Texte de la QUESTION :
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Mme Michèle Delaunay attire l'attention de Mme la ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés, sur la maltraitance financière des personnes âgées et sur les dispositions du code pénal permettant de la sanctionner, et par là-même, en partie, de la prévenir. Alma France évaluait en 2004 à 24 % le taux de maltraitances financières à domicile parmi l'ensemble des cas signalés. Les évolutions démographiques et l'accroissement continu du nombre de personnes fragilisées par une maladie neuro-dégénérative risquent d'entraîner une augmentation de ce taux dans les prochaines années. Le code pénal n'envisage pas en France les personnes âgées comme une catégorie qu'il convient tout particulièrement de protéger, comme une catégorie spécifique. Les personnes âgées sont intégrées dans un ensemble plus vaste que l'on appelle celui des personnes d'une « particulière vulnérabilité ». Le code pénal envisage la vulnérabilité de deux façons : dans de nombreux cas, il fait de la vulnérabilité de la victime une circonstance aggravante d'une infraction de droit commun ; mais la loi pénale fait aussi de la vulnérabilité l'élément constitutif d'une infraction particulière qui n'est punissable qu'au regard de la qualité de la victime, notamment pour le « délaissement » considéré comme l'abandon en un lieu d'une personne qui n'est pas en mesure de se protéger en raison de son âge, de son état physique ou psychique. En 2001, ces textes ont servi de fondement à 1 818 poursuites devant les instances de jugement mais seuls 299 vols facilités par la vulnérabilité de la victime ont été identifiés en tant que tels et ces délits n'ont donné lieu qu'à 14 peines d'emprisonnement ferme, avec en moyenne six mois d'enfermement. On constate, en effet, que les dispositions évoquées du code pénal sont dans la pratique de très faible portée, notamment par manque de clarté et absence de définition de la notion de vulnérabilité. Elles ne permettent ni d'identifier, ni donc de sanctionner la maltraitance des personnes âgées telle que définie en 1995 par l'International network for the prevention of elder abuse : « un acte isolé ou répété, ou l'absence d'intervention appropriée, qui se produit dans toute relation de confiance et cause un préjudice ou une détresse chez la personne âgée ». Elle lui demande donc de lui indiquer les mesures qu'elle compte prendre pour rendre le code pénal plus précis et, au regard des évolutions démographiques, d'envisager, avec l'ensemble des professionnels concernés, des travaux sur la maltraitance financière.
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Texte de la REPONSE :
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La notion de vulnérabilité a été introduite en droit pénal, par la loi n° 80-1041 du 23 décembre 1980 relative à la répression du viol et de certains attentats aux moeurs. Elle a été reprise par la loi n° 92-684 du 22 juillet 1992, portant réforme des dispositions du code pénal relatives à la répression des crimes et délits contre les personnes, qui en énumère limitativement les causes : l'âge, la maladie, l'infirmité, la déficience physique ou psychique ou encore l'état de grossesse. Concernant l'âge comme cause de vulnérabilité, pas plus la loi que la jurisprudence ne fixent un âge à partir duquel cette vulnérabilité serait d'emblée caractérisée. Ainsi, c'est toujours à partir d'éléments objectifs que sera caractérisé l'état de vulnérabilité d'une personne et ce quel que soit l'âge, très avancé ou non, de la victime. Ce qui pourrait être présenté comme une absence de définition de la notion de vulnérabilité, apparaît, en fait, comme de nature à garantir une prise en compte de la vulnérabilité, non pas à raison de critères préétablis qui pourraient omettre certains aspects de cette réalité, mais bien à raison de la situation concrète et personnelle de la victime. En effet, à âge égal, toutes les personnes ne sont pas dans une situation similaire, d'où l'importance d'une appréciation in concreto de leur état. Par exemple, une altération ou une perte des fonctions motrices, des déficiences visuelles ou auditives, des pertes de mémoire, des difficultés à se situer dans le temps ou l'espace ont pu être retenus par la jurisprudence comme établissant la vulnérabilité, découlant de son âge, d'une personne. Lorsqu'elle est établie, la particulière vulnérabilité de la victime constitue tantôt une circonstance aggravante de l'infraction, tantôt un élément constitutif de celle-ci. Elle aggrave la répression : des atteintes aux personnes telles que le meurtre, l'empoisonnement, les tortures ou actes de barbarie, les violences, l'administration de substances nuisibles, le viol les agressions sexuelles, la traite des êtres humains, le proxénétisme, le bizutage, l'exploitation de la mendicité ; des atteintes aux biens telles que le vol, l'extorsion, l'escroquerie, l'abus de confiance ou les destructions, dégradations ou détériorations. La répression des violences, actes de torture ou de barbarie ou administrations de substances nuisibles est doublement aggravée lorsqu'à la particulière vulnérabilité de la victime, s'ajoute leur caractère habituel (articles 222-4, 222-14 et 222-15 du code pénal). Le même mécanisme de double aggravation est prévu en matière d'agression sexuelle, en application des dispositions des articles 222-29 et 222-30 du code pénal, lorsque la victime est vulnérable et que l'une des circonstances aggravantes prévues par ce dernier article est établie. Dans certains cas, l'état de vulnérabilité est un élément constitutif de l'infraction : d'abus de faiblesse (art. 223-15-2 du code pénal) : l'abus doit conduire la personne vulnérable à un acte ou une abstention qui se révèle pour elle gravement préjudiciable. Mais la jurisprudence a tendance à en élargir le champ d'application, sanctionnant l'abus commis même s'il est simplement de nature à entraîner un grave préjudice, sans que le préjudice soit nécessaire réalisé. (cass. crim. 12 janvier 2000 ; cass. crim. 15 novembre 2005) ; de délaissement de personne hors d'état de se protéger (art. 223-3 du code pénal) : n'est constituée que l'infraction commise à l'égard de la personne hors d'état de se protéger en raison de son âge ou de son état physique ou psychique de rétribution inexistante ou insuffisante du travail (art. 225-13 du code pénal) de soumission à des conditions de travail ou d'hébergement incompatible avec la dignité humaine (art. 225-14 du code pénal). Les auteurs de ces infractions encourent des peines d'emprisonnement de 3 à 5 ans et des peines d'amende. La protection des personnes vulnérables se traduit également par l'incrimination, de la non-dénonciation de privations ou de mauvais traitements infligés à une personne qui n'est pas en mesure de se protéger en raison de son âge, d'une maladie, d'une infirmité, d'une déficience physique ou psychique ou d'un état de grossesse (art. 434-3 du code pénal) et par la levée de l'obligation au secret professionnel, dont la révélation est sanctionnée par l'article 226-13 du code pénal (art. 226-14 du code pénal). La loi du 5 mars 2007 portant réforme de la protection juridique des majeurs a aussi apporté des changements essentiels pour mieux lutter contre la maltraitance des personnes âgées dépendantes et des adultes handicapés en se fixant notamment pour objectif de prendre davantage en compte la volonté de ces personnes. Désormais, grâce au mandat de protection future, toute personne peut désigner un tiers chargé de la représenter dans les actes de la vie civile, pour le cas où elle deviendrait incapable. De même, la personne protégée ainsi que son entourage sont davantage associés à l'exercice de la mesure de protection. En parallèle, plusieurs mesures ont été prises, telles que la fixation de conditions d'âge, de formation, de moralité et d'expérience professionnelle pour exercer des mesures de protection judiciaire ou concernant l'augmentation du nombre de personnes disposant d'un pouvoir de contrôle sur l'exercice de cette mesure. Par ailleurs, depuis cette réforme, les tuteurs ne peuvent effectuer des opérations que sur des comptes ouverts au nom de la personne protégée. En outre, un comité national de vigilance et de lutte contre la maltraitance des personnes âgées et des adultes handicapés a été crée par un décret du 12 mars 2007 et un numéro d'appel unique, le 3977, a été mis en place. Pour finir, il convient de relever que dans sa circulaire générale de politique pénale, du 1er novembre 2009, le ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés a demandé aux parquets d'accorder une attention particulière aux infractions qui touchent les personnes les plus faibles, et notamment concernant les violences commises sur les personnes âgées. De plus, s'agissant très souvent d'infractions occultes, qui ne sont pas dénoncées par les victimes elles-mêmes, parfois isolées, les parquets sont invités à demander et à communiquer au juge des tutelles toute information utile permettant d'apporter une réponse adaptée à ces situations.
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