FICHE QUESTION
13ème législature
Question N° : 867  de  M.   Demilly Stéphane ( Nouveau Centre - Somme ) QOSD
Ministère interrogé :  Justice et libertés (garde des sceaux)
Ministère attributaire :  Justice et libertés (garde des sceaux)
Question publiée au JO le :  19/01/2010  page :  415
Réponse publiée au JO le :  27/01/2010  page :  432
Rubrique :  justice
Tête d'analyse :  fonctionnement
Analyse :  carte judiciaire. réforme. conséquences
Texte de la QUESTION : M. Stéphane Demilly attire l'attention de Mme la ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés, sur la situation des territoires touchés par la réforme de la carte judiciaire, et notamment sur la situation du ressort de l'actuel tribunal de grande instance de Péronne, dans la Somme. En effet, décision ayant été prise de fermer ce TGI, la garde des sceaux de l'époque avait donné l'assurance du maintien d'audiences foraines dans les domaines du droit de la famille et du pénal, avait évoqué la création d'un tribunal d'instance à compétence élargie et s'était engagée à maintenir des audiences du juge des enfants. Or, aujourd'hui, force est de constater que ces promesses semblent avoir été oubliées. Cette situation n'est pas acceptable, et il souhaite donc qu'elle puisse lui confirmer que les engagements pris seront respectés.
Texte de la REPONSE :

FERMETURE DU TGI DE PÉRONNE

M. le président. La parole est à M. Stéphane Demilly, pour exposer sa question, n° 867, relative aux conséquences de la fermeture du TGI de Péronne.
M. Stéphane Demilly. Monsieur le secrétaire d'État à la justice, je souhaite vous interroger sur la situation d'incertitude et de totale désorganisation dans laquelle se trouve actuellement le tribunal de Péronne, dans la Somme.
Mme Rachida Dati, alors garde des sceaux, avait annoncé le 27 octobre 2007, lors de sa venue à Amiens, la disparition du tribunal de grande instance de Péronne, appelé à fusionner avec celui d'Amiens dans le cadre de la réforme de la carte judiciaire. Cette réforme devait obéir, selon ses propres termes, à deux principes : la qualité de la justice et la réalité du territoire.
Qu'en est-il aujourd'hui ? Sur le plan de la qualité de la justice, la fermeture du tribunal de grande instance de Péronne était prévue pour le 31 décembre 2010. Dès lors, il était permis d'espérer que la juridiction serait en mesure de fonctionner normalement jusqu'à cette échéance, avec les moyens humains et financiers appropriés. Or plusieurs juges, greffiers et agents administratifs ont obtenu leur mutation sans que les postes ainsi libérés aient été provisoirement affectés. Les postes de juge aux affaires familiales et de juge d'application des peines notamment sont vacants depuis le 1er septembre 2009. Il apparaît donc que le fonctionnement de la justice dans la circonscription judiciaire de Péronne est de plus en plus grippé, en dépit des engagements pris.
Cette situation augure d'une fermeture anticipée - certains parlent même du 3 mai prochain - qui inéluctablement ne fait qu'aggraver la démobilisation parmi le personnel judiciaire : il est patent que le personnel vit dans l'incertitude de son proche avenir et redoute des conditions d'organisation de travail nouvelles dans un cadre qui, à ce jour, n'est pas encore connu puisque les travaux du site judiciaire d'Amiens ne sont pas achevés.
Ajoutons le non-traitement des dossiers conduit à un allongement des procédures et donc à un engorgement de la juridiction de rattachement. À Péronne, un divorce par consentement mutuel était jugé en quatre mois et demi maximum ; à Amiens, il faut déjà compter entre un an et dix-huit mois. Je vous laisse imaginer ce que cela donnera demain ! Où est la qualité de la justice dans tout cela ?
Pour ce qui est de la réalité du territoire, la garde des sceaux avait déclaré lors de son intervention d'octobre 2007 à Amiens : " Abbeville et Péronne conserveront leur tribunal d'instance. Ces tribunaux seront même renforcés. Ils traiteront, bien sûr, les affaires de leur compétence. Ils pourront aussi continuer à accueillir le contentieux des affaires familiales qui relevait du tribunal de grande instance. Nous proposons de mettre en place des audiences foraines, où c'est un juge du TGI qui se déplace ".
Ces engagements étaient particulièrement importants en raison précisément de la réalité du territoire : les domaines d'exercice de la justice essentiels au maintien de l'ordre public doivent être pratiqués au plus près du justiciable afin de lui rester accessibles. Et ce ne sont pas de simples mots : Péronne est à soixante-trois kilomètres d'Amiens, Ham à soixante-treize kilomètres et Roisel à soixante-dix-sept kilomètres. Sachant par ailleurs que ni Péronne ni Roisel ne disposent de gare, il est permis de craindre que des justiciables ne renoncent tout simplement à se déplacer, que ce soit pour des raisons pratiques ou pour des raisons financières.
Monsieur le secrétaire d'État, que comptez-vous entreprendre, et selon quel calendrier, pour que les engagements pris par l'État en 2007 soient respectés, notamment en matière d'audiences foraines ?
M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État à la justice.
M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État à la justice. Monsieur le député, comme vous le savez, je me suis rendu à Amiens il y a quelques semaines dans le cadre d'un tour de France relatif à la mise en oeuvre de la carte judiciaire, que j'ai entrepris à la demande de Mme la garde des sceaux - et je n'hésite pas à aller jusque dans les juridictions et les cours d'appel où les choses ne sont pas forcément des plus aisées. J'ai pu dialoguer avec les magistrats et les avocats des barreaux qui, eux aussi, ont vocation à se regrouper. Nous ne ménageons pas nos efforts pour que tout se passe au mieux : ainsi, des investissements importants sont engagés au tribunal de grande instance d'Amiens afin de pouvoir accueillir, dans de bonnes conditions, les juridictions ainsi regroupées en utilisant au mieux leurs capacités de mutualisation.
Cela étant, monsieur le député, je reconnais bien volontiers que la période de transition entraîne certaines difficultés et notamment des engorgements qui, pour être provisoires, n'en sont pas moins réels. C'est pourquoi nous portons une attention particulière, presque au cas par cas, aux personnels, magistrats mais aussi greffiers et fonctionnaires concernés par ces regroupements. Il peut se produire ici ou là des temps de latence en raison des dates de sortie des promotions des écoles. Vous avez fort bien décrit les difficultés rencontrées. J'ai pu moi-même m'en rendre compte sur place ; pour autant, je ne veux pas les exagérer.
Vous m'avez interrogé sur la perspective du maintien ou de la mise en oeuvre d'audiences foraines dans le ressort du tribunal de grande instance de Péronne. La chose est tout à fait possible : il suffit que la décision soit prise sur le lieu, le jour, la nature de ces audiences qui peuvent porter sur des domaines civils ou pénaux, y compris dans celui du droit de la famille, par ordonnance du Premier président de la Cour d'appel, après avis du procureur général et à la demande du chef de juridiction. Ainsi, des audiences foraines pourront être organisées à Péronne pour tout ou partie des contentieux qui relèvent de la compétence du tribunal de grande instance d'Amiens. Cette possibilité, je vous le confirme, à plus forte raison dans le contexte que vous avez rappelé, est donc tout à fait envisageable et clairement envisagée.
Le regroupement ne compromettra pas l'accès à la justice des justiciables de Péronne, d'autant que sont maintenus le tribunal d'instance, la juridiction de proximité, le conseil de prud'hommes de Péronne et que, parallèlement, des actions peuvent être entreprises en lien avec les collectivités pour améliorer l'accès au droit et à la justice.
M. le président. La parole est à M. Stéphane Demilly.
M. Stéphane Demilly. Monsieur le secrétaire d'État, j'ai du mal à comprendre : dans ma main droite, j'ai le discours de Mme Dati qui s'engageait à la tenue d'audiences foraines ; dans ma main gauche, j'ai cette réponse du Premier président de la Cour d'appel d'Amiens et du procureur général : " De telles audiences, en dehors de celles qui se tiennent déjà en matière de tutelles et de mineurs, seront très difficiles à mettre en place en raison de la réduction drastique des effectifs qui sera réalisée à l'occasion de la fusion des tribunaux de grande instance de Péronne et d'Amiens " ! Au sentiment d'être abandonné s'ajoute celui d'être méprisé...

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