FICHE QUESTION
13ème législature
Question N° : 853  de  M.   Garraud Jean-Paul ( Union pour un Mouvement Populaire - Gironde ) QOSD
Ministère interrogé :  Intérieur, outre-mer et collectivités territoriales
Ministère attributaire :  Justice et libertés (garde des sceaux)
Question publiée au JO le :  01/12/2009  page :  11248
Réponse publiée au JO le :  10/12/2009  page :  10461
Date de changement d'attribution :  08/12/2009
Rubrique :  famille
Tête d'analyse :  mariage
Analyse :  étrangers en situation irrégulière. réglementation. mise en oeuvre
Texte de la QUESTION : M. Jean-Paul Garraud attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales sur les conditions du droit au mariage. Suite à la publication des bans, le maire d'une commune peut demander l'ouverture d'une enquête auprès du parquet par le procureur de la République si les personnes qui souhaitent le mariage semblent en situation irrégulière. Aujourd'hui, on constate que ces enquêtes sont trop sommaires. Or, plus on augmentera les contrôles du parquet sur les situations des personnes qui demandent à être unies, plus on arrivera à réduire le nombre de mariages de complaisance aujourd'hui élevé sur le sol français. Il souhaite connaître son avis sur ce sujet sensible.
Texte de la REPONSE :

MARIAGES DE COMPLAISANCE

M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Garraud, pour exposer sa question, n° 853, relative aux enquêtes du parquet sur les mariages de complaisance.
M. Jean-Paul Garraud. Madame la secrétaire d'État chargée du commerce extérieur, ma question, qui s'adressait à Mme la garde des sceaux, concerne un sujet sensible, à savoir les conditions du droit au mariage pour les personnes en situation irrégulière sur le territoire nationale.
Le principe de la liberté du mariage, composante de la liberté individuelle, est protégé par les articles 2 et 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 : il interdit de subordonner la célébration du mariage à la régularité du séjour d'un futur conjoint étranger sur le territoire français.
Pour autant, le respect de ce principe ne fait pas obstacle à certaines vérifications afin de mieux lutter contre les mariages dits de complaisance.
Ainsi, avant la publication des bans, l'officier d'état-civil peut s'entretenir avec les futurs époux. La loi du 26 novembre 2003 a d'ailleurs renforcé la procédure d'alerte et l'officier d'état-civil peut saisir le procureur de la République, en vertu de l'article 175-2 du code civil, s'il dispose d'éléments sérieux laissant présumer un défaut d'intention matrimoniale des futurs conjoints. Le parquet peut alors ordonner à l'officier d'état-civil de surseoir au mariage ou même de s'y opposer.
Mais si le parquet n'a pris aucune décision de sursis ou d'opposition, le maire a l'obligation de prononcer le mariage, faute de quoi il commettrait une voie de fait. Or il peut arriver que le maire demeure convaincu, au vu d'indices sérieux, que le mariage est simulé. Sans remettre en cause le principe de la liberté du mariage, n'est-il pas possible d'intensifier les enquêtes du parquet, souvent trop sommaires ?
Récemment, le sénateur Gérard César, maire de Rauzan, en Gironde, a jugé simulé un mariage qu'on lui demandait de célébrer. Il a refusé de le prononcer, estimant que l'enquête du parquet avait été bâclée. L'individu qui se présentait devant lui faisait par ailleurs l'objet d'un arrêté d'expulsion, et a ensuite été reconduit à la frontière.
Cela n'a pas empêché que le sénateur maire fasse l'objet d'une procédure en référé, au terme de laquelle il s'est retrouvé condamné pour voie de fait et obligé de prononcer le mariage sous peine de verser une astreinte par jour de retard... Le maire de Rauzan aurait-il dû aller chercher l'intéressé en Algérie, afin de pouvoir célébrer son mariage dans sa mairie ?
Sur cette question sensible, l'incohérence est totale, ce qui justifie un débat. Une proposition de loi a d'ailleurs été déposée à ce sujet.
M. Éric Raoult. Excellente question !
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée du commerce extérieur.
Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d'État chargée du commerce extérieur. Monsieur le député, voici les éléments de réponse que Mme la garde des sceaux m'a chargée de vous communiquer sur un sujet très sensible, que vous connaissez fort bien. Mais il ne m'appartient pas de commenter le cas particulier que vous nous avez rapporté.
La liberté matrimoniale est une liberté fondamentale, à valeur constitutionnelle et reconnue à tous ceux qui résident sur le territoire de la République, quelle que soit leur situation. Le fait d'être en situation irrégulière ne peut, en tant que tel, justifier un empêchement à mariage.
Ce principe n'empêche pas cependant de lutter contre les mariages de complaisance. Il existe à cet égard un dispositif législatif particulier. Lorsque l'officier d'état civil estime - par exemple lors de l'audition des futurs époux, à laquelle il doit procéder avant la publication des bans - que certains indices sérieux laissent présumer que le mariage envisagé est de complaisance, il peut saisir le procureur de la République. Celui-ci dispose d'un délai de quinze jours pour décider soit de laisser prononcer le mariage, soit de faire opposition à celui-ci, soit de surseoir à sa célébration, dans l'attente des résultats de l'enquête à laquelle il fait procéder. Cette enquête doit être suffisamment approfondie, puisque le procureur de la République est tenu légalement de motiver expressément la décision qu'il adresse à l'officier d'état civil. La durée du sursis à célébration du mariage ne peut excéder un mois renouvelable une fois par décision spécialement motivée, ce qui laisse au procureur un délai total de deux mois pour faire exécuter une enquête par les services de gendarmerie ou de police compétents. En pratique, ce délai suffit pour garantir le caractère sérieux et complet de l'enquête.
Il convient de protéger les futurs époux et d'éviter la conclusion d'unions à des fins uniquement migratoires. Le dispositif législatif actuel et les instructions qui l'accompagnent sont de nature à garantir l'effectivité de la lutte contre les mariages de complaisance.
M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Garraud.
M. Jean-Paul Garraud. Madame la secrétaire d'État, je vous remercie de votre réponse. Mais dans les faits, les enquêtes du parquet - que je ne mets pas en cause : nous savons que les parquets sont surchargés - sont trop formalistes ou routinières pour permettre de rendre un avis circonstancié. De ce fait, dans le respect de la liberté du mariage, il me semble indispensable d'intensifier les recherches, voire d'y associer le procureur général. Tel est le sens d'une proposition de loi que je déposerai prochainement sur le bureau de l'Assemblée.
M. Éric Raoult. Très bien !

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