FICHE QUESTION
13ème législature
Question N° : 74  de  M.   Desallangre Jacques ( Gauche démocrate et républicaine - Aisne ) QOSD
Ministère interrogé :  Justice
Ministère attributaire :  Justice
Question publiée au JO le :  18/12/2007  page :  7896
Réponse publiée au JO le :  19/12/2007  page :  5362
Rubrique :  justice
Tête d'analyse :  fonctionnement
Analyse :  carte judiciaire. réforme. perspectives
Texte de la QUESTION : M. Jacques Desallangre attire l'attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur son projet de réforme de la carte judiciaire conduisant à la suppression de la juridiction prud'hommale à Chauny et son rattachement à la juridiction de Laon. Aux termes de la loi, il doit y avoir au moins un conseil de prud'homes par ressort de tribunal de grande instance. Le maintien de trois tribunaux de grande instance dans l'Aisne suppose donc le maintien de trois conseils de prud'hommes, sachant que ce n'est pas nécessairement au siège de ces tribunaux de grande instance que doit être maintenu le conseil de prud'hommes. Pourquoi ne pas regrouper les juridictions de Chauny et de Laon à Chauny ? Il serait en effet regrettable que la grande agglomération de Chauny-Tergnier et de La Fère soit privée de toute activité judiciaire. Après avoir perdu sa juridiction commerciale et civile, pourquoi l'agglomération de Chauny-Tergnier-La Fère perdrait-elle aussi toute justice sociale ? Le deuxième plus gros bassin d'emploi de l'Aisne, que constituent les agglomérations du Chaunois, du Ternois et du Laférois, mérite le maintien et le renforcement d'une justice sociale. Ces agglomérations ont besoin de cette proximité sociale que les services administratifs de Laon, soumis à d'autres juridictions peuvent ignorer. Voilà pourquoi il lui suggère de créer une forte juridiction prud'homale dans le secteur de Chauny-Tergnier-La Fère, en regroupant les juridictions prud'homales de Chauny et de Laon à Chauny.
Texte de la REPONSE :

RÉFORME DE LA CARTE JUDICIAIRE DANS L'AISNE

M. le président. La parole est à M. Jacques Desallangre, pour exposer sa question, n° 74, relative à la réforme de la carte judiciaire dans l'Aisne.
M. Jacques Desallangre. Madame la garde des sceaux, votre projet de réforme de la carte judiciaire a décidé la suppression de la juridiction prud'homale de Chauny, et son rattachement à la juridiction de Saint-Quentin. La loi prévoit l'existence d'au moins un conseil de prud'hommes par ressort de tribunal de grande instance. Le maintien de trois TGI dans l'Aisne suppose donc celui de trois conseils de prud'hommes dans le département, mais pas nécessairement au siège des TGI.
Dans ces conditions, pourquoi ne pas regrouper les juridictions de Chauny et de Laon à Chauny ? Du point de vue de l'aménagement bien compris du territoire, il serait regrettable que la grande agglomération de Chauny-Tergnier-La Fère soit privée de toute activité judiciaire. Après avoir perdu sa juridiction commerciale et civile, pourquoi cette agglomération perdrait-elle aussi toute relation proche avec la juridiction sociale ?
Saint-Quentin a vu sa juridiction commerciale renforcée par l'apport des tribunaux de commerce de Chauny et de Vervins, et de la chambre commerciale du TGI de Laon. De son côté, le TGI de Laon se voit attribuer le pôle départemental de l'instruction, et renforce sa compétence départementale en matière de grande délinquance. Il profite aussi du regroupement des activités civiles et pénales des tribunaux d'instance et de police de Chauny et de Vervins.
Les agglomérations du Chaunois, du Térois et du Laférois, qui constituent le deuxième bassin d'emploi de l'Aisne, mérite bien le maintien et le renforcement d'une justice sociale. Ces agglomérations comptent sept avocats, dont l'un est spécialisé en droit social. C'est dire si l'activité juridictionnelle n'est pas négligeable ! Les avocats, comme les syndicats locaux, sont prêts, sur place, à remplir leur mission de conseil.
Chauny n'est pas éloigné de Laon, et ce qui peut se faire dans un sens pour les juridictions civiles et pénales, peut aussi bien se faire dans l'autre pour les juridictions prud'homales. Les agglomérations du Chaunois, du Ternois et du Laférois ont besoin de cette proximité sociale.
Voilà pourquoi, madame la garde des sceaux, il me semble important de créer une grosse juridiction prud'homale dans le secteur de Chauny, Tergnier et La Fère, en regroupant à Chauny les juridictions de Chauny et de Laon. Il me serait agréable de connaître la première appréciation que vous portez à cette proposition.
M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux.
Mme Rachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le député, vous avez souhaité m'interroger sur les conséquences pour les conseils de prud'hommes de l'Aisne, du projet de la réforme de la carte judiciaire.
Les conseils de prud'hommes, qui jugent les litiges du travail, sont au nombre de 271, mais leur implantation n'est plus adaptée à la réalité économique et sociale de la France actuelle. Je propose donc de rechercher un meilleur équilibre, tout en conservant, comme le veut la règle législative, au moins un conseil de prud'hommes par ressort de TGI, comme l'exige la loi. Il s'agit de permettre aux conseillers de prud'hommes de juger suffisamment d'affaires pour acquérir le niveau de technicité nécessaire. C'est la garantie d'une justice prud'homale de qualité, dans l'intérêt des salariés et de ceux qui la rendent.
Un avis détaillé par conseil de prud'hommes, préalable à toute réforme de la carte judiciaire prud'homale, a été publié au Journal officiel le 22 novembre dernier. La concertation locale en cours permettra d'examiner les situations particulières, notamment celle des conseils de prud'hommes de l'Aisne.
S'agissant du rattachement du conseil de prud'hommes de Chauny à celui de Saint-Quentin, il satisfait l'exigence de maintien d'un conseil par TGI, tout en tenant compte de son activité juridictionnelle, bien inférieure au seuil retenu. Le conseil de Chauny traite 119 affaires contentieuses par an, alors que le seuil a été fixé à 400 ; chacun des neufs juges consulaires examine ainsi 13 dossiers par an, en moyenne, contre 52 dossiers au niveau national. L'activité de Chauny se situe donc nettement en dessous de la moyenne nationale. Enfin, la proximité géographique a été particulièrement étudiée : il faut environ 34 minutes pour parcourir en voiture le trajet de 31 kilomètres qui sépare Chauny de Saint-Quentin.
Les Français ne se rendant pas au conseil de prud'hommes tous les jours - pas plus qu'au tribunal d'ailleurs -, nous avons privilégié la qualité de la justice, mais aussi la rapidité de la justice et des décisions rendues.
M. le président. La parole est à M. Jacques Desallangre.
M. Jacques Desallangre. Madame la garde des sceaux, je vous remercie de votre réponse même si, vous vous en doutez, elle ne me satisfait pas.
J'aurais aimé vous interroger sur le sort réservé au greffe du tribunal d'instance de Laon, détaché à Chauny. Y aura-t-il des audiences foraines au tribunal d'instance de Laon à Chauny ? Toutes ces interrogations témoignent du souci de ne pas éloigner les justiciables du juge ; cela ne sera pas le cas dans notre petite région, hélas très frappée par le chômage, et dont les habitants se distinguent par la modestie de leurs revenus.
Même s'il ne faut que trente-quatre minutes pour se rendre à Saint-Quentin, ce sera très difficile pour bon nombre de mes concitoyens : certains n'ont plus de voiture, d'autres plus d'assurance... Vous avancez des chiffres qui condamnent le conseil de prud'hommes de Chauny ; je pense qu'il faut retenir d'autres critères, notamment sociaux, qui vous ont totalement échappé.
M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux.
Mme la garde des sceaux. Monsieur le député, vous avez raison de lier l'intérêt du justiciable et la proximité à la qualité de la justice.
Pour votre région et s'agissant de la cour d'appel d'Amiens, nous avons tenu compte de l'activité des tribunaux - notamment des tribunaux d'instance à propos desquels vous avez évoqué les greffes détachés -, mais nous nous sommes aussi préoccupés de l'aménagement du territoire et de la qualité de la justice. Les décisions prises, sur proposition des rapports des chefs de cour, ont tenu compte de tous ces critères. En ce qui concerne les conseils de prud'hommes, la concertation se poursuit sous l'égide des préfets.
Plus globalement, l'offre de justice sera maintenue et de meilleure qualité parce que nous souhaitons que tous les Français aient accès à la même justice sur tout le territoire.

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