FICHE QUESTION
13ème législature
Question N° : 88090  de  Mme   Delaunay Michèle ( Socialiste, radical, citoyen et divers gauche - Gironde ) QE
Ministère interrogé :  Culture et communication
Ministère attributaire :  Culture et communication
Question publiée au JO le :  14/09/2010  page :  9846
Réponse publiée au JO le :  19/10/2010  page :  11405
Rubrique :  ministères et secrétariats d'État
Tête d'analyse :  culture et communication : archives
Analyse :  communication. réglementation. perspectives
Texte de la QUESTION : Mme Michèle Delaunay attire l'attention de M. le ministre de la culture et de la communication sur les inquiétudes des associations de généalogistes. À travers ses archives, la France donne à chacun et chacune, depuis plusieurs siècles, un accès facile et gratuit aux documents historiques. Ceux-ci permettent de répondre aux attentes des citoyens de notre pays pour leurs recherches personnelles, qu'ils soient passionnés, enseignants, historiens, écrivains ou généalogistes. Depuis quelques années, le rapprochement des Français avec leurs archives s'est considérablement développé grâce à la technologie. Plusieurs méthodes ont été employées, que ce soit le microfilmage de l'état civil et des registres paroissiaux ou bien la numérisation de l'état civil et des recensements de près d'une soixantaine de départements avec l'aide de sociétés privées. Les différents contrats passés entre les collectivités territoriales et leurs prestataires ont historiquement prévu une copie des travaux de reproduction à l'entité publique détentrice, librement consultable par les chercheurs. Les possibilités de diffusion multicanaux des données publiques culturelles sont ainsi multipliées, tout en restant libre d'accès et gratuites. Aujourd'hui, pour certaines sociétés commerciales, la généalogie et tout particulièrement l'accès aux documents d'archives est génératrice de profits financiers importants quand, parallèlement, des milliers de structures bénévoles, associatives, structurées ou non, réunissent, depuis des décennies, les généalogistes et les historiens qui privilégient le loisir, les échanges et l'entraide. Les associations de généalogistes s'inquiètent des recommandations du rapport Ory-Lavollée dont ils considèrent qu'il pourrait mener à ce que la réutilisation des données d'archives publiques fasse l'objet de licences payantes. Elles interdiraient de facto la poursuite des projets d'entraide et de partage des archives en octroyant un rôle d'intermédiaire à des sociétés privées, françaises ou étrangères. Se trouvant ainsi en position monopolistique, ces acteurs commerciaux auraient pour objectif de rentabiliser leurs investissements en faisant payer ceux qui souhaiteront accéder à l'information. Elle lui demande donc quelles sont les mesures qu'il entend mettre en oeuvre afin que les archives publiques demeurent bien commun pour les acteurs de la généalogie, historiens, archivistes et les utilisateurs réguliers des fonds d'archives français.
Texte de la REPONSE : La réutilisation des informations publiques soulève de délicates questions d'ordre juridique, économique et éthique. Sur le plan juridique, la directive 2003/98/CE du 17 novembre 2003 concernant la réutilisation des informations du secteur public a ouvert, pour chaque État membre, la possibilité de créer un marché de la réutilisation des informations publiques, tout en excluant de ce marché les établissements culturels, au nombre desquels figurent les services d'archives publics. L'ordonnance n° 2005-650 du 6 juin 2005 transposant cette directive a ouvert ce marché pour notre pays et l'a encadré par les dispositions des articles 10 à 19 de la loi du 17 juillet 1978, qui fixent le droit applicable à la réutilisation des informations publiques. L'article 11 de cette loi prévoit cependant un régime dérogatoire pour les services d'archives publics, lesquels peuvent fixer des conditions spécifiques de réutilisation. Mais aucun texte ne précise dans quelle mesure et dans quelles limites ces conditions spécifiques peuvent déroger au droit commun de la réutilisation et à d'autres règles de droit applicables à ce domaine, notamment la protection des données personnelles, le droit de la concurrence et le principe d'égalité. Les services d'archives publics sont en train de se doter de licences encadrant leur relation avec les réutilisateurs, qu'il s'agisse de particuliers, d'associations ou de sociétés commerciales. Ces licences fixent notamment les limites de la réutilisation et les redevances qui peuvent, le cas échéant, en constituer la contrepartie. Elles seront déterminées, s'agissant des services territoriaux d'archives, par la collectivité territoriale dont elles dépendent, en application du principe de libre administration. Le service interministériel des Archives de France a diffusé auprès de ces services une note visant à harmoniser les pratiques, dans le respect de ce principe. Sur le plan économique, différentes sociétés privées souhaitent procéder à la réutilisation des documents d'archives publics. L'application d'une redevance à une réutilisation commerciale de ces documents est justifiée et acceptée par la plupart des acteurs économiques souhaitant intervenir sur ce marché. Elle constitue en effet la contrepartie des investissements réalisés par l'État et les collectivités territoriales pour microfilmer ou numériser les documents conservés dans les services d'archives publics. Le montant de cette redevance fait en revanche débat, les acteurs économiques souhaitant que celui-ci soit le moins élevé possible. Le ministère de la culture et de la communication estime néanmoins que le prix de la réutilisation doit refléter la part déterminante que le service public a prise pour rendre possible, par les opérations de microfilmage et de numérisation des documents qu'il a financées, le développement d'une activité économique fondée sur la réutilisation de ceux-ci. Sur le plan éthique enfin, de nombreux élus et acteurs de la société civile, notamment l'association des archivistes français, se sont émus de la constitution par certaines sociétés engagées dans le marché de la réutilisation de bases de données nominatives indexant les documents d'archives réutilisés et interrogeables par toute personne sur Internet. Le croisement des informations figurant dans ces documents, qui peuvent être extrêmement sensibles, pourrait permettre de constituer de véritables profils individuels, sans que le consentement des personnes concernées n'ait été recueilli. Se pose donc la question de l'exclusion du champ de la réutilisation des documents d'archives publiques comprenant des données personnelles sensibles, tels que les actes d'état civils, les recensements de population, ou encore les fichiers de police, alors que ces documents font fréquemment l'objet de demandes de réutilisation en vue d'une indexation nominative diffusée sur des sites commerciaux payants. Dans ce contexte, le ministère de la culture et de la communication, sans refuser le principe d'une réutilisation commerciale des documents d'archives publiques, a recommandé aux services d'archives publics la plus grande prudence vis-à-vis des demandes dont il est saisi, notamment lorsque des données personnelles sont en jeu, et incite ces services à se doter de licences sécurisant toutes les formes de réutilisation. Seule une intervention du législateur pourrait poser un cadre plus contraignant pour la réutilisation de données sensibles au travers d'une modification de l'ordonnance de 2005.
S.R.C. 13 REP_PUB Aquitaine O