Texte de la QUESTION :
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M. Jacques Desallangre attire l'attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur son projet de réforme de la carte judiciaire conduisant à la suppression de la juridiction prud'hommale à Chauny et son rattachement à la juridiction de Laon. Aux termes de la loi, il doit y avoir au moins un conseil de prud'homes par ressort de tribunal de grande instance. Le maintien de trois tribunaux de grande instance dans l'Aisne suppose donc le maintien de trois conseils de prud'hommes, sachant que ce n'est pas nécessairement au siège de ces tribunaux de grande instance que doit être maintenu le conseil de prud'hommes. Pourquoi ne pas regrouper les juridictions de Chauny et de Laon à Chauny ? Il serait en effet regrettable que la grande agglomération de Chauny-Tergnier et de La Fère soit privée de toute activité judiciaire. Après avoir perdu sa juridiction commerciale et civile, pourquoi l'agglomération de Chauny-Tergnier-La Fère perdrait-elle aussi toute justice sociale ? Le deuxième plus gros bassin d'emploi de l'Aisne, que constituent les agglomérations du Chaunois, du Ternois et du Laférois, mérite le maintien et le renforcement d'une justice sociale. Ces agglomérations ont besoin de cette proximité sociale que les services administratifs de Laon, soumis à d'autres juridictions peuvent ignorer. Voilà pourquoi il lui suggère de créer une forte juridiction prud'homale dans le secteur de Chauny-Tergnier-La Fère, en regroupant les juridictions prud'homales de Chauny et de Laon à Chauny.
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Texte de la REPONSE :
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RÉFORME DE LA CARTE JUDICIAIRE DANS L'AISNE M. le président. La parole est à M. Jacques
Desallangre, pour exposer sa question, n° 74, relative à la réforme de la carte
judiciaire dans l'Aisne. M. Jacques Desallangre. Madame la
garde des sceaux, votre projet de réforme de la carte judiciaire a décidé la
suppression de la juridiction prud'homale de Chauny, et son rattachement à la
juridiction de Saint-Quentin. La loi prévoit l'existence d'au moins un conseil
de prud'hommes par ressort de tribunal de grande instance. Le maintien de trois
TGI dans l'Aisne suppose donc celui de trois conseils de prud'hommes dans le
département, mais pas nécessairement au siège des TGI. Dans ces conditions,
pourquoi ne pas regrouper les juridictions de Chauny et de Laon à Chauny ? Du
point de vue de l'aménagement bien compris du territoire, il serait regrettable
que la grande agglomération de Chauny-Tergnier-La Fère soit privée de toute
activité judiciaire. Après avoir perdu sa juridiction commerciale et civile,
pourquoi cette agglomération perdrait-elle aussi toute relation proche avec la
juridiction sociale ? Saint-Quentin a vu sa juridiction commerciale renforcée
par l'apport des tribunaux de commerce de Chauny et de Vervins, et de la chambre
commerciale du TGI de Laon. De son côté, le TGI de Laon se voit attribuer le
pôle départemental de l'instruction, et renforce sa compétence départementale en
matière de grande délinquance. Il profite aussi du regroupement des activités
civiles et pénales des tribunaux d'instance et de police de Chauny et de
Vervins. Les agglomérations du Chaunois, du Térois et du Laférois, qui
constituent le deuxième bassin d'emploi de l'Aisne, mérite bien le maintien et
le renforcement d'une justice sociale. Ces agglomérations comptent sept avocats,
dont l'un est spécialisé en droit social. C'est dire si l'activité
juridictionnelle n'est pas négligeable ! Les avocats, comme les syndicats
locaux, sont prêts, sur place, à remplir leur mission de conseil. Chauny
n'est pas éloigné de Laon, et ce qui peut se faire dans un sens pour les
juridictions civiles et pénales, peut aussi bien se faire dans l'autre pour les
juridictions prud'homales. Les agglomérations du Chaunois, du Ternois et du
Laférois ont besoin de cette proximité sociale. Voilà pourquoi, madame la
garde des sceaux, il me semble important de créer une grosse juridiction
prud'homale dans le secteur de Chauny, Tergnier et La Fère, en regroupant à
Chauny les juridictions de Chauny et de Laon. Il me serait agréable de connaître
la première appréciation que vous portez à cette proposition. M. le
président. La parole est à Mme la garde des sceaux. Mme
Rachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur
le député, vous avez souhaité m'interroger sur les conséquences pour les
conseils de prud'hommes de l'Aisne, du projet de la réforme de la carte
judiciaire. Les conseils de prud'hommes, qui jugent les litiges du travail,
sont au nombre de 271, mais leur implantation n'est plus adaptée à la réalité
économique et sociale de la France actuelle. Je propose donc de rechercher un
meilleur équilibre, tout en conservant, comme le veut la règle législative, au
moins un conseil de prud'hommes par ressort de TGI, comme l'exige la loi. Il
s'agit de permettre aux conseillers de prud'hommes de juger suffisamment
d'affaires pour acquérir le niveau de technicité nécessaire. C'est la garantie
d'une justice prud'homale de qualité, dans l'intérêt des salariés et de ceux qui
la rendent. Un avis détaillé par conseil de prud'hommes, préalable à toute
réforme de la carte judiciaire prud'homale, a été publié au Journal officiel
le 22 novembre dernier. La concertation locale en cours permettra d'examiner
les situations particulières, notamment celle des conseils de prud'hommes de
l'Aisne. S'agissant du rattachement du conseil de prud'hommes de Chauny à
celui de Saint-Quentin, il satisfait l'exigence de maintien d'un conseil par
TGI, tout en tenant compte de son activité juridictionnelle, bien inférieure au
seuil retenu. Le conseil de Chauny traite 119 affaires contentieuses par an,
alors que le seuil a été fixé à 400 ; chacun des neufs juges consulaires examine
ainsi 13 dossiers par an, en moyenne, contre 52 dossiers au niveau national.
L'activité de Chauny se situe donc nettement en dessous de la moyenne nationale.
Enfin, la proximité géographique a été particulièrement étudiée : il faut
environ 34 minutes pour parcourir en voiture le trajet de 31 kilomètres qui
sépare Chauny de Saint-Quentin. Les Français ne se rendant pas au conseil de
prud'hommes tous les jours - pas plus qu'au tribunal d'ailleurs -, nous avons
privilégié la qualité de la justice, mais aussi la rapidité de la justice et des
décisions rendues. M. le président. La parole est à M.
Jacques Desallangre. M. Jacques Desallangre. Madame la garde
des sceaux, je vous remercie de votre réponse même si, vous vous en doutez, elle
ne me satisfait pas. J'aurais aimé vous interroger sur le sort réservé au
greffe du tribunal d'instance de Laon, détaché à Chauny. Y aura-t-il des
audiences foraines au tribunal d'instance de Laon à Chauny ? Toutes ces
interrogations témoignent du souci de ne pas éloigner les justiciables du juge ;
cela ne sera pas le cas dans notre petite région, hélas très frappée par le
chômage, et dont les habitants se distinguent par la modestie de leurs
revenus. Même s'il ne faut que trente-quatre minutes pour se rendre à
Saint-Quentin, ce sera très difficile pour bon nombre de mes concitoyens :
certains n'ont plus de voiture, d'autres plus d'assurance... Vous avancez des
chiffres qui condamnent le conseil de prud'hommes de Chauny ; je pense qu'il
faut retenir d'autres critères, notamment sociaux, qui vous ont totalement
échappé. M. le président. La parole est à Mme la garde des
sceaux. Mme la garde des sceaux. Monsieur le député, vous
avez raison de lier l'intérêt du justiciable et la proximité à la qualité de la
justice. Pour votre région et s'agissant de la cour d'appel d'Amiens, nous
avons tenu compte de l'activité des tribunaux - notamment des tribunaux
d'instance à propos desquels vous avez évoqué les greffes détachés -, mais nous
nous sommes aussi préoccupés de l'aménagement du territoire et de la qualité de
la justice. Les décisions prises, sur proposition des rapports des chefs de
cour, ont tenu compte de tous ces critères. En ce qui concerne les conseils de
prud'hommes, la concertation se poursuit sous l'égide des préfets. Plus
globalement, l'offre de justice sera maintenue et de meilleure qualité parce que
nous souhaitons que tous les Français aient accès à la même justice sur tout le
territoire.
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