Texte de la QUESTION :
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Mme Michèle Delaunay attire l'attention de M. le ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique sur les amendements récemment présentés par le Gouvernement concernant la médecine du travail. Au moment où nous débattons à l'Assemblée nationale de la réforme des retraites, le Gouvernement, sur indication de l'Élysée, a déposé plusieurs amendements concernant la médecine du travail. L'amendement n° 730 introduit notamment dans ce projet de loi l'essentiel de la partie législative de la réforme de la médecine du travail. L'argument avancé par le Gouvernement pour justifier cette entrée en catimini de dispositions sans rapport avec le sujet est le suivant : « La mise en oeuvre des dispositions législatives relatives à la pénibilité fait jouer un rôle important, de fait, aux services de santé au travail ». Or ce sont les médecins conseils de la sécurité sociale, et non les médecins du travail, qui attribuent l'incapacité permanente (IP) ou l'incapacité permanente partielle (IPP). De plus, l'ensemble des amendements présentés correspondent aux dispositions que le Medef a soumises il y a un an aux organisations syndicales qui les ont repoussées à l'unanimité. L'abrogation de deux articles fondamentaux du code du travail est envisagée : abrogation de l'article L. 4622-2 stipulant que « les services de santé au travail sont assurés par un ou plusieurs médecins qui prennent le nom de « médecins du travail » » ; abrogation de l'article L. 4622-4 disposant que « les services de santé au travail font appel soit aux compétences des CRAM [...] soit à des personnes ou organismes [...] Cet appel aux compétences est réalisé dans des conditions garantissant les règles d'indépendance des professions médicales et l'indépendance des personnes ou organismes associés ». Ces abrogations ont pour objet exclusif de transférer via l'amendement n° 730 aux services de santé au travail, donc à leurs directeurs, nommés et choisis par les employeurs, les responsabilités légales actuellement dévolues aux médecins du travail : « conduire des actions de santé au travail visant à préserver la santé physique et mentale des travailleurs [...], les maintenir dans l'emploi. [...] conseiller [...] les employeurs, les travailleurs et leurs représentants [...] afin d'éviter ou de diminuer les risques professionnels et d'améliorer les conditions de travail. [...] assurer la surveillance de l'état de santé des travailleurs en fonction des risques concernant leur sécurité et leur santé au travail. [...] participer au suivi des expositions professionnelles et à la veille sanitaire ». Si cet amendement, qui prévoit l'application par décret de ces dispositions, est adopté, ce ne sont donc plus les médecins du travail qui seront chargés de la prévention médicale des risques professionnels, mais les employeurs responsables de l'organisation du travail et des risques que certains d'entre eux font parfois encourir à la santé des travailleurs qu'ils salarient. À l'heure où le stress au travail et le sentiment de précarité augmentent, où de nombreux métiers comportent des risques reconnus par l'ensemble des experts, il semble incohérent et indécent de prendre ces dispositions. Elle lui demande donc de préciser ses intentions concernant le contenu de la prochaine réforme de la médecine du travail et de retirer immédiatement ces amendements qui n'ont pas lieu d'être au sein des actuels débats sur les retraites.
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Texte de la REPONSE :
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Le ministre du travail, de l'emploi et de la santé a pris connaissance avec intérêt de la question relative à la réforme de la médecine du travail et plus particulièrement sur les grandes orientations envisagées. Les questions de santé au travail et de protection des salariés demeurent un enjeu social majeur, en raison, d'une part, de l'émergence de risques professionnels, nouveaux ou peu pris en compte préalablement (troubles musculo-squelettiques, risques psychosociaux, risques différés dus aux expositions professionnelles à des cancérogènes, etc.) et, d'autre part, du vieillissement de la population qui amène à poser la question de l'adaptation des conditions de travail en vue d'éviter l'altération précoce de la santé des travailleurs et permettre leur maintien dans l'emploi. La place croissante accordée aux questions de santé au travail nécessite donc de poursuivre l'adaptation des missions et de l'organisation des services de santé au travail (SST) alors même que la démographie des médecins du travail subit une évolution préoccupante (- 30 % des effectifs d'ici à 2015). À l'initiative des pouvoirs publics, une large concertation avait été engagée avec les partenaires sociaux, en particulier dans le cadre de la conférence tripartite sur les conditions de travail du 27 juin 2008, et un document d'orientation leur avait été transmis en juillet 2008. À l'issue de sept séances de négociation, un texte a été élaboré en septembre 2009 mais n'a finalement pas été signé. En l'absence d'accord collectif, le Gouvernement a alors proposé une réforme des SST dont les axes et les mesures ont fait l'objet de nombreuses réunions de concertation avec les partenaires sociaux. Ces mesures ont été communiquées lors de la réunion du conseil d'orientation sur les conditions de travail (COCT) du 4 décembre 2009, puis confirmées et précisées lors de celle du 11 mai 2010. La proposition de loi relative à l'organisation de la médecine du travail adoptée par le Sénat le 27 janvier 2011 reprend les principales mesures des COCT. Le contexte de cette réforme est clair. Les SST possèdent actuellement certains atouts qu'une réforme se doit de préserver. Le médecin du travail demeure l'acteur de prévention le plus présent dans les entreprises et, en particulier, dans les plus petites d'entre elles. L'expertise des médecins du travail dans les entreprises ainsi que la proximité des SST sont ainsi des acquis majeurs qu'il convient de conforter. Les grands principes sur lesquels repose l'organisation française du système de santé au travail doivent rester au centre de toute réflexion : l'universalité, la médecine du travail devant s'adresser à l'ensemble des travailleurs ; la spécialisation et l'indépendance professionnelle des médecins du travail ; la vocation exclusivement préventive du système de santé au travail. En revanche, il importe de poursuivre l'évolution des services de médecine du travail vers les SST et de conforter les évolutions engagées en 2002-2004. La réforme en cours de discussion au Parlement répond à ces impératifs et à ces exigences. En effet, pour la première fois, les missions des SST sont non seulement centrées sur les salariés pris individuellement, mais aussi sur la collectivité des travailleurs, avec une démarche plus systémique. Il s'agit de missions de veille sanitaire, de prévention de la santé au travail et en particulier de prévention primaire. La première de ces missions est de « conduire des actions de santé au travail visant à préserver la santé physique et mentale des travailleurs tout au long de leur parcours professionnel ». C'est bien une politique de prévention de l'altération de la santé dans une approche globale qui est visée. Cette approche collective, complémentaire de l'approche individuelle, est aujourd'hui indispensable dans un contexte de forte évolution des risques professionnels (troubles musculo-squelettiques, risques chimiques, etc.). Cependant, si la démographie médicale est en effet préoccupante pour la plupart des disciplines, elle l'est, en particulier, pour la médecine du travail dont l'évolution s'annonce défavorable, compte tenu de la pyramide des âges. Ce phénomène est d'autant plus sensible que les médecins du travail ont pour spécificité de prévenir toute altération de la santé des salariés du fait de leur emploi. Cette mission fait d'eux des acteurs essentiels de la santé au travail. Concernant la pénurie de médecins du travail, et notamment de la question relative au transfert de certaines compétences des médecins du travail, il est indiqué que la mise en place d'équipes pluridisciplinaires de santé au travail, constituées autour des médecins du travail et comprenant des intervenants en prévention des risques professionnels et des infirmiers, pourra être complétée d'assistants des SST et de professionnels recrutés après avis des médecins du travail. Cette mise en convergence de compétences et de métiers différents doit ainsi permettre, dans le respect des spécialités respectives, un enrichissement mutuel, un partage des expériences et une meilleure répartition des actions. Elle a aussi pour objectif de mieux conjuguer l'approche individuelle et une action collective renforcée et d'optimiser ainsi le temps médical disponible. À titre d'exemple, il est prévu de faciliter le recours à des compétences médicales par la possibilité pour les SST de recruter, à titre temporaire et après délivrance d'une licence de remplacement et autorisation par les conseils départementaux compétents de l'ordre des médecins, un interne de la spécialité et par l'organisation d'une voie de reconversion pérenne des médecins vers la médecine du travail. Cet interne travaillera sous l'autorité d'un médecin du travail expérimenté. Des mesures règlementaires viendront préciser les missions plus particulièrement dévolues aux infirmières. Concernant certains publics spécifiques, la proposition de loi prévoit la possibilité de recourir, par accord collectif de branche étendu, à un médecin non spécialisé en médecine du travail qui signerait un protocole avec un SST interentreprises. Ce recours est évidemment soumis à un certain nombre de conditions et de garanties, notamment en termes de formation des médecins non spécialisés ou de modalités d'exercice de leurs missions. De plus et afin de tenir compte de spécificités locales en matière de recours à des travailleurs saisonniers, l'autorité administrative peut approuver des accords adaptant les modalités d'organisation du SST et de surveillance de l'état de santé de ces travailleurs qui seront définies par décret, sous réserve que ces adaptations garantissent un niveau au moins équivalent de protection de la santé aux travailleurs concernés. Le Gouvernement remettra au Parlement un rapport sur l'évaluation de ce recours à des médecins non spécialisés en médecine du travail dans un délai de cinq ans après l'entrée en vigueur de la loi. Cet ensemble de mesures est de nature à desserrer, en partie, les contraintes pesant sur le temps médical, mais il n'épuise pas la réflexion en ce domaine qui doit également être tournée vers l'avenir et envisager tous les moyens de renverser la tendance démographique actuelle. D'autant que l'indépendance du médecin du travail, déjà garantie par les dispositions du code du travail mais aussi par le code de la santé publique et le code de déontologie, est réaffirmée dans ce texte législatif qui renforce par ailleurs le statut de salarié protégé. Le fait que le médecin du travail soit le salarié d'une entreprise (dans le cas d'un service autonome) ou d'un SST interentreprises, comme peuvent l'être des médecins dans un établissement de santé, n'entame en rien son indépendance technique, ni ses prérogatives dans l'exercice de son art. En outre, la réforme a pour objectif de couvrir des catégories de salariés aujourd'hui privées, en droit ou en fait, de l'accès aux services et prestations de santé au travail du fait de leur dispersion ou de la courte durée des contrats de travail : plus d'un million et demi d'employés de maison, les voyageurs-représentants-placiers (VRP), les stagiaires de la formation professionnelle, les intermittents du spectacle, etc. Dans un souci de pragmatisme, le suivi médical individuel de ces travailleurs pourra être adapté par voie conventionnelle ou réglementaire. Au-delà de la définition des missions des services, le texte rénove fondamentalement la gouvernance et améliore le pilotage de ces services, en instaurant une gouvernance paritaire (alors qu'antérieurement la représentation des employeurs représentait les deux tiers des sièges). Il prévoit une direction du SST, une organisation des missions à travers un projet de service pluriannuel et un contrat d'objectifs et de moyens passé entre le service, la direction régionale des entreprises de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) et la caisse régionale d'assurance retraite et de santé au travail (CARSAT). S'agissant de la composition du conseil d'administration des SST et, plus particulièrement, du mode de désignation des différents collèges, il doit être rappelé sur ce point que, tout au long des débats qui ont été menés depuis 2010, soit à l'occasion du projet de loi portant réforme des retraites, soit lors de l'examen par le Sénat de la proposition de loi relative à l'organisation de la médecine du travail, le Gouvernement s'est toujours attaché à préserver un équilibre d'ensemble en matière de gouvernance des conseils d'administration et de composition des deux collèges. La recherche parallèle d'un lien plus étroit avec le terrain a abouti à une évolution non négligeable des dispositions relatives à cette composition. Les membres de la Haute Assemblée ont voté une disposition prévoyant que le président et le trésorier sont élus pour un mandat de trois ans, l'un parmi les représentants des organisations professionnelles d'employeurs et l'autre parmi ceux des organisations syndicales de salariés en alternance. À l'origine, il était simplement prévu que le collège salarié soit composé de représentants des organisations syndicales de salariés représentatives au plan national et interprofessionnel. Aujourd'hui, la composition proposée pour ce collège, telle qu'elle résulte de la rédaction actuelle de la proposition de loi, est conforme à celle qui avait été votée à l'occasion de la loi portant réforme des retraites et elle reçoit l'accord du Gouvernement. Enfin, si la proposition de loi permet de dessiner le cadre général et de fixer les grands principes de la réforme, celle-ci devra être complétée par un très important travail réglementaire qui sera mené dans les mois à venir.
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