DEBAT :
|
ÉDUCATION NATIONALE : VEILLE SUR INTERNET M. le président. La parole est à M. Gaëtan
Gorce, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers
gauche. M. Gaëtan Gorce. Ma question s'adresse à M. le
Premier ministre. En tant que chef du Gouvernement, monsieur le Premier
ministre, vous êtes comptable des initiatives de chacun de vos ministres. Or vos
ministres de l'éducation nationale et de l'enseignement supérieur viennent de
lancer un appel d'offres pour recruter une société privée dont la mission sera
de repérer les leaders d'opinion et de surveiller les sites de syndicats ou de
partis politiques, les blogs et toutes les formes de diffusion sur le Net, y
compris les pages personnelles. M. Christian Paul. C'est
scandaleux ! M. Gaëtan Gorce. En cette période de disette
budgétaire, c'est à un véritable système de surveillance généralisée de la Toile
que le ministère de l'éducation nationale est prêt à consacrer 250 000 euros.
Chacun se souvient ici de la vidéo dans laquelle M. Darcos énonçait sur les
maternelles quelques contrevérités. On pouvait penser qu'il s'interdirait
désormais d'en prononcer d'autres : en fait, il préfère empêcher qu'on les
diffuse. Pour vous inciter à faire des économies, je peux vous dire sans
qu'il soit pour cela besoin d'aller sur la Toile que le système que vous voulez
mettre en place suscite légitimement une grande émotion et soulève plusieurs
questions. Une question institutionnelle d'abord : en quoi une telle
initiative relève-t-elle du ministère de l'éducation nationale qui, je le
rappelle, est destiné à former des esprits libres et non à contrôler ceux qui
exercent cette liberté ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur
quelques bancs du groupe GDR.) Une question politique ensuite : quelle
est la justification d'un tel projet ? Le Gouvernement est-il si peu sûr de sa
politique qu'il se sente obligé, en reprenant le pouvoir sur la télévision
publique, en créant des fichiers comme EDVIGE, en surveillant le Net, de
contrôler toute forme d'expression ? Une question de liberté publique enfin :
comment pouvez-vous garantir que, lorsque ces informations seront diffusées par
des enseignants, ceux-ci ne feront l'objet d'aucune sanction ni d'aucune brimade
administrative ? Et comment justifier que ce système de surveillance concerne
aussi des mineurs, qu'ils soient collégiens ou lycéens ? La République avait
jusqu'à présent coutume de distinguer le ministère de l'éducation nationale et
celui de l'intérieur. Approuvez-vous, monsieur le Premier ministre, une
initiative qui reviendrait à faire des services de communication de l'éducation
nationale une sorte d'annexe des anciens Renseignements généraux ?
(Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur quelques bancs du groupe
GDR.) M. le président. La parole est à M. Xavier Darcos,
ministre de l'éducation nationale. M. Xavier Darcos,
ministre de l'éducation nationale. Monsieur le député, je suis très
content que vous me posiez cette question qui va me permettre de mettre un peu
de clarté dans l'océan de contrevérités et d'absurdités qui déferle depuis
quelque temps. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe
UMP.) En vous entendant, je me demandais si elle concernait aussi le fait
que la Ville de Paris ait lancé un appel d'offres pour identifier les pratiques
des jeunes Parisiens sur Internet (Exclamations sur les bancs du groupe SRC)
ou si la personne que vous avez soutenue lors de l'élection présidentielle,
qui avait disposé d'un système de " patrouille de veilleurs ", ne portait pas,
elle aussi, atteinte à la liberté d'opinion et des gens. (Applaudissements
sur les bancs du groupe UMP.) Vous tenez vous-même un blog. Vous avez
donc l'intention qu'on le lise. Permettez-moi de le lire aussi. Internet ne
doit pas être un espace de désinformation dans lequel, en détournant de petites
phrases, on arrive à faire dire aux ministres le contraire de ce qu'ils ont
déclaré (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC), sur la
maternelle, par exemple, ou sur l'enseignement de l'histoire. Internet doit être
au contraire un espace de démocratie. Que les gens puissent s'y exprimer,
faire des propositions et dire ce qu'ils ont à dire,
évidemment,... M. Jean-Louis Bianco. Vous ne répondez pas à
la question ! M. Xavier Darcos, ministre de l'éducation
nationale. ...mais ceux qui sont aux responsabilités, les hommes politiques,
doivent savoir ce qui se dit. Je veux savoir ce qui se dit dans les journaux
et à la télévision, je veux savoir comment s'expriment sur Internet des esprits
libres, qui souhaitent d'ailleurs être lus puisque c'est précisément pour cela
qu'ils s'expriment par ce moyen. (Applaudissements sur les bancs des groupes
UMP et NC.) Je ne lirai plus votre blog, monsieur Gorce, ce qui n'est pas
très grave,... M. Julien Dray. C'est dommage pour vous
! M. Xavier Darcos, ministre de l'éducation nationale.
...mais je continuerai à lire ce qui se dit sur Internet. Vous voulez
m'empêcher de lire comme vous voulez m'empêcher de parler, comme vous voulez
m'empêcher de réformer ! (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes UMP
et NC. - Protestations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
|