Texte de la QUESTION :
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M. Jean-Luc Reitzer attire l'attention de Mme la ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés, sur une recommandation du rapport Darrois qui prévoit de « renforcer la valeur de l'acte sous seing privé signé par les parties lorsqu'il est contresigné par l'avocat, en le tenant pour légalement reconnu au sens de l'article 1322 du code civil et par conséquent en lui attribuant entre les parties la même force probante que l'acte authentique ». Le droit français connaît deux types de preuves écrites : l'acte sous seing privé, qui n'est soumis à aucun formalisme, et l'acte authentique rédigé par un officier public auquel l'État a délégué l'exercice de prérogatives de puissance publique, en contrepartie de contraintes et de contrôles très stricts. Le conseil supérieur du notariat s'oppose à ce projet d'un contreseing dépourvu de la garantie juridique attachée à l'acte authentique qui, seul, confère à un acte la date certaine, la force probante et la force exécutoire. Dans ce cadre, il lui demande de bien vouloir lui préciser quelles suites elle entend donner à cette recommandation du rapport Darrois et quelles garanties elle peut apporter aux notaires qui s'interrogent sur le maintien de la spécificité de leur fonction.
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Texte de la REPONSE :
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RECOMMANDATION DU RAPPORT DARROIS SUR LES ACTES SOUS SEING
PRIVÉ M. le président. La parole est à M.
Jean-Luc Reitzer, pour exposer sa question, n°857, relative à la recommandation
du rapport Darrois sur les actes sous seing privé. M. Jean-Luc
Reitzer. Tout d'abord, monsieur le secrétaire d'État à la justice,
sachez que je suis de ceux qui regrettent que vous ne soyez plus secrétaire
d'État aux anciens combattants. Votre réponse montre bien à quel point vous
maîtrisez ces sujets et combien vous avez agi pour défendre le monde
combattant. Ma question concerne cependant une recommandation du rapport
Darrois, qui prévoit de " renforcer la valeur de l'acte sous seing privé signé
par les parties lorsqu'il est contresigné par l'avocat, en le tenant pour
légalement reconnu au sens de l'article 1322 du code civil et par conséquent en
lui attribuant entre les parties la même force probante que l'acte authentique
", et qui a été relayée par une proposition de loi de notre collègue Étienne
Blanc. Comme nous le savons tous, le droit français connaît deux types de
preuves écrites : l'acte sous seing privé, qui n'est soumis à aucun formalisme,
et l'acte authentique, rédigé par un officier public auquel l'État délègue
l'exercice de prérogatives de puissance publique, en contrepartie de contraintes
et de contrôles très stricts. Ce dossier d'apparence technique suscite des
réactions diverses et variées, pour user d'une litote. Le Conseil supérieur du
notariat s'oppose ainsi à ce projet d'un contreseing dépourvu de la garantie
juridique attachée à l'acte authentique, qui seul, selon lui, confère à un acte
la date certaine, la force probante et la force exécutoire. De nombreux avocats
attendent eux aussi une décision claire du Gouvernement à ce sujet. Voilà
pourquoi je souhaitais demander à Mme la garde des sceaux, ainsi qu'à vous,
monsieur le secrétaire d'État, quelles suites le Gouvernement entend donner à
cette recommandation du rapport Darrois. M. Éric Raoult.
Très bien ! M. le président. La parole est à M. Jean-Marie
Bockel, secrétaire d'État à la justice. M. Jean-Marie
Bockel, secrétaire d'État à la justice. Monsieur le député, je
vais vous répondre au nom de Mme la garde des sceaux et en mon nom
personnel. Nous savons les inquiétudes que suscite, au sein de la profession
de notaire, la proposition de la commission présidée par Me Darrois d'introduire
dans notre système juridique un acte sous seing privé d'un genre nouveau dont la
valeur juridique serait renforcée par le contreseing d'un avocat. C'est un vieux
débat : étant moi-même fils et petit-fils de notaire, je connais le monde des
notaires et leur sensibilité. J'ai d'ailleurs eu souvent l'occasion d'en
discuter avec eux, y compris depuis ma prise de fonctions. Cela a été également
le cas pour la garde des sceaux. S'inspirant des travaux de la commission
Darrois, M. le député Étienne Blanc a déposé une proposition de loi ayant pour
objet d'instituer l'acte sous seing privé contresigné par avocat. C'est là une
initiative parlementaire tout à fait estimable, et qui arrive à point nommé.
Nous veillerons à la Chancellerie à ce que qu'elle fasse l'objet d'une expertise
et d'un débat approfondis de façon à parvenir, le moment venu, par la voie
parlementaire ou autre, à des propositions préservant un équilibre auquel nous
sommes tous attachés. En effet, l'introduction dans la loi de l'acte
contresigné par avocat n'a pas pour objectif de remettre en cause le monopole
des notaires - si important dans un monde très mal sécurisé sur le plan
juridique - ni l'authenticité attachée à leurs actes ; il vise à encourager le
recours plus fréquent à des professionnels du droit tenus d'informer les parties
à un acte sur les conséquences de leur engagement. C'est une considération
importante tant pour ces professions, confrontées à une vive concurrence, que
pour nos concitoyens. Mais cette mesure ne doit pas avoir pour effet de porter
atteinte à l'autorité de l'acte authentique. En particulier, la procédure de
remise en cause par la voie de l'inscription de faux, réservée aux actes
authentiques, doit demeurer attachée à la qualité d'officier public. Les avocats
n'ayant pas reçu délégation de puissance publique - à la différence des
officiers ministériels que sont les notaires -, l'acte contresigné ne saurait
non plus avoir force exécutoire. Il me semble qu'un consensus doit pouvoir
être trouvé, qui rende possible une inscription de la proposition de loi de M.
Étienne Blanc dans le calendrier parlementaire ; le débat en ces lieux permettra
de trouver un équilibre. Si les difficultés persistent d'ici à la fin de
l'année, Mme la garde des sceaux proposera au Premier ministre que cette
disposition soit inscrite dans un texte qu'elle portera personnellement, et je
serai à ses côtés. M. Jean-Luc Reitzer. Je vous remercie,
monsieur le secrétaire d'État, et je prends acte de votre réponse.
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