'occasion de reprendre ce débat. M. le
président. Je rappelle à chacun que, selon les nouvelles dispositions
du règlement, le temps imparti pour chaque question est de six minutes : deux
minutes pour poser la question, deux autres minutes pour la réponse, puis, le
cas échéant, deux minutes pour affiner les conclusions. Je vous demande donc,
mes chers collègues, d'être plus concis, faute de quoi ceux d'entre nous qui
souhaitent s'exprimer ne pourront pas le faire. Vous connaissez mon attachement
à la liberté d'expression des parlementaires et à la qualité des réponses
ministérielles. Il est donc de l'intérêt de nos concitoyens comme du nôtre que
chacun fasse un effort.
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