FICHE QUESTION
13ème législature
Question N° : 653  de  M.   Bascou Jacques ( Socialiste, radical, citoyen et divers gauche - Aude ) QOSD
Ministère interrogé :  Agriculture et pêche
Ministère attributaire :  Agriculture et pêche
Question publiée au JO le :  28/04/2009  page :  3927
Réponse publiée au JO le :  06/05/2009  page :  3948
Rubrique :  agriculture
Tête d'analyse :  viticulture
Analyse :  aides de l'État
Texte de la QUESTION : M. Jacques Bascou appelle l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de la pêche sur le plan de licenciements silencieux qui détruit des milliers d'emplois dans le midi viticole et particulièrement dans le département de l'Aude. Ces emplois disparaissent avec moins de bruit que des usines qui ferment parce qu'ils touchent le monde rural. Ce sont ceux des vignerons qui voient casser leur outil de travail par la politique d'arrachage définitif, mais aussi ceux des salariés des caves coopératives et de l'ensemble du tissu économique licenciés suite à la baisse de l'activité viticole. En 2008, plus de 70 % des demandes françaises d'arrachage ont été déposées en Languedoc-Roussillon. Cette région a déjà perdu la moitié de son vignoble en vingt ans. Elle est encore aujourd'hui la plus affectée par les derniers programmes d'arrachage mais aussi celle où la situation des vignerons est la plus difficile. En Languedoc-Roussillon, l'Aude est le département le plus touché. Sur cinq campagnes les demandes d'arrachages ont été de 38 566 hectares sur la région, dont 12 873 dans l'Aude. L'Aude est un département rural pauvre. Selon la MSA, « 80 % des viticulteurs ont des revenus en-dessous du seuil de pauvreté ». La situation de nombre de retraités agricoles est pire encore, en raison des textes réglementaires. Les vignerons en activité qui souffrent de la crise demandent à pouvoir bénéficier de l'aide à l'hectare (DPU) attribuée à d'autres secteurs agricoles. La crise du vin hypothèque l'avenir de vastes territoires dans l'Aude. Aussi, il lui demande quelles mesures le Gouvernement compte mettre en place pour atténuer l'impact social de la crise du vin pour les vignerons audois en difficultés, mais aussi les retraités, et les salariés du secteur viticole.
Texte de la REPONSE :

CRISE DE LA VITICULTURE DANS L'AUDE

M. le président. La parole est à M. Jacques Bascou, pour exposer sa question, n° 653, relative à la crise de la viticulture dans l'Aude.
M. Jacques Bascou. Monsieur le ministre de l'agriculture et de la pêche, j'appelle votre attention sur le véritable plan de licenciements qui affecte le Midi viticole et, particulièrement, le département de l'Aude. En cette période de crise économique mondiale, la disparition de milliers d'emplois dans le milieu rural fait moins de bruit que la fermeture d'entreprises industrielles, sans doute parce qu'elle touche les producteurs les uns après les autres de manière continue depuis cinq ans.
Ces emplois sont ceux des propriétaires et des salariés des exploitations, mais aussi des caves coopératives ou des entreprises liées à la viticulture. Entre 2001 et 2008, selon les chiffres qui m'ont été fournis par la Mutualité sociale agricole, 946 chefs d'exploitation ont disparu et, parmi les salariés, 604 employeurs et 5 249 employés ont perdu leur travail. Autres chiffres : sur les cinq dernières années, les demandes d'arrachage ont porté sur 38 566 hectares en Languedoc-Roussillon, dont 12 873 pour l'Aude, département le plus touché. La perte de la moitié du vignoble depuis vingt ans a eu de lourdes conséquences économiques et sociales.
En outre, toujours selon la MSA, 80 % des viticulteurs, qu'il soient actifs ou retraités, ont un revenu inférieur au seuil de pauvreté, et, en 2008, 205 chefs d'exploitations audois ont été éligibles au RMI.
Les vignerons, comme d'autres secteurs agricoles, ont souhaité bénéficier d'une aide à l'hectare au moyen des droits à paiement unique. Jamais la viticulture n'a eu accès a des aides compensatoires, comme ce fut par exemple le cas de la culture céréalière. Ces aides, que la profession n'a jamais demandées dans le passé, seraient aujourd'hui une solution temporaire non négligeable pour les viticulteurs du Midi.
À l'instar des efforts consentis en faveur des éleveurs, à qui a été redistribuée une partie des fonds initialement destinés aux céréaliers, il convient d'aider la viticulture afin d'atténuer l'impact social et économique de la crise ainsi que l'impact environnemental, tant le département, qui mise sur le tourisme, voit ses paysages dévalorisés par l'extension des friches agricoles.
Quelles mesures le Gouvernement entend-il prendre ?
M. le président. La parole est à M. Michel Barnier, ministre de l'agriculture et de la pêche.
M. Michel Barnier, ministre de l'agriculture et de la pêche. Je vous remercie, monsieur Bascou, de me permettre, par votre question très précise, de faire le point sur les difficultés de la viticulture, notamment dans le département de l'Aude. Soyez assuré que je mesure pleinement l'ampleur de ces difficultés que rencontrent les viticulteurs depuis plusieurs années, et de façon accrue avec la crise actuelle.
Depuis deux ans nous avons mobilisé de nombreux moyens, à la fois conjoncturels et structurels, pour soutenir les viticulteurs ; au plan conjoncturel, plusieurs mesures ont été prises, dont ont pu bénéficier ceux de Languedoc-Roussillon : aides aux agriculteurs en difficulté ; exonérations au cas par cas, comme les professionnels m'en avaient fait la demande, de la taxe sur le foncier non bâti ; prise en charge totale ou partielle des cotisations sociales des exploitations les plus en difficulté par la caisse de la mutualité sociale agricole, que je remercie. J'ai d'ailleurs accordé en février dernier une enveloppe complémentaire de 375 000 euros pour les quatre départements viticoles de Languedoc-Roussillon, au titre du plan d'urgence pour les allégements de charges financières. Quatrième mesure : l'adoption, dans le cadre de la loi de modernisation de l'économie, d'une disposition rendant obligatoire le versement d'un acompte de 15 % au moment de la signature du contrat, ainsi que d'une réduction du délai de paiement, conformément à une demande elle aussi formulée par les organisations professionnelles avant l'examen de ce texte. Enfin, comme toutes les entreprises de moins de dix salariés, les viticulteurs bénéficieront, pour toute nouvelle embauche en 2009, du plan " Zéro charge " que le Gouvernement a mis en place pour relancer l'économie et l'emploi.
Nous avons également engagé des mesures plus structurelles : un plan de modernisation sur cinq ans de la viticulture française a été élaboré avec l'ensemble de la filière à l'issue d'une longue concertation - je puis en témoigner. Sa mise en oeuvre est aujourd'hui largement entamée : les conseils de bassin ont été constitués ; le Conseil supérieur de l'oenotourisme a été installé le 3 mars dernier ; l'actualisation de la réglementation relative à la publicité des vins sur l'Internet, dossier que j'ai suivi de près avec Roselyne Bachelot, est en cours avec l'examen du projet de loi sur la réforme de l'hôpital.
Nous avons par ailleurs obtenu, dans le cadre de la réforme de l'organisation commune du marché vitivinicole à la fin de 2007, des mesures pour améliorer la compétitivité de la filière, tout en préservant les outils de gestion des marchés : 172 millions d'euros ont ainsi été alloués à la France en 2008 pour la restructuration du vignoble, les investissements en entreprise et la promotion de nos vins dans les pays tiers. Cette enveloppe atteindra 280 millions d'euros en 2012.
S'agissant des droits à paiement unique pour la viticulture, je veux vous rappeler, pour être tout à fait franc, que les responsables professionnels du secteur n'avaient pas souhaité, dans le cadre de la nouvelle OCM, les voir attribués à l'hectare de vigne : c'est donc en accord avec eux que les sommes concernées ont été affectées à des actions structurantes d'avenir, touchant à l'investissement, à la promotion et à la recherche. Les représentants des professionnels ont d'ailleurs confirmé ce choix pour 2010 dans le cadre de la mise en oeuvre du bilan de santé de la politique agricole commune.
Enfin, conformément au souhait du Président de la République, nous avons pris deux mesures afin de revaloriser les plus petites retraites agricoles - sujet important pour les viticulteurs comme pour l'ensemble du monde agricole -, à commencer par la garantie d'un montant minimum de retraite. Cette mesure s'applique depuis le 1er janvier 2009 aux 197 000 retraités ayant au moins 22,5 années de carrière. Elle sera étendue en janvier 2011 à ceux qui justifient de 17,5 années de carrière, soit 35 000 personnes.
Seconde mesure : la réversion aux veuves de la retraite complémentaire obligatoire acquise à titre gratuit par leur conjoint, qui s'appliquera à partir du 1er janvier 2010 et concernera 88 683 personnes.
Voilà, monsieur le député, ce que je voulais vous dire au sujet des aides aux viticulteurs. Nous accompagnons ces derniers depuis deux ans, non seulement au jour le jour en cette période de crise, mais aussi, à travers les efforts de modernisation et de promotion des vignobles, afin de préparer l'avenir de ce secteur essentiel pour l'économie nationale et celle de votre région.
M. le président. La parole est à M. Jacques Bascou, pour une courte intervention.
M. Jacques Bascou. Elle le sera, monsieur le président.
Je ne répondrai que sur les mesures conjoncturelles qui, comme vous l'avez reconnu, monsieur le ministre, sont insuffisantes : en témoigne l'enveloppe complémentaire de 375 000 euros. Les 6 millions d'euros prévus au titre de l'exonération de la taxe sur le foncier non bâti ont, eux, été ramenés à 3 millions, ce qui n'est évidemment pas sans conséquences. Vous avez également évoqué les retraites agricoles ; or, la spécificité des carrières en Languedoc-Roussillon est d'être souvent mixtes, de sorte que la plupart des retraités sont exclus de vos mesures.
De manière plus générale, le problème est la concurrence déloyale faite au vignoble languedocien, à seulement soixante kilomètres de distance, en Espagne, où l'on utilise des produits phytosanitaires interdits en France ; les coûts de main d'oeuvre et d'exploitation y sont également plus faibles, sans parler des problèmes du coupage des vins. Je sais que, sur ce sujet, vos positions ne sont pas celles de la Commission européenne, mais les dispositions concernées résultent d'un accord que celle-ci a signé en 2006 avec les États-Unis pour autoriser les coupages, le mouillage, l'adjonction d'arômes et d'autres technologies non reconnues par l'Organisation internationale de la vigne et du vin.
Enfin, s'agissant des DPU, il existe non pas une, mais des viticultures ; il est vrai que les viticulteurs de Languedoc-Roussillon n'avaient pas sollicité ces droits à une époque, mais ceux-ci pourraient aujourd'hui être utiles. Les sommes en jeu ne sont guère élevées et, parmi les viticulteurs français, seuls ceux de Languedoc-Roussillon se montrent intéressés. Cela aiderait leur trésorerie, laquelle en a bien besoin actuellement ; mais nous aurons peut-être l'occasion de reprendre ce débat.
M. le président. Je rappelle à chacun que, selon les nouvelles dispositions du règlement, le temps imparti pour chaque question est de six minutes : deux minutes pour poser la question, deux autres minutes pour la réponse, puis, le cas échéant, deux minutes pour affiner les conclusions.
Je vous demande donc, mes chers collègues, d'être plus concis, faute de quoi ceux d'entre nous qui souhaitent s'exprimer ne pourront pas le faire. Vous connaissez mon attachement à la liberté d'expression des parlementaires et à la qualité des réponses ministérielles. Il est donc de l'intérêt de nos concitoyens comme du nôtre que chacun fasse un effort.

S.R.C. 13 REP_PUB Languedoc-Roussillon O