Texte de la REPONSE :
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AVENIR DE LA PROFESSION D'AVOUÉ M.
le président. La parole est à M. Jean-Michel Clément, pour exposer sa
question, n° 751, relative à l'avenir de la profession d'avoué. M.
Jean-Michel Clément. J'espère que M. le ministre va persister dans le
fil de la réponse qu'il vient de donner à mon collègue. M. Xavier
Darcos, ministre de l'éducation nationale. Ce sujet ne relève
pas de ma responsabilité. M. Jean-Michel Clément. Certes,
mais j'ose espérer que c'est de la responsabilité de votre Gouvernement, duquel
vous êtes solidaire. J'en appelle aussi à votre sagesse. Ma question, qui
s'adressait à Mme la garde des sceaux, porte sur la suppression de la profession
d'avoué et les conséquences de cette décision sur l'avenir des professionnels
concernés et de leurs salariés. Tout d'abord, je ne peux m'empêcher de
revenir sur la méthode employée. La brutalité de l'annonce de la suppression
de cette profession montre à la fois le peu de considération accordée à ces
auxiliaires de justice et le vrai visage de votre action : vous déclinez le
dogme de la réforme sans en évaluer l'impact ni concerter les intéressés
pourtant disposés à y travailler. L'annonce de la suppression de la
profession d'avoué a été faite le 10 juin 2008 par communiqué de presse du
ministère de la justice, au lendemain d'un conseil des ministres où avait
pourtant été autorisée la reprise d'une étude d'avoué. Il en va de la réforme de
l'organisation judiciaire, qui concerne également la mission dévolue aux avoués,
comme de la réforme de la carte judiciaire, où on a préféré supprimer les
tribunaux avant de poser la vraie question sur laquelle tous les professionnels
s'accordaient. Là encore, on a favorisé l'effet d'annonce à la concertation,
arguant de la directive européenne sur les services du 12 décembre 2006 qui doit
entrer en vigueur le 1er janvier 2010, bien qu'on sache que cette directive ne
justifie pas, en droit, la décision de suppression. Certes, à l'échelon
national, 244 études comptent peu comparativement à la fermeture de sites
industriels, mais il ne faut pas oublier que de leur sort dépend aussi celui de
1 850 salariés, principalement des femmes. Un avant-projet de loi circule. Il
doit être soumis au Parlement avant la fin de l'année. Les termes qu'il
contient, en son article 16 notamment, mettent en évidence une rupture
caractérisée du principe d'égalité devant les charges publiques, pour
l'indemnisation des professionnels. Le traitement réservé à ces derniers, par
rapport à d'autres professions ayant fait l'objet de mesures similaires,
démontre que ce principe est méconnu, ce qui entraînera de légitimes recours et
de nouvelles charges pour le budget du ministère de la justice, sans parler de
la désorganisation des greffes et des conséquences sur le fonctionnement de
notre justice. Pour les salariés licenciés du seul fait du Prince, aucune
indemnité supra légale n'est prévue. Pire, les dispositions de l'article 17 du
projet de loi, qui interdisent la réembauche d'un salarié licencié, sont
contraires au code du travail. À l'instar de ce qui a été demandé par Mme
Lagarde dans sa circulaire du 19 janvier 2009, dans laquelle elle écrivait aux
préfets, évoquant la crise, " vous aurez la charge d'animer des réunions afin
d'évoquer la mise en place de mesures permettant d'anticiper les mutations
économiques prévisibles à moyen et long termes par une démarche de gestion
prévisionnelle des emplois et des compétences appliquée à une branche d'activité
", Mme la garde des sceaux entend-elle, avant de déposer son projet de loi,
faire une évaluation sérieuse de celui-ci, pour prévoir une juste et préalable
compensation de ses conséquences sur le fonctionnement de la justice et redonner
aux avoués et à leurs salariés un peu confiance ? M. le
président. La parole est à M. Xavier Darcos, ministre de l'éducation
nationale. M. Xavier Darcos, ministre de l'éducation
nationale. Monsieur le député, Mme la garde des sceaux, qui est empêchée,
m'a demandé de répondre à sa place à cette question concernant l'avenir des
charges d'avoués et des personnels qui exercent dans ces charges. Le
Gouvernement a décidé d'unifier les professions d'avocat et d'avoué. Cette
décision vise tout d'abord à simplifier l'accès à la justice en appel. Elle
poursuit, au niveau de la cour d'appel, la réforme engagée en 1971 qui a unifié
les professions d'avocat et d'avoué près les tribunaux de grande instance. La
cohérence de cette action peut difficilement être discutée. En outre, cette
décision met également notre droit en conformité avec les exigences de la
directive du 12 décembre 2006 relative aux services dans le marché intérieur,
qui doit impérativement être transposée avant la fin de l'année. En effet,
l'activité des avoués entre dans le champ de la directive, et la réglementation
actuelle de la profession, qui repose notamment sur un régime d'autorisation, ne
peut plus être justifiée. Le Gouvernement est conscient des implications de
cette réforme, nécessaire et souhaitable, pour la profession et il est
particulièrement sensible au devenir des salariés des offices. Une
concertation importante a été menée depuis l'annonce de la réforme. Tout est mis
en oeuvre pour que les salariés retrouvent une place dans la nouvelle
organisation issue de la réforme ou qu'à tout le moins une aide personnalisée
qui facilite leur reconversion professionnelle leur soit offerte. À cette
fin, une commission tripartite a été installée le 10 mars 2009. Composée de
représentants de l'État, des employeurs et des salariés, cette commission
prépare une convention prévoyant les mesures de reclassement des salariés dont
le licenciement ne pourra être évité. Des cellules de reclassement seront
mises en place au sein de chaque cour d'appel et un prestataire de service aura
pour mission d'assister chaque salarié, de façon individualisée, pour l'aider à
retrouver un emploi. Il est par ailleurs envisagé de faciliter pour ces
salariés l'accès à des postes dans les greffes des juridictions, où leur
savoir-faire sera particulièrement utile - nous manquons de personnels dans les
greffes, chacun le sait. S'agissant des collaborateurs juristes des avoués,
leur accès à la profession d'avocat ou aux autres professions judiciaires sera
également facilité par ce que l'on appelle " les passerelles ". Il a enfin
été décidé - cela répond à la préoccupation que vous avez exprimée en dernier -
que les salariés licenciés recevront des indemnités de licenciement majorées,
égales au double des indemnités légales. Ces indemnités seront calculées en
fonction du nombre d'années d'ancienneté dans la profession. Cette mesure
permettra aux salariés ayant une ancienneté importante de percevoir jusqu'à
quatorze mois de salaire. Ces indemnités seront prises en charge par
l'État. S'agissant du budget afférent au reclassement des personnels, il
correspond à un montant de 3 000 euros par salarié concerné, dont 2 000 euros
pris en charge par le Fonds national pour l'emploi et 1 000 euros pris en charge
par l'État en lieu et place de l'employeur. Ces sommes s'ajoutent aux
indemnités de licenciement également prises en charge par l'État, dans des
conditions plus favorables que le minimum légal, pour un montant global estimé à
19,2 millions d'euros. Ce sont des sommes importantes, qui montrent que nous
n'avons pas oublié les personnels qui exercent dans les charges
d'avoué. M. le président. La parole est à M. Jean-Michel
Clément. M. Jean-Michel Clément. Monsieur le ministre, je
prends note de ces informations, qui confirment celles que j'avais pu recueillir
ici ou là. Je voudrais insister sur deux éléments : D'abord, en ce qui
concerne la profession d'avoué, je pense que l'indemnisation telle qu'elle est
prévue dans le projet de loi constitue une rupture d'égalité des citoyens devant
les charges publiques. Vous n'avez pas répondu sur ce point, mais je crains, si
le projet de loi reste en l'état, qu'elle ne soit l'objet de recours qui auront
forcément un impact sur le budget de l'État. Ensuite, sur l'étude d'impact
que je demandais, un élément a totalement été occulté, c'est l'incidence sur le
fonctionnement des cours d'appel après la suppression des avoués. On nous dit
que les dispositifs télématiques vont tout résoudre ; je crois qu'il n'en est
rien. Le dispositif doit être sécurisé. En l'état, il alourdirait inévitablement
la tache des greffes dont les effectifs sont déjà insuffisants, nous le
savons. M. Jean Mallot. Eh oui ! M. Jean-Michel
Clément. Au final, c'est l'action judiciaire qui, une fois encore, sera
ralentie. Nous n'avons pas besoin de cela. Je n'ai pas eu le temps de l'évoquer
mais le justiciable est, lui aussi, l'oublié de cette réforme. La notion d'étude
d'impact nous est présentée aujourd'hui comme étant un outil indispensable,
constitutionnellement. Nous allons mettre en évidence un dysfonctionnement réel
de la justice alors même qu'une réflexion d'ensemble à laquelle tous les
professionnels étaient prêts nous aurait permis d'évaluer et de corriger ces
incidences. Je regrette profondément la méthode employée. (Applaudissements
sur les bancs du groupe SRC.)
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