DEBAT :
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TAXATION DES BÉNÉFICES DE TOTAL M.
le président. La parole est à M. Jean-Luc Pérat, pour le groupe
socialiste, radical, citoyen et divers gauche. M. Jean-Luc
Pérat. Monsieur le Premier ministre, le groupe pétrolier Total a dégagé
un bénéfice net supérieur à 4 milliards d'euros au troisième trimestre 2008, ce
qui représente une hausse de 35 %. Vous avez déclaré il y a quelques jours à la
presse : " Demander plus d'efforts à Total reviendrait à lui mettre un sac de
pierres sur le dos. " Justement, les Français en ont eux aussi plein le dos
de devoir payer leur carburant si cher alors même que le prix du baril de
pétrole connaît des baisses importantes, mais qui ne se traduisent pas dans les
mêmes proportions à la pompe. En effet, nos concitoyens l'ont appris comme nous,
depuis le record historique du 11 juillet dernier, le cours du pétrole a perdu
plus de 60 % de sa valeur, passant de 117 à 46 euros environ. Comme Mme la
ministre de l'économie il y a deux jours sur France Inter, nous réclamons donc
des explications à l'industrie pétrolière. Mon collègue Christian Eckert vous
l'avait déjà fait remarquer : les députés socialistes ont apporté leur soutien
au projet de loi sur le Grenelle de l'environnement, dans l'espoir que les
intentions affichées seraient déclinées concrètement lors de l'examen du
Grenelle II et leur financement assuré, s'agissant notamment des
transports. Cédant à notre pression, vous avez rétabli le dispositif de la
prime transport, pleinement justifié afin d'inciter à la mobilité. Je vous
rappelle que, pour une personne à revenus modestes obligée de se rendre à son
travail en voiture ou en deux-roues, ce poste représente une dépense importante
qui grève son pouvoir d'achat. Nous aussi, nous voulons que les entreprises
réalisent des bénéfices, mais, s'agissant de Total, n'oublions pas que nos
concitoyens ont le dos large, et que cette multinationale en profite
suffisamment pour pouvoir supporter quelques pierres supplémentaires. La
situation actuelle nous fournit l'occasion de faire appel à la solidarité de
ceux qui en ont les moyens, puisqu'ils engrangent des bénéfices colossaux.
Ainsi, selon les chiffres dont nous disposons aujourd'hui, Total a enregistré
près de 11 milliards de bénéfices cumulés depuis le début de l'année. À quand
une taxe exceptionnelle sur ces super-profits, au bénéfice de tous nos
concitoyens, qui souffrent déjà quotidiennement, et dont la situation risque
encore de s'aggraver ? (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe
SRC.) M. le président. La parole est à M. Luc Chatel,
secrétaire d'État chargé de l'industrie et de la consommation. M.
Patrick Roy. Et des profits pétroliers ! (Exclamations sur les bancs
du groupe UMP.) M. Luc Chatel, secrétaire d'État
chargé de l'industrie et de la consommation. Monsieur le député, votre éloge
de la taxation des bénéfices des entreprises montre que la révolution culturelle
n'est pas vraiment en marche au Parti socialiste ! (Vives exclamations sur
les bancs des groupes SRC et GDR.) En tout cas, elle n'aura pas lieu ce
week-end au congrès de Reims ! (Même mouvement.) Voici la réalité : le
groupe Total est une entreprise française multinationale, qui réalise 90 % de
son activité hors de nos frontières. Que souhaitez-vous ? Que cette entreprise
réalise toute son activité en France, pour y extraire du pétrole qui n'y existe
pas ? M. Albert Facon. Qu'elle paye ses impôts en France
! M. Christian Bataille. Il faut faire baisser les prix
! M. Luc Chatel, secrétaire d'État. Souhaitez-vous
que nous la fassions fuir de notre pays par des mesures qui nuisent à la
compétitivité de notre industrie ? (Rires et exclamations sur les bancs des
groupes SRC et GDR.) La réalité, c'est que le Gouvernement a, depuis
plusieurs mois, interpellé les compagnies pétrolières. (Exclamations sur les
bancs des groupes SRC et GDR.) Avec Christine Lagarde, nous avons réuni tous
les acteurs de la filière à Bercy l'hiver dernier, et les pétroliers se sont
engagés. (" Ah ! " sur les bancs du groupe SRC.) M. Albert
Facon. Ils ont cru au père Noël ! M. Luc Chatel,
secrétaire d'État. Je rappelle que Total finance à hauteur de 170
millions d'euros la prime à la cuve, que le Gouvernement a relevée de 150 à 200
euros cette année, permettant ainsi aux ménages les moins favorisés de
bénéficier de l'aide de l'État pour acquitter leur facture
pétrolière. Ensuite, le Premier ministre a en effet souhaité instaurer une
aide supplémentaire afin de permettre aux ménages de financer leurs transports :
la contribution transport. M. Maxime Gremetz. Ce n'est pas
la question ! Expliquez-nous pourquoi les entreprises pétrolières ne payent pas
l'impôt ! M. Luc Chatel, secrétaire d'État. L'idée
est d'étendre le dispositif jusqu'alors réservé à l'Île-de-France en respectant
la spécificité des cas et en laissant chaque entreprise s'adapter à la
situation. M. Maxime Gremetz. Parlez-en à la Cour des
comptes ! M. Luc Chatel, secrétaire d'État. Enfin,
nous restons vigilants, monsieur le député : le Président de la République
réunira dans les jours qui viennent les compagnies pétrolières (Rires et
exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR) afin qu'elles mettent à
exécution l'engagement qu'elles ont toujours pris : contribuer au financement de
la facture pétrolière. Elles l'ont déjà fait en investissant, je l'ai rappelé,
170 millions d'euros au titre de l'aide à la cuve. M. Maxime
Gremetz. Arrêtez ! C'est scandaleux ! M. Luc
Chatel, secrétaire d'État. Ce n'est pas par des caricatures
(Exclamations sur les bancs du groupe GDR) et par des taxations d'un
autre âge que nous favoriserons l'investissement industriel dans notre pays !
(Applaudissements sur de nombreux bancs des groupes UMP et NC.)
M. Patrick Roy. Profits scandaleux, Gouvernement
complice !
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