FICHE QUESTION
13ème législature
Question N° : 81063  de  M.   Mesquida Kléber ( Socialiste, radical, citoyen et divers gauche - Hérault ) QE
Ministère interrogé :  Famille et solidarité
Ministère attributaire :  Économie, industrie et emploi
Question publiée au JO le :  15/06/2010  page :  6523
Réponse publiée au JO le :  23/11/2010  page :  12804
Date de changement d'attribution :  06/07/2010
Rubrique :  état civil
Tête d'analyse :  prénoms
Analyse :  utilisations commerciales. réglementation
Texte de la QUESTION : M. Kléber Mesquida attire l'attention de Mme la secrétaire d'État chargée de la famille et de la solidarité sur l'utilisation de prénoms par des industriels pour désigner et commercialiser un bien de consommation. L'Association de défense de nos prénoms (ADNP), est déjà en lutte contre la société Renault qui entend utiliser le prénom Zoé pour nommer un nouveau modèle dont la sortie est prévu en 2012. Elle considère que cette pratique est contraire aux intérêts de l'enfant et renie nos traditions socioculturelles en matière d'attribution des prénoms au profit d'une finalité marchande qui est inconcevable. Cela constituerait un recul non négligeable au regard de la loi du 8 janvier 1993 relatif au principe du libre choix des prénoms par les parents, sous réserve qu'il soit conforme aux intérêts de l'enfant. Les multiples témoignages recueillis par l'ADNP expriment la confusion dans la construction identitaire de l'enfant en le soumettant aux moqueries toute sa vie qui ajoutent aux difficultés à se construire dans ce contexte. Aussi, il lui demande quelles mesures elle compte mettre en place pour empêcher de manière pérenne l'attribution d'un prénom à un bien de consommation.
Texte de la REPONSE : L'article L. 711-4 g du code de la propriété intellectuelle dispose qu'un signe ne peut porter atteinte à des droits antérieurs de la personnalité d'un tiers et notamment à son nom patronymique, à son pseudonyme et à son image. Si cet article ne vise pas expressément le prénom, sa rédaction ouverte lui donne vocation à s'appliquer aux accessoires du nom tels que le prénom. Mais cette protection est subordonnée à la preuve d'un risque de confusion entre la personne physique qui demande la protection et la marque critiquée : lorsqu'un nom est utilisé à des fins commerciales ou publicitaires, le demandeur doit justifier de l'existence d'une confusion à laquelle il a intérêt à mettre fin pour pouvoir réclamer l'annulation de la marque (Civ. 1re, 13 fév. 1967, « Badoit » : Bull. civ. I, n° 60 ; D. 1967. Somm 78). La confusion est notamment réalisée lorsque le titulaire de la marque reprend un nom célèbre ou rare, associé par le public à un personnage ou à la famille qui le porte (CA Paris, 24 janv. 1962 « Luynes » : RTD com. 1962. 405, obs. Chavanne ; TGI Paris, 4 oct. 1996, « Coubertin » : PIBD. 1997, III, p. 39). Il n'y a, en revanche, aucun risque de confusion lorsque le nom patronymique est porté par plusieurs familles (19 déc. 1967, « Savignac » D. 1968. 277. I). Ces règles sont transposables aux prénoms. Mais dans le cas des prénoms, à l'exception des prénoms célèbres (par exemple ceux utilisés comme noms de scène par les artistes), la difficulté de démontrer l'existence d'une confusion est d'autant plus importante que peu de prénoms sont rares. Ainsi, la possibilité d'une confusion peut difficilement être démontrée hors le cas où la marque reprend, ensemble, un prénom et un nom patronymique. Et même dans cette hypothèse, les éléments permettant de démontrer la confusion ne sont nécessairement réunis. Le prénom « Zoé » n'est pas un prénom rare, puisque ce prénom est le 41e prénom le plus porté en France (et le 8e prénom le plus donné en 2009). L'emploi du prénom Zoé à des fins commerciales ne peut donc être interdit. L'interdiction poserait en outre un problème majeur en ce qui concerne l'établissement de la liste des prénoms interdits. En effet, la loi du 8 janvier 1993 a institué un principe de liberté de choix du prénom. Dès lors, la liste des prénoms à protéger ne pourra jamais être exhaustive, même en l'actualisant chaque année. En outre, au rythme auquel s'accroît le nombre de prénoms, la liste risque fort de devenir particulièrement longue et la liberté de choix du nom de leurs marques par les industriels risque de se réduire corrélativement. Il est donc clairement préférable de continuer à laisser à la jurisprudence le soin de déterminer, au cas par cas, si l'usage commercial d'un prénom est préjudiciable à un enfant ou non.
S.R.C. 13 REP_PUB Languedoc-Roussillon O